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MISE AU POINT
Impact des connaissances
de la pharmacocinétique
et de la pharmacodynamique
des agents biologiques
sur la prise en charge des
rhumatismes inflammatoires
Impact of pharmacokinetic and pharmacodynamic
knowledge of biological agents on the management
of inflammatory arthritis
D. Guellec*, A. Saraux*
L
* Service de rhumatologie, hôpital
La Cavale-blanche, CHU de Brest.
es agents biologiques ont fait leur entrée dans
la prise en charge des rhumatismes inflammatoires il y a plus de 10 ans, avec l’autorisation
de mise sur le marché (AMM) de l’infliximab, anticorps monoclonal chimérique ciblant le TNFα, dans
le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Le
groupe des agents biologiques ciblant le TNFα s’est
depuis enrichi par la commercialisation d’anticorps
monoclonaux entièrement humanisés (adalimumab,
golimumab), d’un anticorps monoclonal pégylé (certolizumab pégol) et d’un récepteur soluble du TNFα
(étanercept). Ces agents ont tous obtenu l’AMM dans
la PR, la plupart d’entre eux dans la spondyloarthrite
ankylosante (SA), le rhumatisme psoriasique (RP)
et les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI). Leur
prescription s’étend largement au-delà du champ
de la rhumatologie, puisque certaines de ces molécules sont utilisées dans la maladie de Crohn, la
rectocolite hémorragique et le psoriasis.
D’autres classes d’agents biologiques sont progressivement venues enrichir l’arsenal thérapeutique
contre la PR : le rituximab, anticorps monoclonal
chimérique ciblant la molécule CD20 présente à la
surface des lymphocytes B ; l’abatacept, protéine de
fusion permettant l’inhibition de la costimulation
des lymphocytes T ; le tocilizumab, anticorps monoclonal ciblant l’interleukine 6, et l’anakinra, antagoniste du récepteur de l’interleukine 1, ce dernier
étant de prescription désormais très marginale
18 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
dans cette indication. De nombreuses molécules,
dont les modes d’action et les cibles diffèrent,
sont par ailleurs en cours de développement. Les
agents biologiques ont également fait leur entrée
dans la prise en charge du lupus par l’intermédiaire
du bélimumab, anticorps monoclonal anti-BLyS
(B Lymphocyte Stimulator), même si sa place précise
dans la stratégie thérapeutique reste à définir. Toutes
ces molécules ont révolutionné ou sont en train de
révolutionner la prise en charge des rhumatismes
inflammatoires chroniques et, plus globalement,
des affections dysimmunitaires.
La pharmacocinétique et la relation entre la
pharmaco cinétique et la pharmacodynamique
des traitements biologiques ont d’abord été étudiées lors des études cliniques préliminaires, afin
de déterminer leurs doses thérapeutiques respectives et l’espacement des injections. Ces études
ont permis de montrer d’importantes variations
interindividuelles dans la pharmacocinétique des
agents biologiques, expliquées par de nombreux
paramètres que nous détaillerons plus loin, et
rendant compte d’une partie des situations d’échec
thérapeutique. Cette variabilité interindividuelle
existe dans l’ensemble de la pharmacopée mais
prend une tonalité toute particulière dans le cas
des agents biologiques, notamment en rhumatologie, pour plusieurs raisons : leur coût élevé, qui
pose à terme un problème de santé publique
Points forts
» La pharmacocinétique et la pharmacodynamique des agents biologiques sont soumises à d’importantes
variations interindividuelles.
» Cette variabilité rend compte d’une partie des situations d’échec thérapeutique.
» Les facteurs expliquant cette variabilité sont liés aux caractéristiques de l’agent biologique, aux caractéristiques du patient et à celles du rhumatisme inflammatoire, au développement d’anticorps antimédicaments, à la coprescription d’agents synthétiques ainsi qu’à certains polymorphismes génétiques.
» Ces connaissances n’ont actuellement pas d’impact en pratique courante sur les stratégies de choix et
de réévaluation de l’agent biologique.
» L’évolution des connaissances permet d’envisager à moyen terme une prescription personnalisée des
agents biologiques.
(l’adalimumab représente désormais le premier
traitement en termes de coût aux États-Unis), la
mesurabilité de leur effet sur le plan quantitatif par
le biais de paramètres simples et non invasifs (EVA,
DAS28, BASDAI, etc.), leurs effets indésirables,
l’absence d’alternative thérapeutique aux anti-TNFα
à ce jour dans la SA. Pour toutes ces raisons, l’utilisation, à l’échelon individuel, des connaissances
concernant la pharmacocinétique de ces molécules
paraît à moyen terme inévitable et permet d’envisager une prescription plus personnalisée des biomédicaments, dans l’intérêt du patient ainsi que
dans un but économique. Cependant, pour qu’une
telle évolution dans la prise en charge des patients
traités par agents biologiques puisse se faire, le
clinicien doit disposer d’outils simples et fiables
lui permettant d’évaluer la pharmacocinétique du
biomédicament et d’anticiper la relation pharmacocinétique-pharmacodynamique chez un patient
donné.
