6 | La Lettre du Cardiologue • n° 475-476 - mai-juin 2014
Dans le respect total de l’indépendance scientifique et éditoriale.
Dans le respect total de l’indépendance scientifique et éditoriale.
Flécaïnide :
un mode d’emploi
Rédacton : Dr Jean-Philippe Kevorkian
Interview du Pr Antoine Leenhardt
Service de rythmologie
Hôpital Bichat, Paris
Quelle place le fl écaïnide occupe-t-il
dans la pharmacopée du cardiologue ?
Une place essentielle. Le fl écaïnide est un anti-arythmique
de classe Ic dans la classifi cation de Vaughan-Williams ;
il est indiqué dans le traitement de l’hyperexcitabilité
supraventriculaire et ventriculaire. Très concrètement, il
permet une prévention effi cace des récidives des troubles
du rythme supraventriculaire (TRSV) paroxystiques,
notamment la fi brillation atriale (FA), qui est le trouble
du rythme le plus fréquent. En l’absence de dysfonction
systolique ventriculaire gauche et de coronaropathie
avérée, le fl écaïnide est également un traitement prophy-
lactique effi cace des troubles du rythme ventriculaire,
dès lors que ceux-ci sont documentés, symptomatiques
et invalidants. Les deux réserves concernant la fonction
systolique ventriculaire gauche et la maladie coronaire
doivent être scrupuleusement respectées. L’hyperexci-
tabilité ventriculaire d’allure bénigne et la prévention
des chocs électriques chez les porteurs de défi brillateur
automatique peuvent ainsi relever d’un traitement par
fl écaïnide. À titre personnel, il me paraîtrait légitime de
retenir deux autres indications : d’une part, l’hyperexcita-
bilité ventriculaire liée à une dysplasie ventriculaire droite
arythmogène (DVDA) dont le traitement peut nécessiter
l’association du fl écaïnide avec un bêta-bloquant ; d’autre
part, les tachycardies ventriculaires (TV) catécholergiques,
qui constituent un trouble du rythme ventriculaire rare.
Quelles sont les contre-indications
formelles ?
Trois situations constituent des contre-indications
majeures à l’utilisation du flécaïnide : l’infarctus du
myocarde, l’insuffi sance cardiaque et les troubles de
conduction.
Tous les troubles de conduction ?
Non, seulement les troubles de conduction intra-
ventriculaire de type bloc de branche gauche complet,
bloc bifasciculaire incluant les blocs de branche droite
associée à un hémibloc antérieur ou postérieur gauche,
les blocs du deuxième et du troisième degrés, les
dysfonctions sinusales non appareillées. Autrement
dit, l’utilisation du fl écaïnide est possible en cas de bloc
auriculo-ventriculaire du premier degré et de bloc de
branche droite avec un axe normal de QRS.
Au travers de l’exemple de la DVDA,
vous évoquez l’éventualité
d’une association du fl écaïnide avec
un bêta-bloquant. C’est donc possible ?
Certainement, si l’utilisation du bêta-bloquant ne s’inscrit
pas dans le cadre du traitement de l’insuffi sance cardiaque
chronique (ICC). Les bêta-bloquants pour lesquels il existe
une AMM spécifi que dans le traitement de l’ICC ne peuvent
être utilisés en association avec le fl écaïnide. En raison de
leur conditionnement particulier (multiples dosages), il me
semble pourtant que ces bêta-bloquants peuvent être utiles,
dans certains cas, pour une titration. J’attire l’attention sur
la nécessité de préciser sur l’ordonnance le caractère excep-
tionnel, “hors AMM”, de la prescription de ces bêta-bloquants
en association avec le fl écaïnide. Il est indispensable égale-
ment de prévenir le patient de cette utilisation inhabituelle.
Quelles sont les situations qui peuvent
relever de l’utilisation de l’association
fl écaïnide-bêta-bloquant ?
C’est une association que j’utilise notamment pour la
prévention des récidives de FA, qui sont spontanément
très rapides (≥ 130/mn) avant réduction. Dans ces
formes, sous l’effet du fl écaïnide, les récidives peuvent
se faire sur le mode d’un flutter atrial en mode 1/1.
En revanche, c’est une association illogique pour la
prévention de la FA d’allure vagale. Dans cette situation
clinique, l’utilisation du bêta-bloquant peut faire perdre
le bénéfi ce prophylactique du fl écaïnide.
Quelles sont les formes disponibles
du fl écaïnide ?
Deux formes orales, aux propriétés pharmacocinétiques
différentes, sont disponibles : une forme à libération
immédiate (LI) et une forme à libération prolongée (LP).
La forme LI impose deux prises par jour. Un seul dosage
à 100 mg est disponible. La forme LP permet une prise
unique quotidienne. Il en existe 4 dosages (50, 100, 150
et 200 mg), qui permettent un ajustement posologique
adapté au patient, car la variation intra-individuelle peut
être importante. Il existe aussi une forme injectable par
voie intraveineuse. Elle est indiquée, notamment, pour
la réduction de la FA récente, évoluant depuis moins
de 24 heures, en l’absence d’altération de la fonction
systolique ventriculaire gauche.