d o s s i e r p... L Le traitement de la polyarthrite

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Supplément
au n° 294
septembre
2003
dossier patients
Le traitement
de la polyarthrite
rhumatoïde
C. Bailly
a prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde
a fait des progrès importants ces dernières
années grâce à la découverte de nouveaux médicaments puissants agissant directement sur les mécanismes de l’inflammation. Ces traitements ont transformé
la vie des patients atteints de formes sévères de polyarthrite rhumatoïde. Pour être pleinement efficaces, ils doivent être instaurés au tout début de la maladie. Cela
implique de poser un diagnostic dès l’apparition des premiers symptômes. La précocité de la prise en charge de
cette affection, quel que soit le traitement mis en œuvre,
est en effet la condition indispensable pour espérer modifier son évolution. Elle seule permet d’éviter, ou tout du
moins de limiter, l’apparition des destructions ostéo-articulaires et la perte d’autonomie qui en résulte. Ce faisant, le recours à la chirurgie devient plus rare. Les traitements symptomatiques à visée antalgique et anti-inflammatoire, la rééducation, les orthèses restent utiles, mais
n’occupent plus le premier plan.
L
Directeur de la publication
Claudie Damour-Terrasson
ALJAC SA
Locataire-gérant d’Edimark SA © mai 1983
CPPAP n° 0207 T 81251 - ISSN 0761- 5027
Imprimé en France
Differdange S.A. - 95110 Sannois
Dépôt légal à parution
Cette édition est diffusée avec le soutien de
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P A T I E N T S
e terme de “rhumatisme chronique” évoque dans
l’esprit commun un processus de dégradation lent
et progressif sur lequel il y a peu d’espoir d’agir.
Cette notion, qui a longtemps prévalu pour la polyarthrite
rhumatoïde, n’est plus de mise depuis l’arrivée de médicaments capables de s’attaquer directement aux mécanismes
lésionnels de la maladie. De ce fait, il est capital de dépister
la polyarthrite rhumatoïde dès son installation pour pouvoir
la traiter efficacement. Tout se joue en effet dans les premières
années, voire les six premiers mois, lors des premières
poussées inflammatoires, car, dès lors que les articulations
sont lésées, le risque de handicap augmente.
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AGIR SUR DEUX FRONTS :
SOULAGER ET PRÉVENIR
La polyarthrite rhumatoïde évolue par poussées. Au cours
de ces crises inflammatoires, plusieurs articulations
deviennent tuméfiées et douloureuses. La membrane
(synoviale) qui tapisse l’articulation s’épaissit, des substances inflammatoires (cytokines) sont sécrétées dans la
cavité articulaire et agressent le cartilage et l’os (figure 1).
Peu à peu les articulations se fragilisent, des érosions
osseuses apparaissent. À plus long terme, des déformations
articulaires (au niveau des mains et des pieds) s’installent,
les articulations perdent peu à peu leur fonction.
Le traitement doit empêcher l’ensemble de ces processus
lésionnels. Il doit combattre l’inflammation, diminuer les
douleurs, la raideur, atténuer la fatigue, prévenir les destructions articulaires et, dans l’idéal, obtenir une rémission
complète et durable de la maladie.
De nombreux moyens sont à notre disposition pour cela :
des médicaments à effet immédiat (symptomatiques) ou
retardé (modifiant la progression de la maladie), des traitements locaux (infiltrations, synoviorthèse, etc.), chirurgicaux (synovectomie, pose de prothèse, etc.) ainsi que des
thérapeutiques visant à préserver la fonction des articulations (rééducation, ergothérapie).
Sécrétion
anormale
de liquide
synovial
(synovite)
Figure 1.
Le traitement contrôle
l’inflammation
(pannus, synovite),
soulage les douleurs
et freine l’apparition
de lésions
destructrices.
II
Multiplication
du tissu
synovial
(pannus)
Contrôler la crise
par des traitements symptomatiques
! Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
constituent un des traitements de base de la polyarthrite ; ils
sont utilisés pour combattre l’inflammation (tuméfaction
articulaire, enraidissement) et soulager les douleurs articulaires. Parmi eux figurent les coxibs, une nouvelle classe
d’AINS qui, par leur action anti-inflammatoire plus spécifique, disposent d’une meilleure tolérance digestive.
! En marge des AINS, les corticoïdes (anti-inflammatoires
stéroïdiens) occupent une place particulière. Dotés d’une
forte activité anti-inflammatoire et antalgique, ils semblent
également freiner l’apparition de lésions osseuses et cartilagineuses. Toutefois, ils présentent des effets indésirables
non négligeables (déminéralisation osseuse, augmentation
de la pression artérielle, risque de diabète, etc.). Pour ces
raisons, ils sont prescrits soit sur de courtes périodes et à de
fortes doses pour contrôler les crises sévères, soit à de plus
faibles doses pendant quelques mois en attendant que le
traitement de fond devienne efficace. Ils peuvent aussi être
administrés par voie locale, en injection intra-articulaire.
