Traitement des radiomucites Treatment of mucitis after radiotherapy

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AmygdalesetcavitŽbuccale
Traitement des radiomucites
Treatment of mucitis after radiotherapy
● D. Chevalier*
CE QU’IL FAUT RETENIR
LaradiomuciteestunecomplicationfrŽquentedestraitementsparradio-et/ouchimiothŽrapiedestumeursdes
voiesaŽrodigestivessupŽrieures.ElleesttraitŽedemaniresymptomatiqueparlesantalgiques,etlocalement
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Niveaudepreuve
2
Mots-clés : Mucite - Cancer tête et cou - Radiothérapie.
Keywords: Mucitis - Head and neck cancer - Radiotherapy.
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e traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) repose sur la chirurgie et/ou la radiothérapie. Afin d’améliorer les résultats dans les formes évoluées, les
modifications du fractionnement et l’association à une radiothérapie ont été proposées, mais la toxicité muqueuse aiguë est
souvent augmentée (1). On estime qu’une radiomucite sévère survient chez 60 % des patients traités par radiothérapie, et chez plus
de 90 % de ceux traités par association chimio- et radiothérapie
ou modification du fractionnement (2). Ces mucites augmentent
le risque d’infection locale et générale et peuvent conduire à l’interruption des traitements. Cela est préjudiciable et a des conséquences
sur le contrôle tumoral conduisant à la recherche des moyens de
traitement et de prévention.
La radiomucite est la conséquence de l’atteinte des cellules sécrétrices salivaires et de l’épithélium des cavités buccales et pharyngées.
Après une inflammation associée à des ulcérations muqueuses, il
existe un risque de surinfection par la flore bactérienne buccale. La
prise en charge des radiomucites est difficile, et toutes les thérapeutiques utilisées jusqu’à présent ont été essentiellement symptomatiques. Elles portent sur les antalgiques, l’hydratation, l’alimentation,
les anti-infectieux, dont les antifongiques. D’autres voies thérapeutiques de nature préventive ont également été décrites, utilisant
des cytoprotecteurs (amifostine, sucralfate, laser de basse énergie,
etc.).
* Service ORL, hôpital Claude-Huriez, CHU de Lille.
Les essais cliniques rapportant ces expériences ont été publiés,
mais avec des résultats discordants et dont l’interprétation est difficile, car les protocoles thérapeutiques antitumoraux sont différents.
Parmi les publications, une méta-analyse publiée en 2001 (2) et portant sur 59 publications a apporté quelques éléments de réponse
et une synthèse des méthodes actuellement à la disposition des
patients. Dans ce travail de Sutherland et al., seuls 15 essais
incluant 1 022 patients ont été retenus comme étant exploitables
et ont fait l’objet d’une analyse détaillée.
LES CYTOPROTECTEURS DIRECTS
Leur mode d’action repose sur la formation d’une barrière de protection de la muqueuse ou sur la stimulation de la réponse épithéliale.
Le sucralfate
Le sucralfate est largement utilisé. Grâce à la création de liaisons
électrolytiques, il agit en formant une barrière mécanique au niveau
des lésions de l’épithélium. Il est utilisé en suspension et administré par voie orale. Lievens et al. (3) et Carter et al. (4) l’ont employé
en prévention de la survenue de radiomucite à la dose de 1 g et 1,5 g
respectivement. Il était utilisé pendant toute la durée du traitement
par radiothérapie. Les résultats ont montré l’absence de différence
entre le groupe de patients traités et le groupe placebo. Carter et
al. ont montré que la sévérité de la radiomucite est associée à un
traitement par chimiothérapie, à une perte de poids et à une altération de l’état général.
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004
Evidence-basedmedicine
L’amifostine
Ce traitement d’apparition récente est un protecteur des muqueuses
contre les effets de la radiothérapie et de la chimiothérapie.
L’administration est réalisée par voie intraveineuse avant chaque
séance de traitement. Après injection, il est rapidement retrouvé
au niveau des glandes salivaires, où il a un rôle protecteur. Son
utilisation a été limitée par son coût élevé, le cantonnant aux traitements à visée curative par chimioradiothérapie concomitante ou
avec hyperfractionnement. Il reste actuellement une controverse
concernant le risque de diminution de l’effet antitumoral. Pour certains, ce risque n’est pas tout à fait écarté. Pour d’autres, comme
Brizel et al. (5) qui ont conduit une étude de phase III, l’administration à la dose de 200 mg/m2 15 à 30 minutes avant l’irradiation
diminue le risque de xérostomie aiguë et chronique, sans modifier
l’action antitumorale de la radiothérapie. Néanmoins, dans cette
étude, l’auteur ne montre pas de diminution de la mucite aiguë et
ne recommande pas ce traitement de manière systématique. Enfin,
les effets indésirables comme les nausées et les vomissements
étaient présents dans un tiers des cas.
