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Traitement médical de la pancréatite aiguë
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R. Delcenserie, T. Yzet, F. Brazier, A. Vandewalle*
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TRAITEMENT DE LA CAUSE
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Il nécessite un bilan étiologique précis et précoce dès l’admission
du patient. Les étiologies biliaire et alcoolique sont recherchées
en priorité de par leur fréquence. Les autres étiologies à rechercher en urgence sont les causes médicamenteuses, infectieuses ou
métaboliques (hypercalcémie, hypertriglycéridémie) (1).
• L’échographie vésiculaire en urgence ainsi qu’un bilan biologique hépatique précoce sont indispensables pour rechercher
une maladie lithiasique biliaire. Si une étiologie biliaire est
suspectée, une cholangiographie rétrograde endoscopique avec
sphinctérotomie endoscopique (SE) en urgence doit être discutée. Pour certains elle s’avère indispensable, pour d’autres indisponible, voire inconcevable. Ce problème est discuté par J.M.
Canard et B. Millat dans ce numéro.
• L’alcool doit être arrêté, ce qui est souvent le cas lors d’une
hospitalisation. Le sevrage alcoolique peut être responsable
d’un pré-délirium tremens, voire d’un DT, nécessitant sédation,
hydratation et vitaminothérapie B1-B6.
• Un médicament suspecté sur des arguments chronologiques
et/ou sémiologiques sera stoppé (2). Il est rare qu’il n’existe pas
un équivalent thérapeutique.
• Une origine bactérienne (salmonellose, yersiniose, légionellose, etc.) sera traitée par une antibiothérapie adaptée (3).
• L’hypertriglycéridémie (4) est souvent alcoolo- ou glucidodépendante et spontanément régressive dès les premiers jours
d’hospitalisation dans la majorité des cas. L’hypertriglycéridémie
peut être d’origine médicamenteuse (thiazidique, bêta-bloquant,
œstrogène, rétinoïde, glucocorticoïde et cimétidine). Ce médicament doit être définitivement arrêté. Au cours des pancréatites
aiguës par hypertriglycéridémie, l’amylasémie peut être normale et une pseudo-hyponatrémie peut survenir. En cas d’hypertriglycéridémie majeure, une hémofiltration se discute.
• L’hypercalcémie doit être traitée par réhydratation et biphosphonate injectable. Il ne faut cependant pas oublier, que ce soit
pour le diagnostic étiologique ou pour le traitement, qu’une
baisse de la calcémie est une des manifestations biologiques de
la pancréatite aiguë grave.
• La pancréatite aiguë post-cholangio-pancréatographie
rétrograde endoscopique (CPRE) est le seul modèle (avec la
PA post-chirurgicale) où le patient est hospitalisé avant le
■ En l’absence de complication, le traitement de la pancréa-
tite aiguë est médical.
■ Le traitement de la pancréatite aiguë grave nécessite une
collaboration entre gastroentérologue, réanimateur, radiologue et chirurgien.
■ La prise en charge symptomatique est essentielle.
■ Une ponction des coulées de nécrose réalisée à l’aiguille
fine au 7e jour d’évolution doit être effectuée pour rechercher
une surinfection.
■ Le lexipafant et l’antibiothérapie probabiliste sont en cours
d’évaluation.
INTRODUCTION
La pancréatite aiguë (PA) est une affection polymorphe dominée par deux étiologies : l’alcool et la lithiase biliaire. De multiples formes cliniques existent de l’épigastralgie rapidement
régressive au choc rapidement mortel. Le traitement médical de
la pancréatite aiguë doit éliminer la cause, être adapté à la gravité de la maladie et à sa physiopathogénie, être pugnace jusqu’à la guérison complète et doit enfin éviter la récidive. Dans
sa forme la plus grave, la pancréatite aiguë intéresse le médecin,
le chirurgien, le radiologue et le réanimateur. Un consensus thérapeutique n’est pas encore totalement admis pour la pancréatite aiguë. Cependant, en l’absence de complication, le traitement de la pancréatite aiguë est médical.