Bases de pharmacocinétique
et de pharmacodynamique
nécessaire pour atteindre le pic plasmatique de
concentration) et l’aire sous la courbe (correspondant à l’intégrale de la courbe de concentration en
fonction du temps) [encadré 1]. À l’inverse, la demivie plasmatique du médicament, correspondant à
l’intervalle de temps au cours duquel sa quantité est
diminuée de moitié (figure 1), n’est pas influencée
par sa voie d’administration. Ce sont les études préliminaires de phase I qui permettent, par la mesure
répétée des taux sériques (voire tissulaires et urinaires), de faire la description pharmacocinétique
du médicament. Celle-ci est en général réalisée
selon un modèle le plus simple possible, limité au
compartiment sérique (modèle unicompartimental)
ou non (modèle bicompartimental ou pluricompartimental). Les doses administrées lors de ces études
préliminaires ont parfois une grande amplitude et
dérivent de modèles théoriques et animaux et de
résultats in vitro sur matériel humain.
AUC = Demi-vie :
t ½ = ln(2)
Ke
Constante d’élimination :
Ke = CL
Vd
Pharmacocinétique
Agents biologiques
Pharmacocinétique
Pharmacodynamique
Highlights
» Pharmacokinetics and
pharmacodynamics of biological agents are influenced
by numerous parameters
explaining their high interindividual variability.
» This variability explains some
situations of treatment failure.
» This variability is influenced
by many factors related to
the characteristics of the biological agent, characteristics
of the patient and the disease,
development of antidrug antibodies, coprescription of synthetic agents and some genetic
polymorphisms.
» To date, this knowledge has no
practical consequences in either
strategies of choice or reevaluation of the biological agent.
» The evolution of knowledge
allows considering in the
medium term a personalized
prescription of biological agents.
Keywords
Biological agents
Pharmacokinetics
Pharmacodynamics
Encadré 1. Formules mathématiques des principaux
paramètres de pharmacocinétique.
Unités arbitraires
La pharmacocinétique est l’étude de l’exposition
de l’organisme au médicament, dans le but ultime
d’étudier ses relations avec l’efficacité et la tolérance, c’est-à-dire la relation pharmacocinétiquepharmacodynamique. La pharmacocinétique est
donc l’étude de la cinétique de l’absorption, de la
distribution, du métabolisme et de l’excrétion des
médicaments. La pharmacocinétique des médicaments en général peut être influencée par de
nombreux facteurs tels que l’âge, le poids, le sexe,
l’origine ethnique, certains facteurs génétiques, le
tabagisme, l’alimentation, l’insuffisance rénale et
hépatique, les traitements associés, la formulation
et la voie d’administration, ce qui explique la variabilité inter- voire intra-individuelle de la pharmacocinétique d’une molécule.
Les principaux paramètres de pharmacocinétique
influencés par la voie d’administration d’un médicament sont le Cmax (c’est-à-dire le pic plasmatique
de concentration), le Tmax (c’est-à-dire le temps
∞
Cdt
∫0
Aire sous la courbe :
Mots-clés
60
Demi-vie plasmatique = 14 jours
50
50
40
30
25
20
10
12,5
6,25
0
0
14
28
42
Délai après l’injection (jours)
3,125
56
Figure 1. Évolution de la concentration sérique d’un médicament après une administration unique.
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
19
MISE AU POINT
Impact des connaissances de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique
des agents biologiques sur la prise en charge des rhumatismes inflammatoires
Pharmacodynamique
et modèles pharmacocinétiquespharmacodynamiques
La pharmacodynamique est l’étude des effets du
médicament sur l’organisme, entendus en termes
d’efficacité mais également de tolérance. Elle
s’oppose d’une certaine manière à la pharmacocinétique, qui étudie pour sa part l’effet de
l’organisme sur le médicament. Les modèles pharmacocinétiques-pharmacodynamiques permettent
de définir les relations entre les concentrations
du médicament à son site d’action et ses effets,
souhaités ou adverses. Ces effets sont mesurés à
Le golimumab, dernier anticorps monoclonal anti-TNFα en date, a, dans une
première étude de phase I chez l’homme,
été administré à 36 sujets présentant
une PR, en une seule administration
intraveineuse, dans le but d’étudier sa
pharmacocinétique et sa tolérance dans
cette population particulière. Les patients
ont reçu des doses variables du biomédicament, s’étalant de 0,1 à 10 mg/kg (1). Cette
étape a permis une première estimation de
la demi-vie humaine médiane du produit
(7 à 20 jours) ainsi que de ses autres
paramètres pharmacocinétiques, selon
un modèle bicompartimental. Ce premier
essai a été suivi d’études de phase I par
voie sous-cutanée et intraveineuse, permettant de retenir des posologies d’administration de 50 et 100 mg comme étant
les plus pertinentes pour la voie
sous-cutanée. Une étude de dose a par
la suite été conduite sur 172 patients
(figure 2), comparant l’efficacité de ces
2 posologies, aux rythmes de 1 injection
tous les 14 jours (proche de la demi-vie)
et de 1 injection tous les 28 jours (2,5 fois
la demi-vie), en association avec le méthotrexate (2). Cette étude n’a pas montré
de différences flagrantes d’efficacité ni
de sécurité d’utilisation selon la posologie et le rythme d’administration. Cela
a amené à retenir le schéma de 1 injection
tous les 28 jours pour l’étude de phase III
GO-FORWARD, qui a permis de confirmer
l’absence de supériorité de l’injection à
100 mg, laquelle était par ailleurs responsable d’un plus grand nombre d’effets
indésirables graves (3).
