ÉDITORIAL Étude SYNTAX : montagne ou souris ? SYNTAX study: moutain ou mouse? J.P. Metzger* D’ emblée, l’étude (1) est impressionnante. Par l’ambition de l’objectif : réaliser une étude de noninfériorité comparant un stent actif, le Taxus®, et le pontage coronaire dans la “chasse gardée” de celui-ci : la sténose du tronc commun et/ou l’athérome tritronculaire ; par l’ampleur de l’effectif : randomisation de 1 800 patients déclarés aptes à bénéficier de l’une ou l’autre technique après consensus médico-chirurgical ; par le nombre de centres d’excellence impliqués (85, dont 23 aux États-Unis et 62 en Europe) ; enfin, par le recours original à une échelle de sévérité angiographique, dit “score SYNTAX”, définissant trois terciles de gravité croissante (scores de moins de 22, de 23 à 32 et de plus de 33). Pour finir, elle impressionne par la qualité de la revascularisation effectuée : 4,4 anastomoses par patient ponté, 4,6 stents posés par patient dilaté – soit, pour le tiers de l’effectif, plus de 100 mm de longueur de stent/patient. Vingt-trois pour cent d’occlusions chroniques et 78 % de lésions de bifurcation achèvent de témoigner de la gravité des lésions traitées. Aussi, au regard de l’importance de l’étude, les résultats observés semblent décevants. Car, s’agissant du critère primaire, critère composite (décès, infarctus, nouvelle revascularisation, accident vasculaire cérébral), l’objectif de noninfériorité n’est pas atteint par le stent actif. À 12 mois, les chiffres de ce critère sont respectivement de 12,4 % dans le groupe pontage (849 patients) et de 17,8 % dans le groupe Taxus® (900 patients). Cette différence est significative (p = 0,002). Elle est imputable à une plus grande fréquence de réintervention (13,5 versus 9 %) dans le groupe Taxus®, ce qui n’est pas surprenant. En revanche, on observe dans le groupe interventionnel une durée d’hospitalisation plus courte (3,4 versus 2,5 jours) et une incidence plus faible d’accidents vasculaires cérébraux (0,6 % versus 2,2 % ; p < 0,003). Or, ne savait-on pas déjà d’expérience que les cas les plus graves – occlusion chronique de la coronaire droite associée à une sténose proximale de l’interventriculaire antérieure, * Département de cardiologie médicale, institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 4 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010 lésions longues ou en série, calcifications coronaires majeures – relevaient plutôt de la chirurgie et que le talon d’Achille de la revascularisation percutanée, même avec le stent actif, était dans la nécessité de répéter la procédure interventionnelle plus fréquemment à moyen terme ? Fallait-il mobiliser tant de moyens pour obtenir un résultat aussi mince et finalement aussi attendu ? La montagne méthodologique n’a-t-elle pas accouché d’une souris clinique ? Nous pensons que cette relative déception doit être dépassée. La masse d’informations fournie par l’étude SYNTAX est en effet considérable. Son principal apport est de fournir la preuve que la sténose du tronc commun et l’athérome tritronculaire, ultime étape de l’athérome coronaire, ne constituent pas une entité monolithique. Car les résultats des deux techniques de revascularisation conduisent à diviser cette entité en sous-groupes anatomiques distincts relevant plutôt de l’une ou de l’autre méthode. Et le score SYNTAX proposé dans l’étude va s’avérer très utile pour orienter le choix de l’une ou l’autre technique. Quels sont en effet les résultats observés à 12 mois dans les différents sous-groupes ? Et quelles conclusions tirer de ces résultats ? Pour les sténoses du tronc commun (39 % des patients), l’incidence cumulée à 12 mois des événements cardiaques et neurologiques majeurs est comparable avec le Taxus® et avec le pontage (13,7 versus 15,8 %). L’excès de nouvelle revascularisation observé avec l’endoprothèse (11,8 versus 6,5 %) est en effet compensé par la réduction des accidents vasculaires cérébraux (0,3 versus 2,7 %). L’athérome tritronculaire se distingue de la sténose du tronc commun par la présentation clinique et par l’évolution après revascularisation : fréquence plus élevée du diabète, des antécédents d’infarctus, des lésions angiographiques graves (bifurcations ou lésions chroniques, longues lésions) ; mortalité à 1 an non différente quelles que soient les modalités de revascularisation (8 versus 6,6 %), mais répétition de l’in- ÉDITORIAL tervention plus souvent nécessaire avec le Taxus® qu’avec la chirurgie (4,6 versus 11,5 % ; p < 0,001) ; et surtout, et c’est là la donnée essentielle, la somme des événements neurologiques et cardiaques majeurs convainc de la supériorité de la chirurgie (19,2 versus 11,5 %) dans ce sous-groupe aux lésions les plus sévères. L’emploi du score SYNTAX amène à différencier les chiffres du critère principal (décès, infarctus, nouvelle revascularisation, accident vasculaire cérébral) dans chacun des trois terciles en fonction de la technique employée, pontage ou angioplastie. Ces chiffres sont, respectivement, pour le tercile 1 (score de 0 à 22) de 14,7 versus 13,6 %, pour le tercile 2 (score de 22 à 32) de 12 versus 16,7 % et pour le tercile 3 (score supérieur à 33) de 10,9 versus 23,4 %. Ils montrent donc après le pontage l’indépendance des résultats vis-à-vis de la sévérité des lésions : les patients les plus gravement atteints, après pontage, vont aussi bien que ceux qui sont moins touchés anatomiquement. À l’inverse, pour le stent, les résultats sont directement conditionnés par cette sévérité, l’évolution étant moins bonne avec l’endoprothèse dans le contexte des lésions les plus sévères. En définitive, l’étude SYNTAX constitue une étape importante dans la confrontation opposant depuis trente ans chirurgie coronaire et revascularisation percutanée. Dans un contexte anatomique où le pontage s’imposait sans concurrence, l’étude valide, grâce au stent actif, le recours à l’endoprothèse pour le traitement de la sténose du tronc commun isolée ou associée à un athérome monotronculaire. Elle souligne l’efficacité des pontages artériels, qui, fait remarquable, affranchissent le pronostic postopératoire de la sévérité anatomique des lésions. La place de la chirurgie coronaire dans l’athérome tritronculaire n’est pas remise en cause. Mais l’état général ou les conséquences potentielles de la thoracotomie plaideront pour la technique percutanée, moins agressive. L’éventualité d’une nouvelle séance de revascularisation percutanée sera alors acceptée en connaissance de cause, une fois l’information communiquée au patient. L’étude SYNTAX a enfin le mérite de proposer et de valider un score permettant d’affiner le choix entre les deux techniques. Elle permet donc, dans un contexte de gravité anatomo-radiologique extrême, d’opter pour des modalités de revascularisation myocardique fondées sur une approche moins subjective, dans une démarche relevant de l’evidence-based medicine.■ Référence bibliographique 1. Serruys PW, Morice MC, Kappetein AP et al., for the SYNTAX Investigators. Percutaneous coronary intervention versus coronary-artery bypass grafting for severe coronary artery disease. N Engl J Med 2009;360:961-72. Services Internet www.edimark.fr 1 abonnement papier = plus de 20 revues accessibles (10 ans d’archive) Copyright gracieux Comptes-rendus de congrès internationaux en temps réel envoyés sur votre e-mail (sur simple demande) Vidéos en ligne…