Radiolocalisation chirurgicale du ganglion sentinelle dans le
cancer du sein
L’expérience réussie de Morton (23) dans le mélanome malin
a été reprise dans le cancer du sein pour la première fois par
Krag en 1993 (24). Un colloïde de technétium est injecté par
voie péritumorale à 22 patientes avec une détection peropéra-
toire du premier relais du drainage tumoral positive pour
18 patientes (82 %). L’état histologique standard (HES) du
ganglion sentinelle prélevé est en corrélation parfaite avec la
prédictivité de l’état histologique des autres ganglions. Il n’y a
aucun faux négatif et pour 3 patientes, le ganglion sentinelle
était le seul pathologique. Le repérage du ganglion sentinelle
est fiable par cette méthode peropératoire avec une sensibilité
de 100 %.
Localisation chirurgicale du ganglion sentinelle dans le
cancer du sein
Une première étude dans le cancer du sein est publiée en 1994
(25). Un colorant inerte, bleu violet (isosulfan), est injecté en
péritumoral sur un groupe de 172 patientes comparé à
134 patientes n’ayant pas reçu d’injection. Le repérage per-
opératoire du premier relais bleu a été possible sur
114 patientes (66 %) avec un total de 207 ganglions senti-
nelles. Cette étude introduit un biais méthodologique impor-
tant : l’examen histologique est réalisé sur les ganglions senti-
nelles, en coupes sériées, avec les colorations standards (HES)
et une étude immunohistochimique, contrairement au reste du
curage. Il y a plus de métastases dans le groupe ganglion
sentinelle que dans l’autre, ce qui pouvait être naturellement
attendu de l’association coupes sériées et étude immunohisto-
chimique à l’examen histologique standard. Il n’en demeure
pas moins qu’en utilisant cette approche histologique et immu-
nohistochimique, 109 ganglions sentinelles ont permis de pré-
dire le statut du reste du curage (95,6 %). La méthode a été un
échec dans 5 cas où le ganglion prélevé était négatif alors qu’il
existait une métastase à distance (4,4 %). Enfin, Giulano
constate que dans 23 % des cas, le drainage lymphatique tumoral
s’effectue directement dans le deuxième étage de Berg.
Les expériences de détection du ganglion sentinelle se sont
rapidement développées avec soit l’utilisation du colorant
inerte seul, soit l’utilisation de colloïdes radioactifs seuls, soit
l’association des deux. Une remarque est d’emblée nécessaire :
il s’agit d’une technique qui nécessite un apprentissage. Deux
approches méthodologiques sont utilisées. La première est
l’injection préopératoire du traceur choisi (25, 26, 27, 28, 29,
30, 31, 32), la seconde est une injection de colloïdes radioactifs
avec repérage à la peau effectuée la veille d’une injection de
colorant en préopératoire associée à une chirurgie radioguidée
(33, 34, 35, 36). Le point principal est le taux de faux négatifs
produit par la méthode. Le tableau I résume ces expériences.
Les conclusions des chirurgiens sur cette méthode au Congrès
de la Société américaine de chirurgie sont rapportées par la
présidente de la Société internationale de médecine nucléaire
(28) :
– la localisation du ganglion sentinelle peut être réalisée avant
toute incision ;
– une incision petite peut suffire pour pratiquer rapidement et
aisément la biopsie de ce ganglion ;
– la morbidité du curage axillaire est minimisée, particulière-
ment si le ganglion sentinelle est négatif, ce qui permettrait de
ne pas réaliser le curage complet ;
– le staging initial est amélioré par rapport au staging habituel ;
– cette méthode génère des économies de santé.
Malgré les espérances réelles liées à cette méthode, elle reste
une investigation en développement qui nécessite une coopéra-
tion parfaite, multidisciplinaire, associant chirurgie, anatomie
et cytologie pathologiques et médecine nucléaire (36).
Radiolocalisation chirurgicale spécifique des ganglions du
territoire de drainage
L’utilisation d’anticorps spécifiques radioactifs injectés par
voie intraveineuse a été réalisée dans le cancer du sein sans
succès. La localisation de l’anticorps au sein de la tumeur cible
vérifiée par méthode immunohistochimique (38) a justifié la
poursuite de cette approche. Une seule étude avec un anticorps
humain marqué a été réalisée dans le cancer du sein. Après une
injection au niveau de l’aréole aux 31 patientes, un repérage
préopératoire par imagerie, suivi d’un contrôle ex vivo de la
pièce de curage et des ganglions isolés, a été réalisé. Les résul-
tats ont été corrélés par une étude histologique et immunohis-
tochimique (39, 40). La valeur prédictive est de 90 % avec un
nombre important de ganglions hyperplasiques positifs dans
les petites tumeurs, situation clinique où il serait important
d’avoir un résultat exact du statut ganglionnaire afin d’éviter
un curage inutile. Cette étude se focalise sur des modifications
morphologiques en histologie mais dont la signification n’est
toujours pas éclaircie. Les résultats obtenus sont suffisamment
encourageants pour générer d’autres études et pratiquer la
détection peropératoire spécifique du ganglion sentinelle.
Localisation des ganglions par un traceur radioactif général
La méthode qui permettrait de réaliser la détection sélective du
ganglion métastatique est peut-être arrivée. L’utilisation du
fluoro-désoxyglucose marqué par du fluor 18, émetteur de
positons, pour la détection de la tumeur primitive autant que
ÉDITORIAL
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La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 2 - mars-avril 1998
Isotope + bleu = isotope 24 heures avant l’intervention et bleu en
préopératoire, bleu + isotope = injection des deux composés en
préopératoire.
Médium Cas Ganglions Valeur Faux
sentinelles prédictive négatifs
Krag (24) 1993 isotope 22 18 100 % 0 %
Giulano (25) 1994 bleu 174 114 95,6 % 4,4 %
Albertini (27) 1996 bleu + isotope 62 57 100 % 0 %
Statman (29) 1997 bleu 174 114 96 % 4 %
Giulano (30) 1997 bleu 107 100 100 % 0 %
Guenther (31) 1997 bleu 145 103 97,1 % 2,9 %
Borgsein (32) 1997 isotope + bleu 33 33 100 % 0 %
Veronesi (34) 1997 isotope + bleu 163 160 95 % 5 %
Pijpers (35) 1997 isotope + bleu 37 34 91,9 % 8,1 %
Rodier (36 ) 1997 bleu 51 39 86,9 % 5,8 %
Tableau I.
Analyse de la littérature récente du ganglion sentinelle
dans le cancer du sein.
vol VII/n°2 avr. 23/04/04 10:03 Page 48