*Service d'hépato-gastroentérologie, CHU Nord, Amiens.
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La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
déclenchement de la pancréatite aiguë, et pour laquelle une prophylaxie est envisageable. Trois possibilités s’offre à nous :
- Ne pas faire la CPRE : le développement de méthodes moins
invasives (scanner hélicoïdal, écho-endoscopie, bili- et wirsungoIRM) doit rendre exceptionnelle la CPRE à visée diagnostique.
- “Agresser” le moins possible la papille : limiter les canulations, ne pas faire de parenchymographie, d’injection d’air,
limiter l’œdème de coagulation, etc.
- Opter pour une prévention médicamenteuse : une étude italienne a montré que le gabexate (antienzyme) diminue le risque
de pancréatite aiguë après CPRE + SE (5). Cela reste à confirmer. D’autres molécules sont actuellement testées (allopurinol,
anticoagulant, corticoïde...).
PHYSIOPATHOGÉNIE,PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES
ET PROFIL ÉVOLUTIF DES PANCRÉATITES AIGUËS
• La pancréatite aiguë est une autodigestion de la glande pancréatique et des structures avoisinantes par ses enzymes activées, entraînant une véritable “brûlure interne”. Dans un pancréas sain, des mécanismes de défense nous protègent contre
l’autodigestion :
- les enzymes pancréatiques sont sécrétées sous forme inactive
et activées dans le duodénum, le trypsinogène par l’entérokinase duodénale, les autres enzymes par la trypsine ;
- un inhibiteur de la trypsine accompagne les enzymes dans le
pancréas et contrôle une éventuelle activation prématurée du
trypsinogène ;
- la maturation des enzymes et celle des hydrolases empruntent
des voies différentes. La cathepsine B est une enzyme lysosomale capable d’activer le trypsinogène. Les proenzymes sont
dans les grains de zymogène, les hydrolases dans les lysosomes.
Le mécanisme initial du déclenchement de la pancréatite aiguë
par l’alcool ou la lithiase biliaire est mal connu. Les phénomènes cellulaires et humoraux survenant par la suite sont semblables, quelle que soit l’étiologie. Une colocalisation des
enzymes lysosomales et des grains de zymogène par blocage de
la sécrétion pancréatique est un phénomène rencontré fréquemment, quelle que soit l’étiologie, qui apparaît au niveau de la
cellule acineuse et aboutit à une activation des enzymes pancréatiques intracellulaires, puis extracellulaires, entraînant des
lésions pancréatiques et extrapancréatiques, à type de cytostéatonécrose avec des coulées extrapancréatiques mêlant inflammation et nécrose. Les manifestations survenant à distance du
pancréas sont dues à certaines enzymes pancréatiques, ainsi
qu’à certains composants cellulaires ou sécrétoires (cytokines)
de la réaction inflammatoire déclenchée par la pancréatite aiguë
mais également par la translocation bactérienne (6). Lorsque le
patient est hospitalisé la réaction inflammatoire est déjà bien
avancée, et le traitement d’un de ces mécanismes précoces, souvent efficace chez l’animal, est quasiment toujours inefficace
chez l’homme (7). Une meilleure compréhension des mécaLa Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
nismes physiopathogéniques ouvre cependant des perspectives
thérapeutiques intéressantes en cours de validation (antienzymes,
anticytokines).
• Quatre-vingt pour cent des pancréatites aiguës sont bénignes
et évoluent rapidement vers la guérison, et 20 % d’entre elles
sont graves.
La pancréatite aiguë grave évolue schématiquement en deux
phases :
- La première phase survient dans les premières heures et les
premiers jours. Elle est marquée par la survenue potentielle
d’un choc, d’une insuffisance respiratoire, d’une insuffisance
rénale, de troubles métaboliques et acidobasiques, qui nécessitent une thérapeutique de type réanimation.
