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La consultation de rhumatologie
serait-elle la plus pénible
des consultations ?
C. Hudry
Rhumatologue, Paris.
L
e 29 mars 2012 s’est tenue à Paris une commission paritaire nationale
entre les représentants des syndicats médicaux et les partenaires sociaux.
Lors de cette réunion, les résultats d’une enquête1 sur les consultations réalisées
en cabinet de ville ont été présentés. Le but de cette enquête était de décrire l’activité
clinique, le profil des patients et les caractéristiques des consultations réalisées
en médecine de ville.
La population visée était les spécialistes de médecine libérale réalisant
une part suffisante de leur activité en clinique. La période étudiée est la semaine
du 22 au 27 novembre 2010.
Ce sont 14 000 médecins, répartis en 15 spécialités médicales, qui ont été stratifiés
selon la spécialité, le sexe, le secteur conventionnel et le volume d’activité.
Deux demi-journées de travail, pour 15 consultations maximum par demi-journée,
ont été étudiées à l’aide de 2 questionnaires, l’un axé sur l’activité du médecin
et l’autre sur le contenu de la consultation.
Le taux moyen de réponse a été de 25 % : de l’ordre de 45 % pour les pédiatres,
il chute à 10 % pour les anesthésistes. Il est de 35 % pour les rhumatologues.
Quels enseignements tirer de cette enquête ?
Si la durée moyenne d’une consultation est de 20 minutes, elle est de 25 minutes
en rhumatologie (figure 1).
35
Moyenne redressée
Durée moyenne (mn)
30
Moyenne redressée enquête DREES
25
20
15
10
5
Figure 1. Durée de consultation moyenne par spécialité.
6 | La Lettre du Rhumatologue • No 395 - octobre 2013
Psychiatrie
Cardiologie
Pneumologie et
néphrologie
Neurologie et
médecine physique
et de réadaptation
Spécialité
Durée moyenne : 20 minutes (médiane : 18 minutes).
Endocrinologie et
métabolisme
Gastroentérologie
et hépatologie
Rhumatologie
Pédiatrie
Oto-rhinolaryngologie
Dermatovénérologie
Gynécologie
Chirurgie,
neurochirurgie
Médecine générale
Enquête de l’Institut français
d’opinion publique (IFOP)
à l’initiative de la Caisse
nationale de l’assurance
maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS), réalisée
du 22 au 27 novembre 2010
auprès de 14 000 médecins
libéraux en France.
Ophtalmologie
1
Anesthésieréanimation
0
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La pénibilité de la consultation est maximale pour les rhumatologues :
elle s’élève à 4,05/10, la pénibilité moyenne étant de 3/10 (figure 2).
Si l’on se pose la question de la pénibilité du travail, il faut alors préciser ce que ce peut
être lors d’une consultation (figure 3).
4,05
3,91
3,91
3,65
3,46
3,27
3,16
3
3,09
3,04
2,90
2,90
2,88
Pneumologie
et néphrologie
Chirurgie,
neurochirurgie,
stomatologie
4
Otorhinolaryngologie
Durée moyenne (minutes)
10
2,71
2,54
2,54
2
1
Ophtalmologie
Gynécologie
Médecine générale
Anesthésieréanimation
chirurgicale
Gastroentérologie
Cardiologie
Pédiatrie
Endocrinologie,
médecine interne
Dermatovénérologie
Psychiatrie
Neurologie et
médecine physique
et de réadaptation
Rhumatologie
0
Pénibilité moyenne : 3 (médiane : 3).
Figure 2. Pénibilité de la consultation.
Neurologie
et médecine physique et de réadaptation
Pénibilité sur une échelle de 1 à 10
5
Rhumatologie
4
Dermatologie
Anesthésieréanimation
3
Médecine
générale
Ophtalmologie
2
1
Pédiatrie
ORL
Endocrinologie,
médecine interne,
oncologie, radiothérapie
et hématologie
Gastroentérologie
Gynécologie
Psychiatrie
Cardiologie
Pneumologie
et néphrologie
Chirurgie
et stomatologie
12
17
22
27
32
Durée en minutes
La taille des bulles est proportionnelle à la part de l’activité clinique.
Figure 3. Durée et pénibilité de la consultation selon la spécialité.
La Lettre du Rhumatologue • No 395 - octobre 2013 |
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En France, la pénibilité du travail est définie par 2 conditions cumulatives
(Code du travail, art. L.121-3-1) :
➤ l’exposition à 1 ou plusieurs facteurs de risque professionnels liés à des contraintes
physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail ;
➤ une susceptibilité à laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.
On a du mal à imaginer que la pénibilité du travail du rhumatologue soit en relation
avec des contraintes physiques ou un environnement physique agressif. Intuitivement,
on comprend que le rythme de travail peut jouer un rôle. Mais alors pourquoi
les rhumatologues seraient-ils plus concernés que les autres spécialistes ?
Ce qui peut occasionner une souffrance au travail, c’est de se trouver dans l’incapacité
d’atteindre ses objectifs en dépit de ses efforts. La répétition de cette situation est susceptible
de laisser des traces durables, avec des sentiments d’amertume, de non-reconnaissance
ou d’échec.
Pourquoi les objectifs d’une consultation de rhumatologie
seraient-ils plus difficiles à atteindre ?
Ce sont les différentes composantes de la consultation qu’il faut analyser :
➤ le malade consulte pour des symptômes, essentiellement des douleurs, pour lesquels
il attend un soulagement. Le praticien doit établir la cause de ces douleurs, expliquer
le pronostic à un patient − qui est souvent inquiet, demandeur d’informations concernant
son travail, ses loisirs, les traitements, etc. − et proposer un traitement.
S’il est consciencieux, il s’attachera en outre à mettre tout cela en perspective
avec les morbidités associées, et à prévenir certaines d’entre elles.
L’ensemble de ces objectifs contraste avec l’attente du malade, qui désire une consultation
rapide, avec un résultat immédiat ;
➤ la structure de notre système de santé privilégie l’acte technique au détriment de l’acte
global. Les neurologues ou les psychiatres ont droit à une valorisation de leurs consultations,
considérées comme plus longues.
Conclusion
Cette enquête traduit plus la difficulté de notre tâche qu’une réelle insatisfaction,
car l’arrivée de nombreux nouveaux traitements nous donne également de grandes
satisfactions par le soulagement qu’ils procurent à nos patients.
Cependant, si l’on réfléchit sur notre spécialité et ses perspectives, il convient d’analyser
notre pratique et de proposer d’autres modèles d’offres de soins, dans d’autres cadres,
permettant de répondre de façon plus efficiente et plus satisfaisante aux besoins
de nos patients et de façon moins pénible pour les rhumatologues.
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