Placebo sous-cutané
Golimumab sous-cutané
Golimumab 50 mg + MTX
Golimumab 100 mg + MTX
Placebo + MTX
n = 35
Semaine 0
Semaine 2
Semaine 4
Semaine 6
Semaine 8
Semaine 10
Semaine 12
Semaine 14
Semaine 16
4 semaines
n = 35
2 semaines
n = 34
4 semaines
n = 34
2 semaines
n = 34
Semaine 18
Semaine 48
Spécificités pharmacocinétiques
et pharmacodynamiques
des traitements biologiques
Les biomédicaments ont des demi-vies, des rythmes
et des voies d’administration différents. Les données
fournies par les fabricants concernant la demi-vie et
le rythme d’administration des principaux biomédicaments utilisés dans les rhumatismes inflammatoires sont résumées dans le tableau I. Les drogues
utilisées dans cette indication ont pour la plupart
un rythme d’administration supérieur à leur demivie. Seuls l’adalimumab et le certolizumab pégol
échappent à cette règle, avec un rythme d’administration équivalent à la demi-vie moyenne du produit.
Ces données globales ont un intérêt didactique
mais ne rendent pas compte de la variabilité de la
pharmacocinétique des biomédicaments à l’échelon
de l’individu et à celui de la pathologie.
Les facteurs de variabilité peuvent être schématiquement séparés en 2 catégories : ceux rendant compte
de la variabilité de la pharmacocinétique entre molécules et ceux rendant compte de la variabilité intervoire intra-individuelle de la pharmacocinétique et
de la pharmacodynamique d’une molécule.
◆ Facteurs de variabilité
de la pharmacocinétique
et de la pharmacodynamique entre molécules
Critère principal
d’évaluation
Semaine 20
l’échelon individuel par l’intermédiaire d’indicateurs
biologiques pertinents, appelés “biomarqueurs”. Il
peut s’agir de paramètres cliniques, biologiques ou
d’imagerie ou de scores composites. L’étude de la
relation pharmacocinétique-pharmacodynamique
débute lors des essais de phase I et se poursuit lors
des essais de phase II et III. Elle permet d’ajuster les
modalités d’administration du médicament, en fonction des seuils de survenue du bénéfice escompté
et des effets indésirables (encadré 2).
Golimumab 50 mg
toutes les 4 semaines
Golimumab 100 mg
toutes les 4 semaines
Figure 2. Schéma de l’étude de dose du golimumab dans la polyarthrite rhumatoïde.
Encadré 2. Modèles de pharmacocinétique et relation pharmacocinétique-pharmacodynamique appliqués au développement des traitements biologiques : exemple du golimumab.
20 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
Caractéristiques de l’agent biologique
La pharmacocinétique d’une biothérapie est largement influencée par la nature de sa cible antigénique.
Cela se traduit en pratique par des demi-vies allant
de quelques heures, pour l’anakinra, à 3 semaines,
dans le cas du rituximab. La pharmacocinétique
d’une molécule est également influencée par sa
composition chimique. Ainsi, parmi la classe des
médicaments anti-TNFα, les demi-vies moyennes
des produits s’étalent de 3 à 14 jours, selon qu’il
s’agit d’un anticorps monoclonal ou d’une protéine
MISE AU POINT
Tableau I. Demi-vies moyennes et rythmes d’administration des principaux biomédicaments utilisés dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires.
Molécule
Voie
d’administration
Demi-vie
(jours)
Rythme d’administration
(nombre de jours entre 2 injections)
Rapport rythme
d’administration/demi-vie
Rythme d’administration
> demi-vie
Adalimumab
s.c.
≈ 14
14
≈1
Non
Abatacept
i.v.
≈ 13
28
≈ 2,1
Oui
Anakinra
s.c.
≈ 0,25
1
≈4
Oui
Bélimumab
i.v.
≈ 19
28
≈ 1,47
Oui
Certolizumab pégol
s.c.
≈ 14
14
≈1
Non
Étanercept
s.c.
≈3
7 ou 3,5
≈ 2,3 ou 1,2
Oui
Golimumab
s.c.
≈ 12
28
≈ 2,5
Oui
Infliximab
i.v.
≈ 8-10
42 à 56
≈ 5,2 à 7
Oui
Rituximab
i.v.
21 (moyenne)
Variable
Variable
Oui
Tocilizumab
i.v.
≈ 14
28
≈2
Oui
i.v. : intraveineuse ; s.c. : sous-cutanée.
de fusion, selon le coefficient d’affinité de la molécule pour le TNFα soluble et membranaire, selon son
caractère éventuellement “pégylé”, comme dans le
cas du certolizumab pégol.
FcRn
Le FcRn (Neonatal Fc Receptor) est un récepteur de
membrane, responsable de l’homéostasie de l’albumine et des immunoglobulines G (IgG). Il s’agit d’un
hétérodimère comportant une protéine CMH-I-like et
un domaine β2-microglobuline, capable de lier sous
forme dimérique la portion Fc des IgG, par un mécanisme strictement dépendant du pH. Ce récepteur
explique la demi-vie excessivement prolongée des
IgG (21 jours en moyenne) par rapport à celle des
autres immunoglobulines, jusqu’à récemment mal
comprise. La liaison FcRn/Fc, phénomène saturable,
joue un rôle primordial dans la clairance des anticorps
monoclonaux et des protéines de fusion.
L’affinité de la liaison au FcRn est très variable selon
l’agent biologique et ne dépend pas seulement de
la nature de la portion Fc de la molécule mais également de la nature de sa fraction variable. Cette
variation dans l’affinité de la liaison en fonction
de la portion variable pourrait s’expliquer par des
modifications dans la structure tertiaire ou quaternaire de la molécule ou par des modifications des
interactions biochimiques. Ces données expliquent
une part importante de la variabilité de la demi-vie
entre agents biologiques (4, 5).
Le rythme d’administration d’un traitement biologique est influencé par ses caractéristiques
pharmacocinétiques mais également par son mode
d’action. Ceci explique le schéma thérapeutique par-
ticulier du rituximab, qui n’est pas directement relié
à la demi-vie du produit, puisque son administration
engendre un effet prolongé dans le temps sur la
lignée lymphocytaire B. Cette donnée distingue ce
produit des autres biothérapies utilisées en rhumatologie, dont la cible est soit une voie cytokinique, soit
une voie de stimulation intercellulaire, nécessitant le
maintien dans le temps de concentrations sériques
efficaces.
◆ Facteurs de variabilité inter- et intraindividuelle de la pharmacocinétique et
de la pharmacodynamique des biomédicaments
Caractéristiques du patient
et du rhumatisme inflammatoire
Polyarthrite rhumatoïde
La recherche de facteurs prédictifs de la réponse
thérapeutique aux anti-TNFα dans la PR a fait
l’objet d’un grand nombre de publications. En ce qui
concerne les caractéristiques du patient, une étude
a montré une corrélation négative entre l’indice
de masse corporelle et l’efficacité de l’infliximab
à la posologie de 3 mg/kg, indépendamment de la
sévérité initiale du rhumatisme et du statut immunitaire (6). Ces résultats ont suggéré à leurs auteurs
le rôle du tissu adipeux dans le métabolisme des biothérapies anti-TNFα. Plusieurs études ont montré une
moindre efficacité des anti-TNFα chez les patients
fumeurs, à 3, 6 et 12 mois (7). Concernant les caractéristiques de la PR, plusieurs publications se sont
intéressées aux liens entre la réponse thérapeutique
et la présence d’anticorps anti-CCP ou de facteur
rhumatoïde (FR), avec des résultats contradictoires,
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
21
MISE AU POINT
Impact des connaissances de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique
des agents biologiques sur la prise en charge des rhumatismes inflammatoires
montrant globalement une meilleure réponse chez
les patients séropositifs (8). Il a également été
montré un lien entre le niveau élevé de bioactivité
du TNFα circulant et la réponse thérapeutique à l’infliximab (9). Une étude transcriptomique a montré
l’intérêt prédictif du niveau d’expression de CD11c
chez les patients traités par adalimumab en monothérapie, mais pas chez les patients traités chez qui
cette molécule est associée au méthotrexate (10).
L’analyse préthérapeutique du liquide synovial de
patients traités par infliximab a amené à mettre en
évidence le rôle prédictif sur la bonne réponse de
taux élevés de TNFα, d’une concentration importante
de cellules productrices de TNFα et de la présence
d’agrégats lymphocytaires (11, 12). Ces études ont
également pu montrer le rôle probablement limité
de ces facteurs, n’excédant pas 20 % de la variabilité
de la réponse thérapeutique. D’autres études se sont
concentrées sur le profil d’expression génique du
tissu synovial, sans résultats probants.
L’étude des facteurs prédictifs de la bonne réponse
thérapeutique au rituximab dans la PR a été à l’origine de résultats parfois contradictoires (13-15).
Concernant les cytokines, de faibles taux d’IFNγ
et de BAFF semblent être prédictifs d’une bonne
réponse thérapeutique. Le caractère séropositif de
la PR semble également être lié à la bonne réponse,
mais les résultats selon la présence de FR ou d’anticorps anti-CCP varient là encore selon les études.
Le caractère prédictif de la bonne réponse d’un
taux élevé d’immunoglobulines a également été
suggéré, mais remis en question dans une publication récente (13, 16). La réponse semble également
conditionnée par le nombre de biothérapies antiTNFα préalables (13).
