Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o 3 - juillet-août-septembre 2006
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Vocabulaire
Récidive
De nombreux mots ont une double
carrière. C’est le cas de récidiver
et de récidive. Le début en ré-
(ou re-) nous annonce une re-prise, une
ré-pétition : avec la récidive, ça re-com-
mence. Mais la suite est devenue obscure,
alors que le mot latin auquel récidive est
pris, pour un Romain, venait clairement
de cadere, “tomber”, modié dans recidere.
E
n fait, récidive est un jumeau savant du
mot populaire rechute. D’où la sélection
qu’il fait dans ce qui recommence : une
chose nuisible, désagréable, pénible. Le
bonheur et le plaisir ne “récidivent” pas ;
ils peuvent revenir, reprendre, et c’est rare.
Tandis que la maladie, les ennuis, les mal-
faisants peuvent récidiver.
C ’est dans un domaine où l’on parlait
encore latin qu’apparaît le mot français :
la médecine. Et c’est précisément un savant
qui préférait s’exprimer en français qui le fait exister : Ambroise Paré. La réci-
dive est pour lui la réapparition des symptômes d’un mal qu’on croyait guéri :
l’ennemi détestable du médecin et de sa médecine. Le retour de cet ennemi
qu’on pensait avoir vaincu ; la contre-attaque, car la médecine est un combat, avec
ses tactiques et ses stratégies.
Ambroise Paré écrivait vers 1560. Depuis un siècle, on connaissait le verbe
récidiver, à la fois pour une maladie qui réapparaît et, en droit pénal, pour un
coupable ou un pécheur – car la religion est alors omniprésente – qui “remet ça”,
dirions-nous aujourd’hui, et “réitère” (de iterare “marcher, avancer”). L’ordre
d’apparition de ces deux emplois importe peu ; dix ans à peine les séparent, au
XVe siècle. Même chose pour récidive, au XVIe siècle.
Bien qu’il s’agisse d’un mal, il n’y a guère d’ambiguïté avec ces deux récidives.
Mais on peut penser que, symboliquement, le mal qui revient en force est assimilé
à un criminel, et que la justice se voit volontiers en médecin de la société.
De toutes façons, le jeu des dérivés fait le ménage : la maladie n’est pas récidi-
viste, mais récidivante. Le langage adore brouiller les cartes, mais il s’emploie
aussitôt à les trier.
A. Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris