Editorial - M. Komajda É 29/04/04 16:30 Page 4 D I T O R I A L Les bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque : après l’étude CIBIS... ● M. Komajda* U n des résultats les plus marquants présentés lors du récent Congrès de la Société Européenne de Cardiologie à Vienne a été celui de l’étude CIBIS. Nous savions que cette étude avait été interrompue prématurément en raison de l’effet bénéfique du bisoprolol sur des patients en insuffisance cardiaque, mais nous ignorions le détail des résultats. LES RÉSULTATS Le principe qui a conduit à réaliser la deuxième étude CIBIS était d’étudier l’influence sur la mortalité toutes causes et sur un certain nombre de variables secondaires de l’administration de bisoprolol à la dose maximale de 10 mg/j chez des patients de classes III et IV recevant en outre un inhibiteur de l’enzyme de conversion et un diurétique. Deux mille six cent quarante-sept patients ont été inclus. La dose de départ était de 1,25 mg ; elle était augmentée progressivement jusqu’à un maximum de 10 mg/j au cours d’une période d’adaptation de 6 mois. Cette population d’insuffisants cardiaques comportait 80 % de sujets de sexe masculin ; 83 % des patients étaient en classe III et 59 % des patients avaient une cardiopathie ischémique. La durée moyenne du suivi n’a été que de 1,4 an en raison de l’arrêt prématuré de l’étude. En effet, la réduction de la mortalité (de 17,3 % à 11,8 %) dans le groupe bisoprolol a conduit le Comité de Surveillance à juger qu’il n’était plus éthique de poursuivre l’essai. La réduction du risque de mortalité, toutes causes confondues, s’avère ainsi être de 32 %. L’analyse des décès par cause spécifique montre que la mortalité régresse surtout pour ce qui concerne les décès par mort subite, tandis que les décès par insuffisance cardiaque ne sont pas diminués significativement. Une autre leçon de l’étude CIBIS est de montrer une réduction significative de la morbidité cardiovasculaire (hospitalisations toutes causes, hospitalisations pour insuffisance cardiaque, hospitalisations pour trouble du rythme ventriculaire). Les analyses en sous-groupes ont montré que la réduction de mortalité n’était pas significativement différente selon les tranches d’âge (> 65 ou < 65 ans), selon qu’il s’agissait d’une cardiopathie ischémique * Service cardiologie, CHU Pitié-Salpêtrière, 47-83, bd de l’Hôpital, 75013 Paris. 4 ou non ischémique, à la différence de ce que suggérait l’étude CIBIS I, ou selon qu’il s’agissait de patients de classe III ou IV. Ces effets bénéfiques se sont accompagnés d’un plus grand nombre de bradycardies ayant nécessité une hospitalisation, mais le pourcentage de retraits permanents de traitement a été similaire (15 %) dans les deux bras de l’étude. Le mérite de l’étude CIBIS II est d’apporter la démonstration irréfutable que l’adjonction d’un traitement bêtabloquant à un traitement de base par inhibiteur de l’enzyme de conversion et par diurétique, chez des patients ayant une altération importante de la fonction systolique du ventricule gauche, entraîne une réduction de mortalité totale de plus de 30 %. Ce résultat est d’autant plus remarquable que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion entraînent, pour leur part, une réduction de mortalité par rapport au traitement conventionnel de 25 %. Il s’agit donc d’un gain majeur en termes de pronostic dans cette maladie grevée d’une lourde mortalité. Le deuxième enseignement apporté par l’étude CIBIS est que la morbidité cardiovasculaire, évaluée notamment par le nombre d’hospitalisations, est réduite significativement de 15 % pour les hospitalisations toutes causes et de 30 % pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. QUELLES INDICATIONS ? Le retentissement de ces résultats sur notre conception de la stratégie du traitement de l’insuffisance cardiaque va être considérable et devrait conduire la communauté cardiologique à envisager une utilisation du traitement bêtabloquant beaucoup plus large qu’à l’heure actuelle. Il paraîtrait en effet difficilement acceptable, au plan éthique, de refuser à nos patients l’apport d’un traitement qui peut réduire la mortalité de l’ordre de 30 %, ce chiffre étant d’ailleurs remarquablement similaire à la réduction de mortalité observée dans les essais menés avec le carvédilol. Si nous ne devons pas perdre de vue qu’un certain nombre de patients ne tolèrent pas la mise en route ou l’augmentation des doses de bêtabloquant, il faudra néanmoins que nous fassions un effort pour instaurer cette mesure thérapeutique plus précocement chez les patients de gravité moyenne, en leur expliquant qu’après une période parfois délicate d’adaptation, le confort de vie et la longévité se trouvent améliorés. Un autre résultat intéressant de l’étude CIBIS est qu’elle a inclus des patients gravement atteints, certains étant en classe IV. En .../... La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998 Editorial - M. Komajda 29/04/04 16:30 Page 6 Editorial - M. Komajda 29/04/04 16:30 Page 7 É D I T O R I A L .../... (carvédilol) ne joue pas un rôle majeur dans le gain sur la mortalité ou la morbidité dans la mesure où un produit de chacune de ces sous-classes a démontré son efficacité, la question n’a pourtant pas été abordée directement au plan scientifique. Il faudra donc attendre les résultats d’autres essais thérapeutiques en cours (COMET, BEST, MERIT) pour disposer de cette information. De même, nous ne savons pas à l’heure actuelle si d’autres propriétés ancillaires des bêtabloquants peuvent jouer un rôle bénéfique (effets antioxydant et alphabloquant du carvédilol...). Quelles que soient ces incertitudes, le résultat majeur à retenir à l’issue de la présentation de l’étude CIBIS II et à appliquer dans notre pratique quotidienne est que la coprescription d’un bêtabloquant et d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion réduit sensiblement la mortalité et la morbidité cardiovasculaire chez l’insuffisant cardiaque : il a été calculé que le traitement de 25 patients pendant une année permet d’épargner une vie. ■ France, à l’heure actuelle, cette catégorie de patients en insuffisance cardiaque sévère ne relève pas, selon les données de l’autorisation de mise sur le marché, d’un traitement bêtabloquant. S’il convient de relever que seulement 17 % des malades étaient en classe IV dans l’étude CIBIS, il est également intéressant de constater qu’aucune différence de bénéfice ni d’effet secondaire n’a été rapportée entre les patients de classe III et de classe IV (la publication devra en apporter la preuve chiffrée). Cette observation conduira-t-elle à élargir les indications des bêtabloquants aux patients de classe IV ? Ce sera bien entendu à l’Agence du Médicament d’en juger. DES QUESTIONS DEMEURENT Un certain nombre de questions demeurent non résolues après la publication de l’étude CIBIS : s’il est raisonnable de penser que le caractère cardio-sélectif (bisoprolol) ou non cardio-sélectif ✁ À découper ou à photocopier A A BB O O N N N N Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules Dr, M., Mme, Mlle ........................................................................... Prénom .......................................................................................... Pratique : ❏ hospitalière ❏ libérale ❏ autre.......................... Adresse.......................................................................................... ...................................................................................................... Code postal ................................................................................... EE ZZ -- VV Tél.................................................................................................. Avez-vous une adresse E-mail : oui ❏ non ❏ Sinon, êtes-vous intéressé(e) par une adresse E-mail : oui ❏ non ❏ Merci de joindre votre dernière étiquette-adresse en cas de réabonnement, changement d’adresse ou demande de renseignements. UU SS !! 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