Peu de données sont disponibles concernant les
facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique
à l’abatacept dans la PR. Les données du registre
prospectif français ont montré la valeur prédictive
positive de la bonne réponse de la présence d’anticorps anti-CCP, indépendamment de l’activité de
la maladie (17). Il n’y a à notre connaissance pas de
données disponibles concernant la prédiction de la
réponse thérapeutique au tocilizumab.
Spondyloarthrites
Dans la SA, les facteurs identifiés dans les essais
thérapeutiques comme prédictifs d’une bonne
réponse aux anti-TNFα sont l’âge jeune, une limitation fonctionnelle modérée (évaluée par le BASFI),
la présence d’enthésites, un important syndrome
inflammatoire biologique et la présence de l’antigène HLA-B27 (18). Ces constatations ont conduit
à l’élaboration d’une matrice de prédiction de la
réponse thérapeutique (19).
Rhumatisme psoriasique
Les études réalisées dans le RP ont montré le rôle
des taux élevés de plusieurs marqueurs non spécifiques de l’inflammation comme facteurs prédictifs de la bonne réponse aux anti-TNFα. Parmi
ceux-ci, on citera principalement la CRP et la fraction C3 du complément. Une étude menée chez des
patients traités par golimumab a également montré
l’influence de certains marqueurs du remodelage
osseux (20-22).
Les facteurs cliniques et biologiques influençant
la réponse thérapeutique aux biothérapies identifiés dans la PR, la SA et le RP sont résumés dans le
tableau II.
Tableau II. Facteurs cliniques et biologiques influençant la réponse thérapeutique aux biothérapies identifiés dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), la spondylarthrite ankylosante (SA) et le rhumatisme psoriasique (RP).
PR
SA
RP
Anti-TNFα
Rituximab
Abatacept
Anti-TNFα
Anti-TNFα
Clinique
• IMC
• Tabagisme
Nombre de biothérapies
antérieures
–
• Âge
• BASFI
• Enthésites
–
Sérique
• FR et/ou anti-CCP
• Bioactivité du TNFα circulant
• CD11c
•
•
•
•
FR et/ou anti-CCP
HLA-B27
• CRP
• C3
• Marqueurs
du remodelage osseux
Synovial
• Concentration en TNFα
• Cellules productrices de TNFα
• Agrégats lymphocytaires
–
–
CRP
–
Matrice de prédiction
–
–
–
+
–
22 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
FR et/ou anti-CCP
Taux d’Ig
IFNγ
BAFF
MISE AU POINT
Anticorps antimédicaments
Les anticorps thérapeutiques portent des régions
potentiellement immunogènes. Il s’agit de la région
idiotypique hypervariable, des régions charpentes
murines et des régions situées sur les domaines
constants des chaînes lourdes. Outre les risques
immunoallergiques, l’apparition d’un taux élevé d’anticorps dirigés contre ces anticorps thérapeutiques peut
théoriquement être à l’origine d’une perte d’efficacité
de la molécule, via une altération de sa pharmacocinétique ou la neutralisation de l’un de ses composés
actifs. Le risque théorique d’immunogénicité est beaucoup plus faible avec les protéines de fusion.
Dans la PR et dans le RP, des données récentes ont
ainsi montré que la présence d’anticorps antimédicaments dirigés contre les 2 principaux anticorps
monoclonaux anti-TNFα (adalimumab et infliximab)
est étroitement liée à la diminution des taux sériques
du produit, à la perte d’efficacité et à l’interruption
du traitement (23-25). Il a également été montré
que l’évolution de l’activité clinique dans la PR, chez
des patients traités par infliximab, était chronologiquement liée à l’apparition des anticorps antimédicament ou à la diminution des taux sériques
d’infliximab (26). Les données concernant l’immunogénicité du certolizumab pégol et du golimumab sont
plus limitées, principalement en raison du développement plus récent de ces thérapeutiques (27, 28).
Les résultats disponibles montrent pour le moment
une immunogénicité plus faible que celle de l’infliximab et de l’adalimumab. Alors que des anticorps
neutralisants ont été retrouvés chez 17 à 44 % des
patients traités par infliximab ou adalimumab, selon
les études, de tels anticorps n’ont été retrouvés que
chez 6 % des patients traités par golimumab (29).
Des anticorps antimédicaments ont également été
mis en évidence chez des patients traités par étanercept dans plusieurs études, sans pour autant être
associés à une perte d’efficacité ou à la survenue
d’effets indésirables. La mise en évidence d’anticorps
antimédicaments dans ce contexte de traitement par
une protéine de fusion peut correspondre sur le plan
théorique soit à des faux positifs, soit à la sécrétion
d’anticorps non neutralisants, ce qui explique dans
les 2 cas l’absence de retentissement pharmacocinétique et clinique mise en évidence par ces études.
L’immunogénicité du tocilizumab et de l’abatacept
a pour le moment été peu étudiée (30).
Dans la SA, il a été montré, de la même manière
que dans la PR, que la formation d’anticorps contre
l’infliximab et l’adalimumab était à l’origine d’une
diminution des taux sériques et de l’efficacité de ces
thérapeutiques (31, 32).
Agents synthétiques
L’impact des agents synthétiques sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamique des agents biologiques est une question de premier plan. Dans la
maladie de Crohn, il a été montré que les agents
immunomodulateurs dans leur ensemble modifient les concentrations sériques de l’infliximab. En
rhumatologie, les données disponibles concernent
essentiellement le méthotrexate.
L’intérêt de la prescription du méthotrexate en
association avec les anti-TNFα dans la prise en
charge de la PR est désormais bien établi, comme
en témoignent les recommandations thérapeutiques, qui préconisent l’association de l’antiTNFα au méthotrexate à chaque fois que cela est
possible. Il a en effet été montré depuis longtemps
que l’association à un traitement de fond est plus
efficace, en termes de réduction des symptômes
et de progression structurale, qu’un anti-TNFα en
monothérapie. Cela s’explique en partie par l’efficacité propre du méthotrexate et par la réduction
de l’immunogénicité mais probablement aussi par
une augmentation indirecte de la demi-vie de l’agent
biologique induite par la coprescription de méthotrexate. Cette constatation pourrait s’expliquer par
l’action anti-inflammatoire du méthotrexate, qui
provoquerait une diminution des taux circulants de
TNFα et participerait ainsi à l’augmentation de la
demi-vie de l’agent biologique par une diminution
de la “masse antigénique”. Il a ainsi été montré que
des taux sériques bas d’infliximab sont associés à
une concentration plus élevée des métabolites actifs,
immunosuppresseurs, du méthotrexate (33).
Dans la SA, les données actuellement disponibles
ne montrent pas d’impact de la coprescription de
méthotrexate sur la pharmacocinétique des antiTNFα, ni sur la réponse thérapeutique. Parallèlement
à l’hypothèse émise dans la PR, les plus faibles taux
circulants de TNFα observés dans la SA pourraient
expliquer l’absence d’effet du méthotrexate sur
la pharmacocinétique des anti-TNFα dans cette
situation. Cette hypothèse est corroborée par les
différences importantes observées entre la demi-vie
moyenne des anti-TNFα chez les sujets présentant
une PR et ceux présentant une SA (34, 35).
Facteurs génétiques
(pharmacogénétique des biomédicaments)
Les spécificités pharmacologiques des agents biologiques ont rapidement fait évoquer le rôle de
facteurs génétiques dans la variabilité interindividuelle de la réponse thérapeutique. Les premières
recherches en ce sens ont été menées dans le champ
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
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MISE AU POINT
Impact des connaissances de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique
des agents biologiques sur la prise en charge des rhumatismes inflammatoires
de l’oncohématologie. Plusieurs études ont par la
suite permis de mettre en évidence l’influence de
certains variants sur l’efficacité des agents biologiques dans la prise en charge des affections
rhumatologiques, principalement la PR. Ces découvertes éclairent probablement une bonne part des
situations d’échec thérapeutique primaire, constaté
chez 30 à 40 % des patients.
En ce qui concerne le rituximab, il a tout d’abord
été montré que certains polymorphismes des gènes
codant pour les récepteurs FCγRIIIa et FCγRIIa,
situés à la membrane des macrophages et des
cellules NK, étaient prédictifs d’une bonne réponse
thérapeutique dans les lymphomes folliculaires.
Des études menées par analogie dans la PR n’ont
pour le moment pas montré d’association certaine
entre ces variants fonctionnels et la réponse thérapeutique (36, 37). Une étude menée sur 132 patients
présentant diverses maladies auto-immunes traitées par rituximab suggère cependant, avec une
méthodologie discutable, l’influence des polymorphismes de FCγRIIIa sur la réponse thérapeutique à
6 mois (38). Le mécanisme expliquant la différence
d’efficacité serait celui d’une plus grande affinité du
variant fonctionnel rs396991 pour le fragment Fc
du rituximab, à l’origine d’une augmentation de
la cytotoxicité cellulaire médiée par les anticorps.
Les polymorphismes de ces récepteurs pourraient
également jouer un rôle dans la réponse thérapeutique aux anti-TNFα. Récemment, il a également
été suggéré un lien étroit entre la bonne réponse
au rituximab dans la PR et le polymorphisme de
HS1, 2A, amplificateur de la région régulatrice des
chaînes lourdes d’immunoglobulines, impliqué dans
la maturation des lymphocytes B et la commutation
de classe des immunoglobulines (39).
Les études menées sur les facteurs génétiques prédictifs de la réponse aux anti-TNFα dans la PR ont
permis de mettre en évidence plusieurs loci et gènes
d’intérêt, avec des résultats parfois contradictoires.
Le croisement de données d’études GWAS (GenomeWide Association Study) avec des données de réponse
aux anti-TNFα a permis de mettre en évidence, dans
2 études récentes de grande envergure, un total
de 15 (8 + 7) loci d’intérêt, pointant la complexité
du problème de la pharmacogénétique des biomédicaments (40, 41). Les études par stratégie du
gène candidat se sont évidemment focalisées sur les
gènes de la région HLA ainsi que ceux codant pour
les protéines de l’inflammation, leurs récepteurs, les
voies de signalisation intracellulaire et, plus globalement, l’ensemble des protéines connues pour être
impliquées dans la physiopathologie de la PR.
