Prévention secondaire du cancer colorectal par l’alimentation

48 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014
EVIDENCE-BASED MEDICINE Nutrition
Il est parfaitement établi que le risque de cancer
est associé à l’alimentation. Ceci est vrai pour
de nombreux types de cancer, dont le cancer
colorectal (CCR). Ainsi, de très nombreuses études
épidémiologiques ont permis à l’Institut national du
cancer (INCa) et au Réseau national alimentation
cancer recherche (NACRe) [1], qui s’intéresse parti-
culièrement à ce sujet, de donner un certain nombre
de recommandations en la matière. Ainsi est-il établi
que la viande rouge, la charcuterie, l’alcool, la corpu-
lence et l’excès de graisse abdominale sont associés
à une augmentation du risque de CCR. Plusieurs
études démontrent également qu’une alimentation
riche en glucides complexes et l’hyperinsulinisme
sont associés à un risque plus élevé de cancer. À
l’inverse, la consommation de fruits et légumes et
l’activité physique sont associées à une diminution
signifi cative du risque de CCR.
Il est maintenant bien démontré qu’après un cancer
du sein, une intervention qui vise à favoriser l’activité
physique, à réduire la consommation de matières
grasses et limiter la prise de poids permet de réduire
le risque de récidive et améliore la survie (3).
La survie à 5 ans des malades atteints de CCR est
environ de 45 %. Des facteurs liés à l’évolution de la
tumeur au moment du diagnostic, aux traitements
mis en place et à l’âge des patients sont bien entendu
associés au pronostic. On peut légitimement se
poser la question du rôle du type d’alimentation
dans le pronostic du CCR. Avec en arrière-plan la
question de savoir si, comme au cours du cancer du
sein, une intervention nutritionnelle pourrait réduire
le risque de récidive et de mortalité.
Plusieurs études ont cherché à associer la consom-
mation de tel ou tel nutriment au risque de réci-
dive ou de décès après un CCR. Les résultats
sont globalement décevants, et il est difficile
de tirer des conclusions pratiques de ces études
qui cherchent à individualiser le rôle protecteur
ou aggravant des nutriments. Il a cependant
pu être montré que les sujets qui consomment
le plus d’alcool ont un risque de récidive plus
important que les malades qui en boivent peu.
De même, les patients qui ont un taux prédit
de vitamine D élevé et ceux qui ont des taux de
folates sériques plus importants ont un risque
plus faible de récidive (2). Indiscutablement, c’est
l’étude de J.A. Meyerhardt et al. (4) qui semble la
plus convaincante. Les habitudes alimentaires de
1 009 patients porteurs d’un cancer du côlon de
stade 3 qui recevaient une chimiothérapie adju-
vante ont été relevées pendant la chimiothérapie
et 6 mois après. Les patients ont été séparés
en 5 groupes en fonction de degrés croissants
Prévention secondaire du cancer
colorectal par l’alimentation
Xavier Hébuterne, Nice.
Chez les patients porteurs d’un cancer colorectal, une alimentation riche
en produits gras, sucrés, en viande rouge et en alcool est associée à un
risque plus élevé de récidive et de décès.
Chez ces mêmes patients, une alimentation riche en fruits et légumes,
en poisson et en volaille n’est pas associée à un risque plus faible de
récidive ou de décès.
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
3
Tableau. Risque relatif de décès (et IC
95
) ou de récidive d’un cancer du côlon de stade 3 en fonction du quintile d’alimen-
tation de type occidental.
Quintile 2 3 4 5 p
Récidive du cancer
ou décès
0,98
(0,68-1,43)
1,51
(1,05-2,17)
1,64
(1,09-2,46)
3,25
(2,04-5,19)
< 0,01
Récidive du cancer 0,92
(0,63-1,36)
1,42
(0,98-2,07)
1,44
(0,94-2,19)
2,85
(1,75-4,63)
< 0,01
Décès (toutes causes) 0,74
(0,48-1,17)
1,38
(0,90-2,11)
1,66 (1,04-2,65) 2,32
(1,36-3,96)
< 0,01
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EVIDENCE-BASED MEDICINE
Nutrition
de consommation d’une alimentation de type
occidental (viande, graisses, fritures, sucreries
et boissons sucrées, bières, spiritueux, etc.). Il a
été fait de même pour la consommation d’une
alimentation de type prudent (fruits, légumes,
poisson, volaille, vin rouge, etc.). Durant le suivi
de 5,3 ans, 324 malades ont présenté une récidive
du cancer, 223 en sont décédés et 28 autres sont
décédés sans récidive du cancer. Il existait une
relation significative entre l’alimentation de type
occidental et les risques de récidive et de décès
(tableau). À l’inverse, aucune association n’a été
retrouvée avec l’alimentation prudente.
Dans une autre étude réalisée à partir de la même
cohorte, les auteurs ont démontré que l’apport d’ali-
ments sucrés était associé également à une augmen-
tation du risque aussi bien chez les patients qui, par
ailleurs, avaient des habitudes alimentaires de type
occidental ou prudent (fi gure) [5].
Aucune étude interventionnelle concernant la prise
en charge diététique chez les patients porteurs
d’un cancer du côlon n’a à ce jour été publiée, mais
plusieurs études, dont les résultats sont attendus
avec impatience, sont en cours.
Références bibliographiques
1. Réseau national alimentation cancer recherche : http://www6.
inra.fr/nacre
2. Lofano K, Principi M, Scavo MP et al. Dietary lifestyle and
colorectal cancer onset, recurrence, and survival: myth or reality?
J Gastrointest Cancer 2013;44(1):1-11.
3. Pierce JP, Natarajan L, Caan BJ et al. Infl uence of a diet very high
in vegetables, fruit, and fi ber and low in fat on prognosis following
treatment for breast cancer: the Women’s Healthy Eating and
Living (WHEL) randomized trial. JAMA 2007;298(3):289-98.
4. Meyerhardt JA, Niedzwiecki D, Hollis D et al. Association of
dietary patterns with cancer recurrence and survival in patients
with stage III colon cancer. JAMA 2007;298:754-64.
5. Meyerhardt JA, Sato K, Niedzwiecki D et al. Dietary glycemic
load and cancer recurrence and survival in patients with stage
III colon cancer: fi ndings from CALGB 89803. J Natl Cancer Inst
2012;104(22):1702-11.
Question non résolue
» Une modifi cation de l’alimentation chez les malades porteurs d’un cancer
colorectal permet-elle de réduire le risque de récidive et de décès ?
Risque relatif
0
2Apport glucidique (quintiles)
> Médiane
Alimentation occidentale
0,5
1
1,5
21 3 4 5
< Médiane
Figure. Risque relatif de décès (IC95) ou de récidive d’un cancer du côlon de stade 3 en
fonction du quintile de charge glucidique chez les patients au-dessus et au-dessous de
la médiane d’alimentation de type occidental.
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