! Des médicaments purement antalgiques, d’action périphérique (agissant au siège de la douleur) ou centrale (agissant au niveau cérébral) peuvent être associés aux antiinflammatoires. Ils sont classés en trois paliers (du paracétamol à la morphine) selon leur puissance.
Ralentir l’évolution par des traitements de fond
C’est dans ce domaine que les progrès les plus substantiels
ont été réalisés ces dernières années. L’éventail des traitements de fond s’est en effet largement développé, et de
nouvelles classes de médicaments devraient encore venir
s’ajouter dans les prochaines années. Ils sont un traitement
essentiel de la maladie.
À la différence des AINS, ils visent à arrêter, ou tout du
moins à freiner, l’évolution de la polyarthrite rhumatoïde
en contrôlant les réactions immunitaires.
Les traitements de fond sont des médicaments à action
lente. Ils ne deviennent efficaces qu’après plusieurs
semaines et demandent souvent plusieurs mois avant
d’exercer pleinement leur action. La dose efficace varie
selon les patients ; elle est atteinte progressivement. Ces
traitements ne doivent pas être arrêtés en cas d’amélioration, car, au bout de quelques semaines, une rechute se
produirait.
Schématiquement, on peut les classer en fonction de leur
ancienneté :
– Certains médicaments (antipaludéens de synthèse, sels
d’or, dérivés thiolés) connus de longue date sont encore
utilisés. Ils sont réservés à des patients ayant des polyarthrites bénignes ou sont prescrits, pour certains, en association avec d’autres traitements de fond.
La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 294 - septembre 2003
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la qualité de vie des patients. De plus, ils freinent, voire
évitent, les destructions articulaires. Ces thérapeutiques
ont un coût élevé et ne sont pas dénuées d’effets secondaires importants (en particulier infectieux). Pour ces raisons, elles sont réservées à des polyarthrites très actives
et/ou résistantes aux autres traitements.
– L’anakinra (un antagoniste du récepteur de l’IL-1) est,
lui, disponible depuis peu. Il est administré sous forme
d’injections sous-cutanées quotidiennes. Bien toléré, il
semble toutefois avoir une efficacité moins spectaculaire
que celle des anti-TNF.
Les associations de traitement : il peut être intéressant
d’associer plusieurs traitements de fond ayant des mécanismes d’action différents lorsqu’un seul se révèle insuffisant pour contrôler la maladie.
TNF et IL-1
Le TNFα (tumor necrosis factor) est une cytokine aux propriétés antitumorales et anti-infectieuses. Elle est naturellement produite dans l’organisme en cas d’inflammation.
Chez les patients atteints de polyarthrite, elle est synthétisée en excès par les macrophages de la synoviale. En se
liant aux récepteurs de différentes cellules, le TNF induit la
libération d’autres cytokines qui entretiennent l’inflammation (dont l’IL-1), ainsi que de nombreuses enzymes et substances pro-inflammatoires qui érodent l’os et le cartilage.
L’IL-1, outre son action inflammatoire, intervient également
dans la destruction ostéo-articulaire.
© ACR Les fondamentales. La Lettre du Rhumatologue 1997.
– La sulfasalazine peut être administrée seule dans des
formes modérées ou associée à d’autres médicaments de fond.
– Le méthotrexate, dont il existe depuis quelques années
une forme orale, est actuellement le traitement le plus
répandu. Son efficacité est bien établie et va de pair avec
une tolérance acceptable.
– La ciclosporine, l’azathioprine et le cyclophosphamide
sont prescrits dans certaines formes réfractaires ou pour
traiter certaines complications.
– Le léflunomide est un traitement récent dont l’efficacité
est comparable à celle du méthotrexate.
– Plus récemment sont apparues les biothérapies. Ce sont
des médicaments très puissants qui bloquent les processus
inflammatoires délétères en agissant sur une cible précise.
Elles comprennent, à l’heure actuelle, deux classes de
médicaments, les anti-TNFα (figure 2) et les antagonistes
du récepteur de l’interleukine 1 (anti-IL-1ra). Ceux-ci neutralisent l’action de ces cytokines (TNF et IL-1) en occupant leur site de fixation sur les cellules (récepteur).
Deux anti-TNF sont commercialisés : l’infliximab, un
anticorps (injecté sous forme de perfusions intraveineuses,
à raison d’une tous les deux mois) et l’etanercept (un
récepteur soluble administré en injections sous-cutanées à
raison de deux par semaine). Un autre anticorps, l’adalimumab (injection par voie sous-cutanée), devrait être
commercialisé prochainement. Leur action est souvent
spectaculaire et rapide : ils font disparaître les symptômes
inflammatoires, la fatigue, et améliorent considérablement
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Figure 2.Thérapies anti-TNF.
La Lettre du Rhumatologue - Supplément au n° 294 - septembre 2003
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LES TRAITEMENTS LOCAUX
Ils sont indiqués lorsque, malgré l’efficacité des traitements généraux (AINS et traitements de fond), une ou plusieurs articulations restent enflammées.
! Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes soulagent rapidement la douleur et font disparaître l’inflammation. C’est un geste ponctuel qui ne doit pas être trop
souvent répété (trois fois par an pour une articulation est
une fréquence licite). On utilise des composés à base de
cortisone, dont certains, très puissants (hexacétonide), ont
un effet prolongé sur plusieurs mois.
! Les synoviorthèses consistent à injecter dans l’articulation un produit chimique ou radioactif qui détruit la synoviale enflammée. C’est un geste réalisé en milieu hospitalier.
! La synovectomie arthroscopique relève du même principe : enlever la prolifération synoviale, mais en utilisant
des instruments chirurgicaux. Les genoux, les poignets, les
coudes, les hanches ou l’épaule peuvent être concernés.
recourir à un chaussage spécialisé (chaussures larges ou
chaussures orthopédiques fabriquées sur mesure).
! Dans les formes anciennes et sévères de polyarthrite, les
aides techniques facilitent les gestes de la vie courante
(toilette, activités ménagères, cuisine, etc.) en cas de perte
de fonction de l’articulation. Il s’agit d’objets conçus spécifiquement par des industriels à l’intention des personnes
handicapées (ciseaux, couteaux, pince télescopique pour
ramasser) ou d’objets vendus dans le commerce qui économisent l’articulation (ouvre-bocaux).
LA RÉADAPTATION FONCTIONNELLE
LE TRAITEMENT CHIRURGICAL
Elle a un rôle important à tous les stades de la maladie
pour maintenir la fonction des articulations.
! La rééducation a plusieurs objectifs : limiter les déformations articulaires, lutter contre l’enraidissement articulaire,
préserver la force musculaire par la pratique d’exercices isométriques (contraction des muscles sans mouvements) ou
d’exercices actifs (ou actifs aidés) sous la direction d’un
kinésithérapeute. Elle doit être évitée au cours des poussées
inflammatoires, période durant laquelle l’articulation doit
être mise au repos, voire immobilisée dans une orthèse.
! L’ergothérapie est une technique d’éducation du geste et
de rééducation de l’activité. Elle fait appel à des activités
artisanales (tissage, par exemple) ou à des exercices manuels
(travail de la prise d’objets par le pouce et l’index, etc.).
À un stade précoce de l’évolution de la polyarthrite, le traitement chirurgical intervient à titre prophylactique ; à un
stade plus tardif, il permet de réparer des dégâts articulaires.
! Dans le premier cas, on effectue une synovectomie (ou
ténosynovectomie). L’objectif est de prévenir des lésions
ostéo-cartilagineuses ou des ruptures de tendons en enlevant une partie de la membrane synoviale enflammée.
! Dans le second cas, on a recours à des arthroplasties. Il
s’agit de redonner à l’articulation sa fonction en la remplaçant
par des prothèses (genou, hanche, épaule, doigts, etc.).
Lorsque cela n’est pas possible, on bloque l’articulation
(arthrodèse) dans une position dite “de fonction”, ce qui permet de faire disparaître les douleurs. Des interventions sont
également réalisées pour traiter des déformations articulaires.
LES APPAREILLAGES ET LES AIDES TECHNIQUES
UN TRAITEMENT PRÉCOCE
ET ADAPTÉ À LA SÉVÉRITÉ DE LA MALADIE
Ils sont utiles à divers titres.
! Les orthèses sont des appareils amovibles réalisés avec
des matériaux thermoplastiques ou des résines afin d’immobiliser une ou plusieurs articulations (mains, poignets,
etc.) (figure 3). Selon les cas, elles visent à soulager une
articulation douloureuse et enflammée (“orthèses de
repos”) ou à faciliter le mouvement d’une articulation fragilisée tout en la protégeant (“orthèse de fonction”). On
peut aussi y recourir afin de réduire une déformation qui
n’est pas encore irréductible.
! Les orthèses plantaires, ou semelles orthopédiques,
sont confectionnées sur mesure afin de compenser des
déformations et de soulager les zones d’appui douloureuses. Dans des cas très évolués, il peut être nécessaire de
IV
Figure 3. Le port d’une orthèse de repos permet de diminuer le gonflement
et les douleurs articulaires en cas de poussée inflammatoire.
La sévérité de la polyarthrite rhumatoïde varie beaucoup
d’un patient à l’autre.
Le choix du traitement de fond sera guidé par la sévérité
potentielle de la maladie afin que la possibilité de survenue
d’effets indésirables liés au traitement soit contrebalancée
par les bénéfices que l’on peut en attendre. Il faut également
tenir compte de l’âge du patient, de comorbidités éventuelles
ainsi que des médicaments pris pour d’autres maladies.
Quant aux traitements locaux et chirurgicaux, ils seront
associés au cas par cas selon les atteintes et le stade évolutif.
Dans tous les cas, il est important d’insister sur la précocité de mise en route du traitement de fond, dont dépend
largement l’évolution à long terme de la maladie.
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