La Lettre du Cardiologue • n° 456 - juin 2012 | 19
Points forts
»L’enjeu principal du traitement par statines en 2012 est l’observance ; en effet, 1patient sur 2 qui a eu une
prescription de statine a arrêté le traitement au bout de 1an. Ce problème majeur n’est pas spécifique aux
statines : on le retrouve avec d’autres thérapeutiques de prévention.
»
La peur des effets indésirables (surmédiatisés) joue un rôle dans cette inobservance. Nous rapportons ici
3groupes de publications qui permettent de conclure que :
– les statines, même après 11ans, ne favorisent pas le cancer. Cette absence d’effet confirme les résultats des
précédentes méta-analyses, qui évaluaient l’effet sur 5ans ;
– les statines favorisent en revanche les douleurs musculaires. Une démarche bien construite doit aider le
clinicien à rester à l’écoute des plaintes pour proposer un changement thérapeutique, et finalement contribuer
à une bonne observance ;
– les statines augmentent le risque de diabète. Cet effet biologique ne modifie en rien notre pratique, compte
tenu du rapport bénéfice/risque de ce type de traitement.
Mots-clés
Effets indésirables
Statine
Myopathie
Diabète
Cancer
Highlights
»
The main challenge with
statin treatment is to improve
long term compliance. Up to
one patient out of two has
stopped statin treatment
after one year. Although the
same compliance problem is
observed with other preven-
tive strategies, the fear of side
effects might play a signifi cant
role.
»
Recent publications demon-
strated that long term follow-
up in the HPS trial was not
associated with any increase
in cancer incidence. This inter-
esting result confi rms earlier
meta-analyses. Over a fi ve-year
period, these meta-analyses
were not able to show any
increase in cancer incidence
or mortality.
»
It is well established that
statin treatment is associated
with myopathy in a signifi cant
percentage of patients. Careful
clinical work-up including
good patient-doctor relation-
ship should help manage the
possible side effects and main-
tain an adequate long-term
compliance.
»
Finally, statin treatment is
associated with an increased
risk of diabetes mellitus.
Although recently described,
such effects did not change
recent guidelines based on the
risk benefi t of statin treatment.
Keywords
Side effects
Statin
Myopathy
Diabetes mellitus
Cancer
Douleurs musculaires
L’utilisation d’une statine, quand le LDL-cholestérol
(LDL-c) est élevé et quand le risque CV le justifi e,
est indispensable, car le rapport bénéfi ce/risque
est considéré comme excellent. Les méta-analyses
des études comparant une statine avec un placebo
ont montré une baisse signifi cative de la morbidité
et de la mortalité CV directement en relation avec
le LDL-c (2). En pratique quotidienne, la principale
diffi culté rencontrée dans l’utilisation des statines
est liée à la possibilité d’effets indésirables muscu-
laires. Elle est due à une surmédiatisation du retrait
du marché de la cérivastatine à la suite de cas de
rhabdomyolyse, qui ont généré une crainte chez
les patients. On peut également incriminer la très
grande fréquence dans la population des douleurs
(musculaires, tendineuses ou autres), facilement
attribuées aux statines par les patients, et de l’ab-
sence de données permettant un diagnostic fi able
et certain de la responsabilité des statines dans
la douleur. Après 20 ans d’expérience, le nombre
d’études et de publications est tristement faible, et
contraste en tout cas avec les innombrables publi-
cations sur les très hypothétiques effets pléiotropes
non musculaires des statines. Cette situation joue
un rôle non négligeable dans les diffi cultés d’obser-
vance, responsables d’un surrisque pour le patient
qui aurait arrêté son traitement par statine et d’un
surcoût pour la société. Un facteur génétique a été
mis en évidence, qui joue un rôle important chez
les sujets sous simvastatine, mais sa recherche
n’est pas de pratique courante. La fréquence de ces
effets est très faible dans les études d’intervention
du fait de biais de sélection (patient sans antécédent,
avec peu de comorbidités), de déclaration (seuls
les effets notables sont répertoriés) ou de dessin
de l’étude (période de run-in permettant d’exclure
les patients avec effets indésirables). Cette faible
fréquence contraste avec la réalité quotidienne,
où, à l’inverse, la responsabilité des statines dans
les douleurs est probablement surestimée (3).
La conduite à tenir devant les douleurs a fait l’objet
d’un récent consensus d’experts (4).
Les effets indésirables musculaires sont classique-
ment classés en 4 catégories : la rhabdomyolyse,
totalement exceptionnelle (5 à 20 cas par million
de personnes traitées ; 1 cas sur 10 est mortel) [5] ;
la myosite (douleur musculaire et créatine phospho-
kinase [CPK] élevée) ; les douleurs isolées ; l’éléva-
tion isolée des CPK. Le terme “myopathie” regroupe
l’ensemble des effets indésirables musculaires.
Caractéristiques des douleurs
Parmi les caractéristiques des douleurs, on peut
noter que :
➤
elles sont dose-dépendantes. Chez certains
patients, des doses plus faibles que celles prescrites
habituellement en début de traitement sont parfois
bien tolérées (atorvastatine 10 mg 1 jour sur 2 et
rosuvastatine 5 mg 1 jour sur 2, voire moins) ;
➤
elles ont une sémiologie particulière. L’expérience
clinique montre que la sémiologie des douleurs
rassemble le plus souvent les caractéristiques
suivantes (6) :
–
il existe un lien chronologique (début dans les
2 mois qui suivent l'instauration du traitement et
arrêt, ou amélioration dans les semaines qui suivent
l’arrêt du traitement),
–
on retrouve des symptômes associant le plus
souvent courbatures, crampes ou fatigabilité,
–
ainsi que des symptômes, sinon diffus, du moins
bilatéraux, touchant plus volontiers les gros
muscles.
Surveillance et prise en charge
préventive
Dans la surveillance et la prise en charge préventive,
on peut proposer 3 recommandations :
➤
la surveillance du traitement comprend un
dosage des CPK chez les sujets qui sont à risque ou
qui présentent des symptômes musculaires. Il n’est
donc pas nécessaire de doser les CPK chez un patient
sans symptôme. Il n’est pas non plus justifi é de doser
les CPK avant la mise sous traitement en l’absence
d’antécédent de pathologie musculaire. Il est néces-
saire d’effectuer un dosage des CPK avant et sous
traitement dans les situations à risque suivantes :
– insuffi sance rénale,
– hypothyroïdie,