La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998 159
déclenchement de la pancréatite aiguë, et pour laquelle une pro-
phylaxie est envisageable. Trois possibilités s’offre à nous :
- Ne pas faire la CPRE : le développement de méthodes moins
invasives (scanner hélicoïdal, écho-endoscopie, bili- et wirsungo-
IRM) doit rendre exceptionnelle la CPRE à visée diagnostique.
- “Agresser” le moins possible la papille : limiter les canula-
tions, ne pas faire de parenchymographie, d’injection d’air,
limiter l’œdème de coagulation, etc.
- Opter pour une prévention médicamenteuse : une étude ita-
lienne a montré que le gabexate (antienzyme) diminue le risque
de pancréatite aiguë après CPRE + SE (5). Cela reste à confir-
mer. D’autres molécules sont actuellement testées (allopurinol,
anticoagulant, corticoïde...).
PHYSIOPATHOGÉNIE,PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES
ET PROFIL ÉVOLUTIF DES PANCRÉATITES AIGUËS
• La pancréatite aiguë est une autodigestion de la glande pan-
créatique et des structures avoisinantes par ses enzymes acti-
vées, entraînant une véritable “brûlure interne”. Dans un pan-
créas sain, des mécanismes de défense nous protègent contre
l’autodigestion :
- les enzymes pancréatiques sont sécrétées sous forme inactive
et activées dans le duodénum, le trypsinogène par l’entéroki-
nase duodénale, les autres enzymes par la trypsine ;
- un inhibiteur de la trypsine accompagne les enzymes dans le
pancréas et contrôle une éventuelle activation prématurée du
trypsinogène ;
- la maturation des enzymes et celle des hydrolases empruntent
des voies différentes. La cathepsine B est une enzyme lysoso-
male capable d’activer le trypsinogène. Les proenzymes sont
dans les grains de zymogène, les hydrolases dans les lysosomes.
Le mécanisme initial du déclenchement de la pancréatite aiguë
par l’alcool ou la lithiase biliaire est mal connu. Les phéno-
mènes cellulaires et humoraux survenant par la suite sont sem-
blables, quelle que soit l’étiologie. Une colocalisation des
enzymes lysosomales et des grains de zymogène par blocage de
la sécrétion pancréatique est un phénomène rencontré fréquem-
ment, quelle que soit l’étiologie, qui apparaît au niveau de la
cellule acineuse et aboutit à une activation des enzymes pan-
créatiques intracellulaires, puis extracellulaires, entraînant des
lésions pancréatiques et extrapancréatiques, à type de cytostéa-
tonécrose avec des coulées extrapancréatiques mêlant inflam-
mation et nécrose. Les manifestations survenant à distance du
pancréas sont dues à certaines enzymes pancréatiques, ainsi
qu’à certains composants cellulaires ou sécrétoires (cytokines)
de la réaction inflammatoire déclenchée par la pancréatite aiguë
mais également par la translocation bactérienne (6). Lorsque le
patient est hospitalisé la réaction inflammatoire est déjà bien
avancée, et le traitement d’un de ces mécanismes précoces, sou-
vent efficace chez l’animal, est quasiment toujours inefficace
chez l’homme (7). Une meilleure compréhension des méca-
nismes physiopathogéniques ouvre cependant des perspectives
thérapeutiques intéressantes en cours de validation (antienzymes,
anticytokines).
• Quatre-vingt pour cent des pancréatites aiguës sont bénignes
et évoluent rapidement vers la guérison, et 20 % d’entre elles
sont graves.
La pancréatite aiguë grave évolue schématiquement en deux
phases :
- La première phase survient dans les premières heures et les
premiers jours. Elle est marquée par la survenue potentielle
d’un choc, d’une insuffisance respiratoire, d’une insuffisance
rénale, de troubles métaboliques et acidobasiques, qui nécessi-
tent une thérapeutique de type réanimation.
- La phase secondaire est marquée par l’évolution de la nécrose
pancréatique et des coulées nécrotico-inflammatoires extrapan-
créatiques. Le risque majeur est leur surinfection. En dehors
d’une complication, ces lésions ont une tendance régressive
naturelle. Ces coulées nécrotico-inflammatoires, si elles ne dis-
paraissent pas rapidement, s’organisent pour former un pseudo-
kyste pancréatique (PKP) dit nécrotique ou de type 1 (le type 3
est le PKP rétentionnel). À quel moment peut-on parler de PKP
et non plus de coulée nécrotico-inflammatoire ? Il est difficile
de préciser la date de passage d’une coulée à un PKP, qui varie
probablement d’un patient à l’autre. Après six semaines d’évo-
lution, la paroi est souvent mature et accessible à une thérapeu-
tique d’anastomose. Classiquement 40 % des coulées nécrotico-
inflammatoires régressent au cours des six premières semaines
d’évolution. Après cette période, il était classique de dire qu’il
fallait intervenir si le risque de complications dépassait les
chances de régression (8). D’autres études (9, 10, 11) ont montré
qu’après six semaines d’évolution, un PKP de type 1 avait encore
des chances non négligeables de régression, avec un taux de
complications supportable.
Cette schématisation en deux phases est didactique, car une
insuffisance rénale, respiratoire ou cardiaque, peut survenir
secondairement, dans les suites d’une infection gravissime, et
une coulée de nécrose peut se compliquer précocement d’une
perforation d’organe creux ou d’une rupture vasculaire nécessi-
tant un geste chirurgical en urgence.
La phase initiale est au mieux appréciée par des scores de réani-
mation, la phase secondaire par un bilan morphologique (TDM).
TRAITEMENT MÉDICAL
Nous envisagerons successivement la prise en charge physiopa-
thogénique, la prise en charge symptomatique, la prise en char-
ge des lésions loco-régionales puis la prise en charge secon-
daire (prophylaxie d’une récidive).
Prise en charge précoce physiopathogénique
La mise au repos du pancréas commence par la mise à jeun.
Celle-ci doit être poursuivie jusqu’à l’arrêt des antalgiques, la