- La phase secondaire est marquée par l’évolution de la nécrose
pancréatique et des coulées nécrotico-inflammatoires extrapancréatiques. Le risque majeur est leur surinfection. En dehors
d’une complication, ces lésions ont une tendance régressive
naturelle. Ces coulées nécrotico-inflammatoires, si elles ne disparaissent pas rapidement, s’organisent pour former un pseudokyste pancréatique (PKP) dit nécrotique ou de type 1 (le type 3
est le PKP rétentionnel). À quel moment peut-on parler de PKP
et non plus de coulée nécrotico-inflammatoire ? Il est difficile
de préciser la date de passage d’une coulée à un PKP, qui varie
probablement d’un patient à l’autre. Après six semaines d’évolution, la paroi est souvent mature et accessible à une thérapeutique d’anastomose. Classiquement 40 % des coulées nécroticoinflammatoires régressent au cours des six premières semaines
d’évolution. Après cette période, il était classique de dire qu’il
fallait intervenir si le risque de complications dépassait les
chances de régression (8). D’autres études (9, 10, 11) ont montré
qu’après six semaines d’évolution, un PKP de type 1 avait encore
des chances non négligeables de régression, avec un taux de
complications supportable.
Cette schématisation en deux phases est didactique, car une
insuffisance rénale, respiratoire ou cardiaque, peut survenir
secondairement, dans les suites d’une infection gravissime, et
une coulée de nécrose peut se compliquer précocement d’une
perforation d’organe creux ou d’une rupture vasculaire nécessitant un geste chirurgical en urgence.
La phase initiale est au mieux appréciée par des scores de réanimation, la phase secondaire par un bilan morphologique (TDM).
TRAITEMENT MÉDICAL
Nous envisagerons successivement la prise en charge physiopathogénique, la prise en charge symptomatique, la prise en charge des lésions loco-régionales puis la prise en charge secondaire (prophylaxie d’une récidive).
Prise en charge précoce physiopathogénique
La mise au repos du pancréas commence par la mise à jeun.
Celle-ci doit être poursuivie jusqu’à l’arrêt des antalgiques, la
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disparition de la douleur et la reprise du transit. Les facteurs de
risques de rechute douloureuse, lors de la réalimentation,
consistent en une lipasémie la veille de la réalimentation, trois
fois supérieure à la normale, et un score tomodensitométrique
de Balthazar montrant au moins une coulée (12).
Les traitement diminuant la sécrétion pancréatique type glucagon, somatostatine et dérivés ou anticholinergiques n’ont pas
fait la preuve de leur utilité.
• Antienzymes
Les antienzymes type aprotinine (Antagosan®, Irasylol®) sont
inefficaces. D’autres inhibiteurs de poids moléculaire plus
faible ont été proposés mais ne sont pas actuellement commercialisés : gabexilate mésilate, nafamostat mésilate, urinastatin.
Pour les Européens, ils sont inefficaces (13). Pour les Japonais,
ils sont utiles (14). Selon Takeda (15) l’infusion artérielle continue d’antiprotéase et d’antibiotique améliore le pronostic des
pancréatites aiguës graves. Le plasma frais congelé, qui contient
de l’alpha2-macroglobuline (inhibiteur plasmatique naturel des
protéases), n’améliore pas les pancréatites aiguës.
• Anticytokines
Les études préliminaires du lexipafant, antagoniste puissant du
PAF (facteur d’activation plaquettaire), sont encourageantes. Il
faut attendre les résultats des études multicentriques de phase 3,
actuellement en cours, pour généraliser son utilisation.
Les échanges plasmatiques et l’hémofiltration ont été tentés parfois avec succès pour extraire du sang les cytokines et les
enzymes pancréatiques.
Il n’y a pas à l’heure actuelle de traitement physiopathogénique
spécifique de la pancréatite aiguë. Le traitement est surtout
symptomatique.
Prise en charge symptomatique
Elle nécessite une appréciation précoce de la gravité de la PA
pour adapter le niveau de surveillance et de soins (secteur standard, soins intensifs, réanimation).