Le laser de basse énergie
Il agit également comme stimulant de la réponse épithéliale. Il
est peu répandu et proposé en France par Bensadoun (6). Il s’agit
d’un laser He/Ne (longueur d’onde : 632,8 nm). Une étude de
phase III randomisée a montré la diminution nette du nombre de
patients atteints de mucite de grade 3 dans le groupe traité par laser.
L’auteur montrait également une diminution significative des douleurs. Ce traitement d’application locale n’est pas d’utilisation
très répandue, mais il est recommandé par l’auteur pour les
patients inclus dans des protocoles de traitement associant radioet chimiothérapie.
comme arguments le faible coût, la tolérance et son association
toujours possible avec d’autres méthodes de prévention.
D’autres anti-infectieux locaux à large spectre, comme la chlorhexidine, ont également été proposés et ont finalement tous le même
objectif, qui est de diminuer la part liée à la surinfection locale au
cours de la mucite radio-induite. Ils semblent pourtant moins bien
tolérés et sont actuellement moins utilisés.
Les anti-infectieux à spectre plus étroit comme les antimycotiques
ont fait l’objet d’études. Lefebvre et al. (8) rapportent une comparaison du fluconazole avec l’amphotéricine B, tous deux en application locale. Ces deux produits ont été qualifiés d’équivalents en
termes d’efficacité sur la mucite, alors que l’activité antimycotique
était supérieure pour le fluconazole, avec une moindre incidence
des effets indésirables mineurs.
En conclusion, si les traitements dits classiques comme les applications locales d’anti-infectieux sont toujours d’actualité et doivent
être utilisés, il existe d’autres voies thérapeutiques. Celles-ci, comme
l’amifostine et le laser de basse énergie, sont peu répandues. Elles
cherchent à apporter une solution moins symptomatique mais plus
adaptée aux mécanismes physiopathologiques des radiomucites.
Une autre voie se développe actuellement avec la radiothérapie avec
modulation d’intensité (IMRT). Il s’agit d’un traitement radiothérapique qui, grâce à une dosimétrie beaucoup plus précise,
épargne au maximum les zones saines tout en atteignant le volume
tumoral. Par ailleurs, en protégeant encore plus les glandes salivaires, il semble possible de diminuer les séquelles de la radiothérapie à la phase aiguë, mais également à distance.
W
R
É F É R E N C E S
1. Bourhis J, Calais G, Eschwège F. Chimioradiothérapie des carcinomes des voies
aérodigestives supérieures. Cancer/Radiother 1998;2:679-88.
2. Sutherland SE, Browman GP. Prophylaxis of oral mucositis in irradiated head
LES ANTI-INFECTIEUX
L’association mucite-infection muqueuse est fréquente et constitue un facteur aggravant. C’est la raison pour laquelle, et depuis
longtemps, les traitements locaux anti-infectieux ont été utilisés.
La polyvidone iodée
En application locale, elle est largement utilisée pour le traitement
des surinfections chroniques à Candida. C’est cette action antiinfectieuse, mais à la phase aiguë, qui est recherchée. Son utilisation dans la prévention et le traitement des radiomucites aiguës a
fait l’objet d’une étude publiée par Adamietz et al. (7). Quarante
patients traités par radiochimiothérapie ont été inclus et ont fait
l’objet d’une comparaison avec un groupe témoin. Le groupe traité
présentait une nette diminution de la durée de la radiomucite, sans
risque hormonal thyroïdien. Les auteurs de ce travail avançaient
and neck cancer patients: a proposed classification scheme of interventions and
meta-analysis of randomized controlled trials. Int J Radiation Oncology Biol Phys
2001;49:917-30.
3. Lievens Y, Haustermans K, van den Weyngaert D et al. Does sucralfate reduce the
acute side-effects in head and neck cancer treated with radiotherapy? A doubleblind randomized trial. Radiother Oncol 1998;47:49-53.
4. Carter DL, Hebert ME, Smink K, Leopold KA, Clough RL, Brizel DM. Double
blind randomized trial of sucralfate versus placebo during radical radiotherapy for
head and neck cancers. Head Neck 1999;21:760-6.
5. Brizel DM, Wasserman TH, Henke M et al. Phase III randomized trial of amifostine as a radioprotector in head and neck cancer. J Clin Oncol 2000;18:3339-45.
6. Bensadoun R, Franquin JC, Ciais G et al. Low energy He/Ne laser in the prevention of radiation-induced mucositis. A multicentric phase III randomized study
in patients with head and neck cancer. Support Care Cancer 1999;7:244-52.
7. Adamietz IA, Rahn R, Bottcher HD, Schafer V, Reimer K, Fleischer W. Prophylaxis with povidone-iodine against induction of oral mucositis by radiochemotherapy. Support care Cancer 1998;4:373-7.
8. Lefebvre JL, Domenge C. A comparative study of the efficacy and safety of fluconazole oral suspension and amphotericin B oral suspension in cancer patients
with mucositis. Oral Oncol 2002;38:337-42.
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004
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