V ocabulaire Récidive D e nombreux mots ont une double carrière. C’est le cas de récidiver et de récidive. Le début en ré(ou re-) nous annonce une re-prise, une ré-pétition : avec la récidive, ça re-commence. Mais la suite est devenue obscure, alors que le mot latin auquel récidive est pris, pour un Romain, venait clairement de cadere, “tomber”, modifié dans recidere. E n fait, récidive est un jumeau savant du mot populaire rechute. D’où la sélection qu’il fait dans ce qui recommence : une chose nuisible, désagréable, pénible. Le bonheur et le plaisir ne “récidivent” pas ; ils peuvent revenir, reprendre, et c’est rare. Tandis que la maladie, les ennuis, les malfaisants peuvent récidiver. C ’est dans un domaine où l’on parlait encore latin qu’apparaît le mot français : la médecine. Et c’est précisément un savant qui préférait s’exprimer en français qui le fait exister : Ambroise Paré. La récidive est pour lui la réapparition des symptômes d’un mal qu’on croyait guéri : l’ennemi détestable du médecin et de sa médecine. Le retour de cet ennemi qu’on pensait avoir vaincu ; la contre-attaque, car la médecine est un combat, avec ses tactiques et ses stratégies. A mbroise Paré écrivait vers 1560. Depuis un siècle, on connaissait le verbe récidiver, à la fois pour une maladie qui réapparaît et, en droit pénal, pour un coupable ou un pécheur – car la religion est alors omniprésente – qui “remet ça”, dirions-nous aujourd’hui, et “réitère” (de iterare “marcher, avancer”). L’ordre d’apparition de ces deux emplois importe peu ; dix ans à peine les séparent, au XVe siècle. Même chose pour récidive, au XVIe siècle. B ien qu’il s’agisse d’un mal, il n’y a guère d’ambiguïté avec ces deux récidives. Mais on peut penser que, symboliquement, le mal qui revient en force est assimilé à un criminel, et que la justice se voit volontiers en médecin de la société. D e toutes façons, le jeu des dérivés fait le ménage : la maladie n’est pas récidi- viste, mais récidivante. Le langage adore brouiller les cartes, mais il s’emploie aussitôt à les trier. A. Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris 142 Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006