Douleur Savoir prendre du temps et revenir en arrière On pourrait penser que le traitement systématique de la douleur est un principe acquis. Ce n’est pas parce que tout le monde en parle que l’écoute des soignants est plus attentive. On se retranche souvent derrière un manque de temps. Certes, soigner la douleur nécessite, avant tout, de la comprendre. L a douleur est un symptôme complexe et la réponse par les antalgiques peut se révéler insuffisante, voire inefficace. La plainte douloureuse doit être abordée dans toute sa dimension. Et, devant une douleur rebelle, il est parfois nécessaire de faire marche arrière, de remettre tout à plat et de recommencer le questionnement. Dans la douleur, il existe une cause du corps avec une pathologie organique. Or si cette cause n’est pas identifiée, le patient est souvent rejeté dans la catégorie des malades psychiques ou des psychosomatiques. « La traduction de la douleur en mots du discours par le patient passe par une série de filtres et de contraintes qui trahissent la vérité de l’expérience vécue, en imposant l’utilisation de l’analogie, de la métaphore, du “comme si”. Le discours sur la douleur se situe à deux niveaux. Le premier, superficiel, doit être interprété avec prudence. Le second, plus profond et plus authentique, doit être repéré au niveau du verbal mais également au niveau de l’intra-verbal et du non-verbal », souligne le Dr Jacques Glowinski du centre hospitalier de Gonesse. Quelles douleurs ? Quatre catégories de mécanismes sont générateurs de douleurs. • Les douleurs par excès de nociception sont liées à une pathologie inflammatoire ou à des lésions tissulaires, osseuses ischémiques, etc. • Les douleurs neuropathiques sont attribuées à la privation d’un mécanisme neurophysiologique de modulation. • Les douleurs d’origine neurovasculaire sont la migraine, l’algodystrophie. • Les douleurs d’origine psychogène surviennent à l’occasion d’une affection psychiatrique sans cause organique bien individualisée. • Les douleurs d’origines mixtes sont fréquentes, notamment chez les douloureux chroniques. Attitudes pratiques La première étape est l’évaluation de la douleur. Celle-ci peut s’effectuer à l’aide d’outils comme les échelles conçues à cet effet. Il faut apprécier à sa juste valeur les dimensions affectives, émotionnelles, cognitives, fonctionnelles, socio-familiales, et l’expression même de la douleur. Il faut d’abord distinguer : les douleurs aiguës, les douleurs persistantes et les douleurs chroniques. Le traitement de la douleur aiguë fait appel aux médicaments dont la puissance antalgique correspond à l’intensité de celle-ci quantifiée de 1 à 10 par l’échelle d’évaluation. Au-dessous du niveau 4 de cette échelle, les morphiniques de palier I sont utilisés. Au-dessus du niveau 4, ce sont les antalgiques morphiniques opiacés faibles de palier II qui sont administrés, associés parfois aux antalgiques de palier I. En cas d’échec, les morphiniques ou opiacés forts sont prescrits. La morphine en est le chef de file. Mais, chaque fois, il faut être attentif aux effets secondaires. La douleur persistante se rencontre dans le cadre de la maladie cancéreuse. La rotation des antalgiques ou des voies d’administration est employée. En dehors des cancers, cette douleur survient souvent lors d’affections rhumatismales évolutives, des artérites, de certaines pathologies neurologiques, etc. Les douleurs neuropathiques répondant mal aux opiacés, il est alors nécessaire de diriger le malade sur un centre antidouleur. Au-delà de 6 mois, la douleur est dite chronique. « Il s’agit d’un syndrome plurifactoriel et d’une souffrance multidimensionnelle. Souvent, même si les antalgiques semblent essentiels au malade, ils ne représentent qu’une petite part du traitement dit “global” de toutes les composantes du syndrome dit douloureux », explique le Dr Pierre Tajfel, médecin généraliste (78). Les médicaments doivent être administrés de préférence par voie orale, à horaire fixe, en respectant la pharmacocinétique et la chronologie de la douleur. La posologie doit en effet être adaptée à cette dernière. « La prévention des effets secondaires par les médicaments adjuvants améliore l’observance du traitement », précise le médecin. Aujourd’hui, l’éventail des armes thérapeutiques mis à la disposition des soignants facilite la prise en charge de la douleur. Cette dernière, quand elle est précoce, permet de diminuer le risque de chronicisation et le poids socio-économique qu’elle entraîne. A.-L.P 13