I N F O R M A T I O N S Vers un changement de stratégie thérapeutique face à l’hypercholestérolémie E n 1977, le premier rapport du JNC (Joint National Committee) sur la détection, l’évaluation et la prise en charge de l’HTA recommandait en première intention une monothérapie par les diurétiques thiazidiques, au besoin à doses élevées. Par la suite, les guidelines ont évolué pour autoriser le recours à d’autres antihypertenseurs comme alternative aux diurétiques mais, jusqu’en 1993, les monothérapies sont restées l’approche thérapeutique privilégiée. Il fallu attendre le sixième rapport du JNC, en 1997, pour que les associations d’antihypertenseurs à faibles doses deviennent une option reconnue. L’étape suivante sera, avec le septième rapport, la consécration de la bithérapie dans le traitement de première intention de l’hypertension artérielle. Cette évolution a été intimement liée à l’adoption de nouveaux objectifs thérapeutiques, et donc à la nécessité d’un contrôle plus rigoureux des chiffres tensionnels. Or un tel abaissement des chiffres tensionnels est souvent inaccessible aux monothérapies, même lorsque des doses élevées sont utilisées. En effet, à ces posologies, l’effet bénéfique du médicament tendait à s’émousser alors que les effets indésirables prenaient le dessus. Ainsi, le fait de quadrupler la dose quotidienne d’hydrochlorothiazide (de 25 mg en une prise à 100 mg en deux prises) n’entraîne qu’une baisse modeste des chiffres tensionnels, tandis que la fréquence des troubles hydroélectrolytiques (hypokaliémie et hypomagnésémie) augmente de façon très significative. Depuis 1997, les associations médicamenteuses fondées sur le principe de mécanismes d’action différents, complémentaires, synergiques et/ou additifs ont permis l’utilisation de doses plus faibles pour chacun des composants de l’association. C’est ainsi que les bithérapies ont obtenu une place de choix dans le traitement de l’hypertension artérielle, en permettant à la fois d’augmenter l’efficacité antihypertensive et d’améliorer la tolérance. OÙ EN EST-ON DANS LA PRISE EN CHARGE DES HYPERCHOLESTÉROLÉMIES ? En matière d’hypercholestérolémie, une évolution similaire se dessine. Les objectifs thérapeutiques définis dans le NCEP (National Cholesterol Education Program) et les sociétés savantes de cardiologie européenne et française se sont durcis au fil du temps pour aboutir à des indications qui reposent sur une stratification de plus en plus précise du risque cardiovasculaire. Les taux de LDL-c justifiant un traitement par les hypolipémiants ont ainsi été revus à la baisse des deux côtés de l’Atlantique. Dès lors que le risque cardiovasculaire est jugé élevé, le seuil d’intervention, qui représente en pratique l’objectif thérapeutique, est ainsi fixé aujourd’hui à < 130 mg/dl de LDL-c en France, à < 115 mg/dl en Europe et à < 100 mg/dl aux États-Unis. La Lettre du Cardiologue - n° 367 - septembre 2003 Pour atteindre ces objectifs, les statines sont actuellement les médicaments de première intention ; elles sont généralement utilisées en monothérapie. Mais, à l’instar de la prise en charge de l’hypertension artérielle, cette stratégie du médicament unique entraîne un décalage entre les objectifs affichés dans les recommandations et les résultats obtenus dans la pratique courante. En effet, face à des taux plasmatiques de LDL-c qui restent élevés, la courbe doseréponse des statines est relativement plate : en doublant la posologie de ces molécules, la baisse complémentaire du LDL-c n’est que de 6 à 7 %, au prix d’une nette majoration des effets indésirables, tant hépatiques que musculaires. Il semble donc logique de développer des associations médicamenteuses, a fortiori si elles reposent sur des médicaments qui ont des mécanismes d’action complémentaires. L’ezetimibe (Ezetrol), premier inhibiteur sélectif de l’absorption intestinale du cholestérol, agit en bloquant le passage actif du cholestérol intestinal (biliaire et alimentaire) à travers la paroi intestinale. Ce médicament, qui vient de recevoir son autorisation de mise sur le marché européenne, sera mis à la disposition des praticiens français dans les mois qui viennent. L’association d’ezetimibe à une statine semble constituer une stratégie thérapeutique pertinente. Cette association (ezetimibe + statine) permet d’opposer à l’hypercholestérolémie une double inhibition pharmacologique dont la résultante est une baisse supplémentaire du LDL-c d’environ 18 % (Davidson M et al. Ezetimibe coadministered with simvastatin in patients with primary hypercholesterolemia. J Am Coll Cardiol 2002 ; 40 : 2125-34.). Grâce à cette association, le métabolisme du cholestérol est abordé par ses deux sources essentielles : la synthèse hépatique et l’absorption intestinale. Cette double inhibition des deux sources du cholestérol permettra d’éviter le recours à des doses plus fortes de statines, avec, en corollaire, un bénéfice sur la tolérance et l’observance. Ce nouveau médicament devrait donc avoir deux indications privilégiées dans le traitement des hypercholestérolémies modérées ou sévères : – en coadministration avec les statines chez les patients qui ne sont pas contrôlés de façon appropriée par une statine seule ; – en monothérapie en cas d’intolérance aux statines et chez les patients pour lesquels un traitement par statine est considéré comme inapproprié. C. Watkins Bibliographie ❏ Ballantyne CM. Evolving concepts and a new approach for management of hyperlipemia. Eur Heart J 2002 ; 4 (suppl. J) : J1-J3. 17