i chacun s’accorde à penser qu’il ne faut pas prescrire
de bêtabloquants à un insuffisant cardiaque en
poussée, l’incertitude demeure en ce qui concerne
l’insuffisance cardiaque sévère.
La présentation à Amsterdam au Congrès annuel de la Société euro-
péenne de cardiologie des résultats de l’étude COPERNICUS a
relancé ce débat. Le pourcentage des patients de classe IV de la
NYHA inclus dans les trois grands essais de mortalité publiés
récemment est faible : moins de 3 % dans le programme américain
avec le carvédilol, 3,4 % dans l’étude MERIT-HF avec le méto-
prolol. Seule l’étude CIBIS II avait inclus un pourcentage plus élevé,
17 %. Si l’on évalue la sévérité de l’insuffisance cardiaque par la
fraction d’éjection, celle-ci devait être ≤35 % dans le programme
carvédilol et dans CIBIS II, et < 40 % dans l’étude MERIT. Enfin,
si l’on regarde la mortalité annuelle dans les groupes placebo de
ces trois études, elle était voisine, allant de 11 à 13,2 %.
La faible proportion de patients de classe IV inclus dans les essais
de mortalité explique que la plupart des agences d’enregistrement
aient restreint l’emploi des bêtabloquants dans l’insuffisance car-
diaque aux variétés de gravité modérée à moyenne.
De plus, l’étude BEST, présentée à l’American Heart Associa-
tion en 1999 et non encore publiée, a jeté également le doute sur
le bénéfice des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque
sévère. Cette étude a été interrompue prématurément en raison
de l’absence d’effets bénéfiques du bucindolol par rapport aux
groupes placebo. Des analyses en sous-groupes ont montré que
deux catégories de patients ne tiraient pas bénéfice du bêtablo-
quant : les patients de race noire et les patients de classe IV.
Elle a inclus 2 289 patients avec une
insuffisance cardiaque
symptoma-
tique au repos depuis plus de 2 mois,
une fraction d’éjection < 25 % et sur un traitement de fond par
inhibiteur de l’enzyme de conversion, diurétique associé ou non
à un digitalique.
L’étude a été interrompue prématurément le 14 mars 2000 en
raison du bénéfice important observé sous carvédilol.
La mortalité annuelle dans le groupe placebo est de 18,5 %,
confirmant le caractère sévère de l’insuffisance cardiaque. Les
patients ont reçu 3,125 mg deux fois par jour puis le traitement
a été augmenté jusqu’à 25 mg deux fois par jour, avec des inter-
valles de deux semaines.
Le résultat principal de l’étude COPERNICUS est de montrer
une réduction de 35 % du critère majeur, la mortalité toute cause
par rapport au groupe placebo. Cette réduction de mortalité a été
observée dans tous les sous-groupes prédéfinis selon l’âge, le
sexe, la valeur de la fraction d’éjection, le caractère ischémique
ou non ischémique de la cardiopathie.
Des analyses a posteriori ont porté sur les patients à haut risque,
définis par une fraction d’éjection < 20 % et une hospitalisation
pour une insuffisance cardiaque dans l’année précédant l’inclu-
sion ou sur les patients présentant une rétention hydrosodée et
hospitalisés lors de l’inclusion. Dans tous ces sous-groupes, le
bénéfice observé sous carvédilol est maintenu.
Ces résultats suggèrent donc
qu’il est possible de prescrire
des bêtabloquants à des patients
en insuffisance cardiaque sévère et d’obtenir un gain significatif
en termes de mortalité.
Peu de données concernant le nombre d’arrêts de traitement ont
été présentées, et il a été simplement indiqué que le taux d’arrêts
permanents du traitement prescrit en aveugle était plus élevé dans
le groupe placebo que dans le groupe carvédilol. Il faudra natu-
rellement attendre la publication pour analyser les données de
cette étude intéressante et voir quel a été l’impact du carvédilol
sur un certain nombre de critères secondaires, l’analyse n’ayant
pas été présentée à ce jour.
Quoi qu’il en soit, les résultats de l’étude COPERNICUS suggè-
rent qu’il est possible de prescrire un bêtabloquant à un insuffisant
cardiaque “sévère”. Il convient néanmoins de nuancer ce propos
car le pourcentage de décès annuels observés dans le bras placebo
(18,5 %) est très inférieur à ce qui a été observé et publié dans des
études de cohortes (30 à 40 %), soulignant une fois encore le carac-
tère très sélectif des patients inclus dans les essais thérapeutiques.
Il sera naturellement du ressort des autorités de décider s’il est pos-
sible d’élargir l’autorisation de mise sur le marché à cette catégo-
rie de patients. En tout état de cause, il conviendra de garder les
mêmes règles de prudence concernant les patients stables et de se
conformer à la nécessité d’augmenter très progressivement la
posologie afin d’obtenir la meilleure tolérance possible. ■
La Lettre du Cardiologue - n° 343 - mars 2001
3
Après l’étude COPERNICUS :
peut-on prescrire des bêtabloquants
à l’insuffisant cardiaque sévère ?
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M. Komajda*
* Service de cardiologie, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
S
ÉDITORIAL
Des résultats
intéressants...
... Mais à nuancer