• Appréciation de la gravité.
Dans la prise en charge d’une pancréatique aiguë, un bilan de
gravité précoce fiable et renouvelable est nécessaire. Ce sont les
score de réanimation type APACHE qui apparaissent les mieux
adaptés. Les scores spécifiques des pancréatites aiguës type
Ranson ou Glasgow sont tout aussi efficaces, mais ne sont obtenus qu’au bout de 48 heures et ne sont pas renouvelables. Le
score clinico-biologique de Ranson est pour beaucoup indispensable car largement répandu, il permet une comparaison des
différentes séries publiées. La PCR reste le marqueur biologique de gravité de référence. Certains cherchent à la détroner
(IL6...). L’examen TDM avec injection reste l’examen morphologique de gravité de référence. Certains cherchent à le détrôner
(IRM) (Cf. l’article de P. Hastier). Un élément de gravité doit
conduire à une hospitalisation en soins intensifs, voire en réanimation pour une surveillance rapprochée.
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• Traitement symptomatique
Douleur : nous utilisons la xylocaïne à la seringue électrique à
la dose de 1 à 2,5 g/24 heures. Outre son rôle antalgique, la
xylocaïne aurait une action inhibitrice sur la phospholipase A2
(médiateur de l’inflammation). La morphine, la buprénorphine
et la codéïne sont théoriquement contre-indiquées en raison de
leur pouvoir stimulant sur le sphincter d’Oddi. Cependant aucune étude n’a montré d’aggravation de la pancréatite aiguë sous
ces traitements. Un antispasmodique peut être utile sur la composante biliaire ou colique de la douleur.
Nausées et vomissements : la sonde naso-gastrique n’est utile
que lorsqu’il existe des nausées et a fortiori des vomissements.
La sonde gastrique est toujours mise en siphonnage, jamais en
aspiration.
Hypotension et choc : une réanimation hydroélectrolytique est
capitale au cours de pancréatites graves, et peut nécessiter la
perfusion de 4 à 8 l dans les premières 24 heures. Il n’y a pas de
molécule de remplissage qui ait montré un intérêt particulier au
cours des pancréatites aiguës. La mise en place d’une voie centrale, préférentiellement par jugulaire interne, doit être mûrement réfléchie (difficulté de perfusion périphérique, intérêt de la
pression veineuse centrale pour adapter les perfusions...) et
maintenue le moins longtemps possible. Les amines pressives
sont parfois utiles (dopamine, dobutamine, voire noradrénaline). La sonde urinaire ne doit jamais être systématique.
Insuffisance respiratoire : l’atteinte respiratoire est fréquente au
cours des PA et doit être systématiquement recherchée (gazométrie). L’oxygénothérapie doit être rapidement commencée et
tous les moyens utilisés (intubation) pour assurer une ventilation précoce. Une détresse respiratoire aiguë de l’adulte
(SDRA) peut survenir nécessitant une ventilation avec pression
positive en fin d’expiration (PEEP).
Prévention : nous mettons systématiquement un inhibiteur de la
pompe à protons chez les patients hospitalisés pour une pancréatite aiguë grave.
Une prophylaxie du risque thrombo-embolique est effectuée en
tenant compte de l’importance du syndrome inflammatoire et
du risque lié au malade lui-même.
Anomalies biologiques : un certain nombre d’anomalies métaboliques peuvent survenir au cours des pancréatites aiguës, dont
certaines sont spécifiques de l’affection et doivent être bien sûr
régulièrement recherchées. Il peut s’agir :
- d’une hypocalcémie, signe de gravité qu’il faut corriger par un
apport intraveineux ;
- d’un diabète (nous avons l’habitude en assurant un apport glucidique constant sur 24 heures d’utiliser l’insuline à la seringue
électrique, en ne commençant cette insulinothérapie qu’à partir
de 12 mmol/l. Une surveillance glycémique au moins six fois
par jour est indispensable).
- de troubles acidobasiques à corriger en fonction de leur nature
métabolique ou respiratoire ;
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
- de troubles de la coagulation ;
- d’insuffisance rénale souvent fonctionnelle favorisée par les
troubles hémodynamiques (une nécrose tubulaire aiguë — parfois favorisée par l’injection iodée — nécessitant une dialyse) ;
- d’autres anomalies doivent être corrigées comme l’hypophosphorémie et l’hypomagnésémie.
L’apport nutritionnel est discuté dans un autre chapitre par X.
Hébuterne.
Prise en charge des lésions loco-régionales
La nécrose pancréatique et/ou les coulées nécrotico-inflammatoires extrapancréatiques ont une tendance spontanée à la
régression, qui persiste après la 6e semaine. Le traitement médical consiste essentiellement à surveiller de ces lésions et à
rechercher une complication nécessitant un geste thérapeutique.
Ces complications sont :
- une hémorragie par rupture vasculaire ou slénique ;
- une compression gastrique duodénale ou de la voie biliaire principale ;
- une migration dans le médiastin ou dans le petit bassin ;
- une fistulisation voire une rupture dans le péritoine, la plèvre,
le péricarde, le tronc porte ou dans un organe creux, ce qui peut
entraîner la guérison de la coulée.
L’infection est un des risques majeurs des lésions loco-régionales des pancréatites aiguës. On différencie la nécrose pancréatique infectée, survenant dans les premières semaines et
définie par une infection diffuse des tissus nécrotiques pancréatiques ou péripancréatiques, et l’abcès pancréatique défini
comme une collection localisée bien limitée de pus, survenant
en général après la 6e semaine. Le diagnostic de nécrose pancréatique infectée est difficile à établir cliniquement et biologiquement, car, au moment où celle-ci survient, il persiste souvent
des stigmates de pancréatite aiguë (fièvre, hyperleucocytose).
La présence d’air dans la nécrose ou les coulées pancréatiques
peut faire suspecter une infection, mais elle peut être due à la
perforation d’un organe creux.
Certains éléments cliniques ou biologiques comme une augmentation de la fièvre, une aggravation de l’hyperleucocytose,
voire une remontée secondaire de la PCR font craindre une
infection parfois pancréatique, mais ces éléments ne sont ni sensibles ni spécifiques. Seul l’examen bactériologique des tissus
pancréatiques et/ou péripancréatiques permet le diagnostic de
nécrose pancréatique infectée. C’est pourquoi nous effectuons
systématiquement vers J7 une ponction scanoguidée des coulées
nécrotico-inflammatoires, avec un examen bactériologique
direct et une mise en culture. Cette ponction est répétée en fonction de l’évolution.
Il a, par ailleurs, été montré que l’infection des lésions locorégionales de pancréatite aiguë survenait précocement au cours
de la maladie par un mécanisme de translocation bactérienne.
C’est pourquoi des études, utilisant une décontanimation intestinale ou une antibiothérapie probabiliste, ont été effectuées. Il
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
nous semble qu’une antibiothérapie probabiliste est utile chez
les sujets ayant une pancréatite aiguë de gravité intermédiaire
avec des lésions loco-régionales, mais sans complication générale majeure en particulier pulmonaire. Par contre, pour le malade nécessitant une réanimation longue avec intubation, cette
antibiothérapie probabiliste est discutable. Une étude multicentrique est actuellement en cours à ce sujet. Si un germe est mis
en évidence au niveau des lésions loco-régionales, l’antibiothérapie doit être adaptée ou débutée sans retard. L’antibiotique
choisi doit diffuser correctement dans le pancréas. Les meilleurs
antibiotiques actuels sont la ceftazidime (Fortum®), l’ofloxacine
(O Flocet®), la ciprofloxacine (Ciflox®), l’imipenem (Tienam®) (16).
Une infection fongique doit être par ailleurs régulièrement suspectée et recherchée.