24 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
De très nombreuses études ont été menées sur le
lien entre les polymorphismes du promoteur au
TNFα et la réponse thérapeutique aux anti-TNFα.
Une méta-analyse récente a retrouvé une association significative entre la réponse thérapeutique à
l’anti-TNFα et le polymorphisme 238 A/G du promoteur, dans le sous-groupe de patients traités par
infliximab. Les méta-analyses n’ont par ailleurs pas
retrouvé d’association significative avec le polymorphisme 308 A/G, jusqu’ici le plus étudié (42, 43).
Deux études indépendantes ont montré un lien entre
les polymorphismes du récepteur CD45 (PTPRC),
possédant un rôle pivot dans la signalisation du
TNFα, et la réponse thérapeutique (44, 45). Les
études concernant les gènes codant pour les TLR
(Toll-Like Receptors) et ceux impliqués dans la voie
de signalisation NF-κB ont donné des résultats
contradictoires et, pour le moment, partiels (46, 47).
Une étude semble montrer l’implication de variants
fonctionnels des protéines de la voie des MAP
kinases (48). Une autre étude, avec une stratégie
originale centrée sur la recherche d’insertions ou de
délétions nucléotidiques (INDELS), suggère l’implication des gènes CD6 et STXBP6 (49). Le rôle des
variants d’AFF3 et de CD226, gènes de susceptibilité à la PR, associés à la réponse thérapeutique
dans une publication, doit être confirmé (50). Une
autre étude suggère un lien entre la bonne réponse
thérapeutique aux anti-TNFα et le polymorphisme
des récepteurs de surface Ig-like des cellules NK
et des lymphocytes T (Killer Cell Immunoglobulinlike Receptor) [51]. Plus récemment, Il a été mis
en évidence une meilleure réponse aux anti-TNFα,
dans la PR, chez les patients présentant certains
polymorphismes de TRAILR1 (TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand Receptor 1), récepteur de mort
associé au TNFα (52).
Les données de pharmacogénétique concernant
les autres agents biologiques utilisés dans la prise
en charge de la PR sont limitées. Une publication
s’est focalisée sur le profil d’expression génique des
patients traités par anakinra, montrant que certains
profils pouvaient être prédictifs de la bonne réponse
au traitement (53). Les seules données disponibles dans la SA sont relativement anciennes et
concernent le polymorphisme 308 A/G du promoteur au TNFα ; elles montrent son possible impact
sur la réponse thérapeutique. Ces données limitées
s’expliquent peut-être par l’absence d’alternative
thérapeutique biologique aux anti-TNFα dans
cette indication. Dans le RP, les polymorphismes
de TRAILR1 et de FCγRIIa semblent également être
impliqués dans la réponse thérapeutique (52, 54).
MISE AU POINT
Impact des connaissances
et de l’évaluation
de la pharmacocinétique
et de la pharmacodynamique
des traitements biologiques
en pratique courante
Choix de l’agent biologique
La connaissance des particularités pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des thérapies
ciblées utilisées en rhumatologie a à ce jour peu
d’impact sur notre pratique courante, qu’il s’agisse
du choix de la molécule ou du choix de la posologie.
Les facteurs “courants” identifiés comme influençant
la réponse thérapeutique dans la PR, la SA et, dans
une moindre mesure, dans le RP peuvent permettre
de prédire en partie l’efficacité des anti-TNFα et du
rituximab. Ces données n’ont pour autant actuellement pas leur place dans la stratégie du choix de
la première biothérapie, en l’absence de données
consensuelles et de grande ampleur. Elles peuvent,
tout au plus, aider à la compréhension d’une situation d’échec primaire chez un patient donné. De
la même manière, les situations d’échec primaire
aux anti-TNFα dans la PR doivent amener à une
discussion concertée sur le choix de la biothérapie
de deuxième ligne.
Les dernières avancées concernant l’influence de la
coprescription de méthotrexate sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamique des anti-TNFα
dans la PR renforcent notre conviction sur l’intérêt
de prescrire une bithérapie à chaque fois que cela est
possible. L’impact du méthotrexate sur la pharmacocinétique des autres classes d’agents biologiques
mériterait d’être étudié de la même manière. Dans
la SA, les données de pharmacocinétique et de
pharmacodynamique ne plaident pour le moment
pas en faveur de la bithérapie (34).
Réévaluation du traitement
Les outils accessibles en pratique courante et permettant d’évaluer directement ou indirectement la
pharmacocinétique des biomédicaments chez un
individu donné sont le dosage des taux résiduels et
la détection des anticorps antimédicaments. Ces
outils d’évaluation concernent pour le moment principalement l’infliximab et l’adalimumab. Les 2 principaux problèmes posés par ces dosages sont de
savoir à quel(s) moment(s) ils doivent être effectués
pour être utiles et quels seuils doivent être retenus
comme pertinents pour établir la présence d’anticorps antimédicaments et de taux résiduels trop
faibles. En ce qui concerne les concentrations seuils,
elles ne sont pour le moment pas définies de manière
consensuelle. En ce qui concerne les scenarii d’utilisation de ces outils, ils pourraient théoriquement
être les suivants : évaluation systématique selon un
délai à définir, réponse insuffisante ou échappement
secondaire amenant à discuter une augmentation de
la posologie ou un changement de traitement, rémission prolongée amenant à discuter une diminution
de la posologie ou un espacement des injections.
