IMAGE COMMENTÉE Une cause rare de bradycardie V. Algalarrondo Service de cardiologie, hôpital Antoine-Béclère, Clamart M onsieur X., 45 ans, est suivi dans le service pour une cardiomyopathie ischémique sévère pontée (fraction d’éjection ventriculaire gauche : 30 %, NYHA : classe I-II). Il est porteur d’un défibrillateur simple chambre réglé en sentinelle à 40 bpm. Présentant un diabète multicompliqué, il a par ailleurs bénéficié d'une greffe de rein il y a 2 ans. Il consulte aux urgences pour un tableau d’altération profonde de l’état général. Il est marbré, sa tension artérielle est de 100/50 mmHg, et sa fréquence cardiaque est de 45 bpm. Par rapport à son ECG de base, le tracé est modifié (figure 1). Quel est votre diagnostic ? A- Stimulation ventriculaire droite B- Stimulation ventriculaire gauche C- Hyperkaliémie D- Infarctus du myocarde E- Hypocalcémie I M A G E Figure 1. Le tracé de l’ECG des urgences est modifié par rapport au tracé de l’ECG de base. La Lettre du Cardiologue • n° 459 - novembre 2012 | 29 IMAGE COMMENTÉE Référence bibliographique 1. El-Sherif N, Turitto G. Electrolyte disorders and arrhythmogenesis. Cardiol J 2011;18: 233-45. Réponse : C La kaliémie du patient était à 7,5 mmol/l et était associée à une insuffisance rénale aiguë. Après correction des troubles hydroélectrolytiques, l’ECG du patient est redevenu similaire au tracé de référence (rythme non stimulé sinusal, bloc de branche droit, hémibloc antérieur gauche). Le tracé est ici typique d’une hyperkaliémie profonde : arrêt sinusal avec absence d’onde P individualisable, rythme d’échappement lent avec QRS très élargis et aspect de retard droit atypique. La repolarisation est elle aussi perturbée, avec de grandes ondes T pointues et symétriques. Le diagnostic de stimulation ventriculaire peut être écarté, car : ##la fréquence cardiaque de 45 bpm reste supérieure à la fréquence sentinelle de stimulation (40 bpm) ; ##la sonde d’un défibrillateur simple chambre est ventriculaire droite et la stimulation ventriculaire devrait donc entraîner un retard gauche, ce qui n’est pas le cas ici. L’augmentation de la kaliémie diminue le rapport entre la concentration de potassium à l’intérieur et à l’extérieur des cellules et entraîne une dépolarisation du potentiel de repos Er (figure 2). Cette dépolarisation inhibe le courant sodique, responsable de la phase 0 du potentiel d’action et de la propagation de l’influx. De plus, l’hyperkaliémie active les courants potassiques repolarisants IK1 et IKr, raccourcissant les phases 1-3 du potentiel d’action. De l’ensemble de ces anomalies résultent une baisse des propriétés d’excitabilité et de conduction tissulaire ainsi qu’une repolarisation accélérée (1). I M A G E Figure 2. Effet de l’hyperkaliémie sur les différentes phases du potentiel d’action myocardique. 30 | La Lettre du Cardiologue • n° 459 - novembre 2012