La tendance thérapeutique actuelle n’est donc pas chirurgicale
pour traiter la nécrose pancréatique non infectée (17). Certains
préconisent une intervention lors de l’aggravation secondaire de
l’état des patients. La recherche systématique d’une infection
par ponction écho- ou scanoguidée, permettant le diagnostic
précoce d’une infection pancréatique, va-t-elle permettre
d’améliorer le pronostic des PA graves infectées ? Faut-il opérer immédiatement ou drainer par voie transcutanée ? Les cinq
informations suivantes sont nécessaires à la décision.
• Quel est le (ou les) germe (s) en cause ? Quelle est la sensibilité aux antibiotiques de ce germe ?
• Quel est l’état clinique du patient ?
Un drainage transcutané écho- ou scanoguidé peut améliorer
transitoirement un patient et permettre un drainage chirurgical
dans de meilleures conditions.
• La PA est-elle biliaire ? Une cholécystectomie est-elle envisagée ? Une sphinctérotomie endoscopique a-t-elle été effectuée ?
Si la sphinctérotomie endoscopique met à l’abri d’une récidive
de PA, les complications vésiculaires secondaires conduisent à
proposer une cholécystectomie si possible après guérison de la
PA. La nécessité d’un drainage pancréatique et d’une cholécystectomie orientent vers un geste chirurgical. Le drainage transcutané d’un abcès et une cholécystectomie sous cœlioscopie
restent envisageables.
• Combien y a-t-il de coulées ? Sont-elles déjà organisées
(date de début de la PA) ? Sont-elles facilement accessibles à
un drainage percutané ?
L’infection pancréatique au cours des PA graves évolue dans le
temps, de la nécrose pancréatique infectée, mal limitée, à l’abcès, collection unique bien limitée de pus. Si, aux deux extrêmes,
les choix thérapeutiques sont admis par beaucoup (chirurgie
pour la nécrose pancréatique infectée précoce et drainage échoou scanoguidé pour l’abcès), par contre, le traitement des stades
intermédiaires est discuté. Des succès de drainage transcutané
sont rapportés dans la littérature. Ils semblent insuffisants pour
d’autres.
• Quels sont les possibilités thérapeutiques de votre hôpital ?
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La PA grave nécessite la collaboration étroite du gastroentérologue, du réanimateur, du radiologue et du chirurgien. Les drainages chirurgicaux et transcutanés ont fait la preuve de leur efficacité. Ils ne doivent pas être concurrentiels mais complémentaires, un drainage transcutané pouvant précéder ou compléter
un drainage chirurgical. Comme le signalent fort justement
Fagniez et coll. (17), l’accord n’est pas encore parfait pour le
traitement de la nécrose pancréatique non infectée et les études
sont difficiles à mettre en place. Il en est de même pour la nécrose
pancréatique infectée.
Prise en charge secondaire
Elle a pour but d’éviter une récidive parfois précoce et parfois
mortelle. Elle nécessite un bilan étiologique précoce, parfois
secondaire (échographie, écho-endoscopie...).
La maladie lithiasique doit être traitée (cholécystectomie, sel
biliaire) ou une sphinctérotomie endoscopique effectuée.
La pancréatite aiguë alcoolique est souvent la première manifestation d’une sensibilité particulière du pancréas à l’alcool, et
le pronostic dépend en grande partie de l’arrêt complet de toutes
les boissons alcoolisées. Une prise en charge, associant médecin
généraliste, gastroentérologue et psychologue, est capitale pour
l’avenir du patient.
Il pourra être envisagé par ailleurs :
- le bilan et le traitement d’une hypercalcémie ou d’une hypertriglycéridémie ;
- l’arrêt d’un médicament.
Les modalités du traitement médical de la PA sont admises par
beaucoup, mais restent malheureusement symptomatiques. De
grands espoirs reposent sur une approche plus physiopathogénique
de la PA, ce qui nécessite au préalable une meilleure compréhension
des interactions humorales et cellulaires déclenchées par la PA. ■
Mots clés. Pancréatite aiguë - Traitement médical Complications - Antibiotiques - Réanimation.
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La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
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