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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - no2 - vol. IV - avril 2001
signes d’alarme. Rappelons aussi qu’au cours des obstacles sur
la voie biliaire principale dus à la pancréatite chronique, un pru-
rit est exceptionnel. Les raisons de l’absence de prurit dans cette
situation sont inconnues. Sa seule présence doit donc faire évo-
quer un obstacle tumoral.
En imagerie, c’est le caractère segmentaire des signes de pan-
créatite qui doit alerter. La dilatation du canal pancréatique dans
la partie gauche du pancréas disparaissant au niveau de la tête,
une atrophie de la queue alors que la tête pancréatique est hyper-
trophiée, la présence d’un nodule hypodense en scanographie
sont des signes directs ou indirects de la présence d’une lésion
tumorale. La présence d’une atteinte vasculaire (parfois difficile
à différencier d’un œdème péripancréatique), d’adénopathies de
grosse taille (> 1 cm) et, a fortiori, de métastases sont encore des
signes indiscutables de la présence d’une lésion tumorale.
Le dosage du Ca 19-9 plasmatique est de peu d’utilité. En effet,
sa sensibilité est faible (< 60 %) pour les petites tumeurs – qui
sont les seules dont le diagnostic ait un intérêt pratique pour le
malade. Sa spécificité est faible, notamment en cas de cholestase.
En effet, il faut dépasser un seuil de huit fois la valeur supérieure
de la normale pour que la spécificité atteigne 80 % (3).
La recherche des mutations du gène Ki-ras n’est pas encore entrée
en pratique courante. Dans le sérum, sa sensibilité est de l’ordre
de 50 %. Dans le suc pancréatique recueilli par cathétérisme, sa
sensibilité est aussi de l’ordre de 50 %, mais il existe un taux de
faux positif de l’ordre de 10 % (25 % dans certaines études
(4-7). Certaines observations font état de l’apparition d’une
tumeur pancréatique dans les mois suivants la détection d’une
mutation du gène Ki-ras dans le suc pancréatique chez des
malades qui avaient une pancréatite chronique apparemment non
dégénérée (5, 7).
ADÉNOCARCINOME COMPLIQUANT UNE PANCRÉATITE
CHRONIQUE
Y a-t-il un lien entre pancréatite aiguë, pancréatite chronique et
cancer pancréatique ? Si le lien entre les deux premiers est fer-
mement établi dans le cadre des pancréatites alcooliques (8),
l’hypothèse selon laquelle une maladie inflammatoire chronique
aboutirait à une affection tumorale maligne est plus difficile à
démontrer. Plusieurs travaux ont abordé cette thématique.
Études de cohorte
Un premier travail, fort critiquable bien que paru dans le New
England Journal of Medicine, a été publié en 1993. Les critiques
portaient sur le délai d’inclusion allant de 1945 à nos jours, sur
l’absence de scanographie chez tous les malades et sur le carac-
tère multicentrique très éclaté des centres. Néanmoins, le risque
relatif de développer un adénocarcinome pancréatique plus de
2 ans après le diagnostic de pancréatite chronique et avec un suivi
minimum de 5 ans était de 14,4 par rapport à la population de
référence (9). Cependant, 20 ans après le diagnostic de pancréa-
tite chronique, le risque d’adénocarcinome pancréatique n’était
que de 4 % (9). Dans la série issue de l’hôpital Beaujon com-
portant 567 malades suivis 8 ans en moyenne, 3 malades ont eu
un adénocarcinome pancréatique après un suivi minimum de 29
mois. Ce chiffre amène à un risque relatif proche du précédent
de l’ordre de 14 (10).
Études de registre
Peu d’études de registre ont été consacrées à ce sujet. Un travail
américain a recherché les antécédents d’hospitalisation pour
“pancréatite” chez les malades ayant un adénocarcinome pan-
créatique et en a comparé la fréquence par rapport à un groupe
témoin. Même si l’on prenait un seuil de 7 ans avant le diagnos-
tic d’adénocarcinome pancréatique, le risque d’avoir un cancer
était doublé chez les malades ayant eu une pancréatite (11).
Une autre étude a porté sur toute la population suédoise en liant
les registres de pancréatite et de cancer pancréatique. Cette étude
a montré un lien entre ces deux affections mais, curieusement,
ce lien semblait diminuer avec le temps et les auteurs concluaient
que le lien était peut être artificiel (12).
Cas particuliers
•La pancréatite héréditaire
Les malades ayant une pancréatite chronique héréditaire consti-
tuent un sous-groupe particulier. Le risque d’adénocarcinome
pancréatique est-il différent dans ce sous groupe ? Une étude
multicentrique internationale a permis de regrouper 246 malades
issus de dix pays avec un suivi total de 8 531 années. Huit adé-
nocarcinomes pancréatiques ont été diagnostiqués alors que 0,15
était attendu donnant un risque relatif de 53. En extrapolant la
courbe, le risque cumulé d’adénocarcinome pancréatique à l’âge
de 70 ans atteignait 40 % avec un âge moyen de 57 ans au
moment du diagnostic de l’adénocarcinome pancréatique (13).
Ce chiffre très élevé est peut être dû à l’âge jeune auquel débute
la pancréatite héréditaire permettant une durée d’exposition au
risque de plus de 40 ans. Curieusement, tous les cas d’adéno-
carcinome pancréatique ont été décrits lorsque le gène défectif
était transmis par le père, alors que cette affection est autoso-
mique (13). Si le sur-risque d’adénocarcinome pancréatique était
confirmé chez ce type de malades, une surveillance pourrait être
mise en place.
Ces données ne sont pas confirmées par la série française de pan-
créatite chronique héréditaire comportant plusieurs centaines de
cas sur plusieurs générations colligés par LeBodic et dans laquelle
aucun cas d’adénocarcinome pancréatique n’a été décrit (com-
munication personnelle).
•La pancréatite tropicale
La pancréatite chronique tropicale est exceptionnelle en France.
Le risque relatif d’adénocarcinome pancréatique serait de 100
(14).
SIGNES CLINIQUES ÉVOCATEURS DE DÉGÉNÉRESCENCE
D’UNE PANCRÉATITE CHRONIQUE
Les signes cliniques qui doivent faire suspecter l’apparition d’un
adénocarcinome pancréatique au cours de la pancréatite chro-
nique sont :