Pour le moment, l’utilisation courante de ces outils
ne peut être conseillée, en l’absence de stratégie
clairement définie et de supériorité démontrée
sur la prise en charge actuelle de nos patients. On
comprend aisément la difficulté de mise en œuvre
d’études évaluant le bénéfice d’une stratégie prenant
en compte ces outils. Une étude française a cependant permis d’esquisser, sur un faible nombre de
patients, l’intérêt du monitoring des concentrations
sériques de l’infliximab dans la PR (55).
Interruption programmée
de l’agent biologique
L’interruption programmée du traitement biologique
se discute principalement dans les situations de
chirurgie programmée, de soins dentaires et de
désir de conception, ce dernier point concernant les
hommes autant que les femmes. Les recommandations émises par les fabricants sur les délais d’interruption devant être respectés dans ces situations
sont guidées par un principe de précaution poussé à
l’extrême plus que par des données scientifiques. Les
recommandations émises par le Club rhumatismes
et inflammation (CRI) reposent quant à elles sur des
données scientifiques. La base du raisonnement dans
ce contexte est le respect d’un délai correspondant
à l’élimination de 97,5 % du produit (5 demi-vies),
lorsque la situation clinique impose l’interruption
du traitement. Ce délai est pondéré par la variation interindividuelle de la demi-vie du produit. Le
mode d’action du biologique ainsi que les données
observées en situation pratique sont également pris
en compte. Les délais proposés par le CRI dans les
situations de chirurgie programmée et de conception sont résumés dans le tableau III, p. 26. Les
situations de grossesse sous l’un des 3 premiers antiTNFα (infliximab, adalimumab et étanercept) sont
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
25
MISE AU POINT
Impact des connaissances de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique
des agents biologiques sur la prise en charge des rhumatismes inflammatoires
Tableau III. Délais à respecter avant conception ou avant une chirurgie programmée chez les patients traités par biothérapie (d’après les fiches du Club
rhumatismes et inflammation).
Infliximab
Adalimumab
Étanercept
Femme
Poursuite
Poursuite
Poursuite
jusqu’à
jusqu’à
jusqu’à
confirmation
confirmation
confirmation
de la grossesse de la grossesse de la grossesse
Homme
Pas
d’interruption
Pas
d’interruption
3 semaines
4 semaines
Délai avant
conception
Risque
faible
Risque
moyen
Chirurgie
programmée Risque
élevé
Risque
très élevé
Golimumab Certolizumab
pégol
Abatacept
Tocilizumab
Anakinra
2,5 mois
2 mois
6 mois
14 semaines
3 mois
36 heures
Pas
d’interruption
?
?
6 mois
14 semaines
3 mois
3 mois
4 semaines
2 semaines
4 semaines
4 semaines
6 semaines
2 semaines
6 semaines
6 semaines
6 mois
à 48 semaines
2 mois
4 semaines
1 semaine
6 semaines
8 semaines
3 semaines
8 semaines
8 semaines
8 semaines
10 semaines
4 semaines
10 semaines
10 semaines
une situation particulière, puisque l’expérience a
montré la relative innocuité de ces traitements au
cours des premier et deuxième trimestres. Cette
constatation autorise raisonnablement la poursuite
de ces 3 traitements jusqu’à la confirmation de la
grossesse et, dans certaines situations cliniques,
jusqu’à la fin du deuxième trimestre.
Perspectives d’avenir
Développement des biomédicaments
D. Guellec déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
Rituximab
Comme nous l’avons vu précédemment, les anticorps monoclonaux et les protéines de fusion ont
de nombreuses spécificités pharmacocinétiques
et pharmacodynamiques, parmi lesquelles une
clairance médiée par le FcRn, ce qui explique une
part de la variabilité des paramètres de pharmacocinétique observée entre molécules. Lors des phases
de développement des biomédicaments, l’utilisation
de modèles pharmacocinétiques plus complexes,
prenant en compte ces spécificités, permettrait
d’affiner les choix de posologie et de fréquence
d’administration des biothérapies (5, 56).
Vers une prescription personnalisée ?
Compte tenu des spécificités pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques des traitements biologiques
et de la complexité de la physiopathologie des rhumatismes inflammatoires, il ne fait aucun doute que
l’évolution des connaissances aboutira à terme à une
prescription plus personnalisée des thérapies ciblées.
Cette révolution dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires devra nécessairement passer
par une remise en question des concepts actuels. On
peut en effet envisager que, à terme, le choix d’une
thérapie ciblée soit fait en fonction d’une somme
de paramètres incluant le profil clinique, immunologique, cytokinique et génétique des patients. ■
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