La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 137
DOSSIER THÉMATIQUE
globale et avec une toxicité plus importante (22).
L’effi cacité des chimiothérapies sur la survie globale
reste faible, mais, dans un contexte palliatif, l’amélio-
ration des symptômes et, par corollaire, de la qualité
de vie, est intéressante dans cette population de
patients. Le schéma standard dans cette situation est
longtemps resté, aux États-Unis, le méthotrexate.
En Europe, devant des taux de réponse plus élevés,
l’association cisplatine + 5-FU lui a été rapidement
préférée (tableau). Dans la mesure du possible, le
cisplatine, qui donne de meilleurs taux de réponse,
doit être préféré au carboplatine (23).
Depuis 2008, l’étude de phase III randomisée de
J.B. Vermorken et al. (EXTREME) a démontré que
l’ajout du cétuximab hebdomadaire à l’association
sel de platine + 5-FU améliore la survie sans
récidive mais aussi, pour la première fois, la survie
globale par rapport à la même chimiothérapie sans
cétuximab (la médiane de survie globale passe de 7,4
à 10,1 mois, celle de survie sans progression passe
de 3,3 à 5,6 mois, avec un taux de réponse passant
de 20 à 36 %) [4]. Ce schéma est donc devenu le
standard en première ligne palliative (tableau). Le
cétuximab est un anticorps monoclonal chimérique,
inhibiteur du récepteur à l’EGF (Epidermal Growth
Factor Receptor [EGFR]), administré par voie intra-
veineuse. L’EGFR est surexprimé dans la majorité
des cancers des VADS et est un facteur de mauvais
pronostic. Contrairement aux cancers du côlon, il
n’est pas nécessaire de rechercher la mutation KRAS
dans les populations présentant des carcinomes
épidermoïdes des VADS, ceux-ci étant KRAS sauvage
dans plus de 97 % des cas (24). Le cétuximab peut
être responsable d’un choc allergique lors de la
première injection (1 à 3 % des patients), qui doit
être réalisée sous surveillance étroite et sous couvert
d’une prémédication (tableau). Le cétuximab
est également responsable d’éruptions cutanées
amicrobiennes, essentiellement sur le visage, le cuir
chevelu et le torse, de diarrhées, d’une asthénie,
d’anomalies du bilan hépatique (cytolyse) et d’une
hypomagnésémie. La toxicité cutanée spécifi que
du cétuximab, démontrée comme étant un facteur
prédictif de la survie globale dans les cancers du
côlon (25), n’a pas été observée de façon signifi cative
dans l’étude EXTREME. Il est maintenant admis par
de nombreuses équipes que les patients bénéfi cient
de la mise systématique sous tétracyclines (dose de
100 mg/j pouvant être augmentée à 200 mg/j si
ineffi cace) dès le début du traitement par cétuximab,
par analogie à ce qui a été démontré dans l’étude
de phase II avec le panitumumab, un anticorps
monoclonal entièrement humanisé anti-EGFR utilisé
dans les cancers du côlon métastatiques (26). Il
n’existe par contre pas de règle déterminée pour
modifi er les doses de cétuximab en fonction de la
tolérance cutanée. Malgré ses effets secondaires,
l’ajout du cétuximab à la chimiothérapie ne modifi e
pas la qualité de vie des patients (27). Enfi n, dans
cette étude, l’utilisation du cisplatine a une fois
encore entraîné un meilleur taux de réponse que
celle du carboplatine.
Plusieurs molécules sont actuellement en dévelop-
pement en première ligne : l’association cisplatine +
docétaxel + cétuximab en cours d’évaluation dans
une phase II du GORTEC (Groupe Oncologie
Radiothérapie Tête et Cou) ; le panitumumab avec
l’essai SPECTRUM (phase III avec le même schéma
que l’étude EXTREME), qui, a priori, ne montre
pas d’amélioration de la survie globale (28) ; le
cilengitide, inhibiteur des intégrines (récepteurs
situés à la surface des cellules endothéliales et
de certaines cellules tumorales et jouant un rôle
majeur dans l’angiogenèse tumorale), testé dans
l’étude ADVANTAGE de phase I/II en association
avec le cétuximab, le cisplatine et le 5-FU en phase
métastatique et/ou de rechute, avec un contrôle de
la maladie chez tous les patients (29).
Il n’existe pas actuellement de standard en deuxième
ligne métastatique. Les patients présentant une
récidive et/ou une évolution métastatique d’un
cancer des VADS après une chimiothérapie à base
de sel de platine ont un mauvais pronostic : leur
réponse à une deuxième ligne est estimée à 3 % et
leur médiane de survie à 107 jours (30). Le métho-
trexate peut être une alternative. D’autres molécules
semblent avoir une effi cacité en deuxième ligne
après échec d’une chimiothérapie contenant un sel
de platine, comme le cétuximab en monothérapie
(phase II montrant un taux de réponse de 13 %) [31].
Le zalutumumab, un anticorps monoclonal humanisé
anti-EGFR, dans une étude de phase III versus Best
Supportive Care (pouvant contenir du méthotrexate),
met en évidence une amélioration signifi cative de
la survie sans progression, pour la première fois en
deuxième ligne, même s’il n’y a pas de différence
en termes de survie globale (32). De même, le
BIBW 2992 a montré son effi cacité en deuxième
ligne dans une phase II randomisée versus cétuximab
en mono thérapie (33).
Pour mémoire, les taxanes n’ont actuellement
aucune autorisation de mise sur le marché en France
en situation palliative.
Enfi n, d’autres molécules semblent ineffi caces ou
trop toxiques, comme, par exemple, le géfi tinib et
le sunitinib (34, 35). ■
1. Pignon JP, Bourhis J,
Domenge C, Designé L.
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8. Indications de la radio-
thérapie : cancer des VADS.
Recommandations et
référentiels. INCa 2009 :
www.e-cancer.fr/soins/
recommandations/cancers-
de-la-tete-et-du-cou.
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Références
bibliographiques