4 | La Lettre du Cardiologue • n° 432 - février 2010
ÉDITORIAL
Étude SYNTAX : montagne ou souris ?
SYNTAX study: moutain ou mouse?
J.P. Metzger*
* Département de cardiologie médicale, institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpê-
trière, Paris.
D’
emblée, l’étude (1) est impressionnante. Par l’am-
bition de l’objectif : réaliser une étude de non-
infériorité comparant un stent actif, le Taxus
®
, et
le pontage coronaire dans la “chasse gardée” de celui-ci : la
sténose du tronc commun et/ou l’athérome tritronculaire ;
par l’ampleur de l’effectif : randomisation de 1 800 patients
déclarés aptes à bénéficier de l’une ou l’autre technique après
consensus médico-chirurgical ; par le nombre de centres
d’excellence impliqués (85, dont 23 aux États-Unis et 62 en
Europe) ; enfin, par le recours original à une échelle de sévérité
angiographique, dit “score SYNTAX”, définissant trois terciles
de gravité croissante (scores de moins de 22, de 23 à 32 et
de plus de 33). Pour finir, elle impressionne par la qualité de
la revascularisation effectuée : 4,4 anastomoses par patient
ponté, 4,6 stents posés par patient dilaté – soit, pour le tiers
de l’effectif, plus de 100 mm de longueur de stent/patient.
Vingt-trois pour cent d’occlusions chroniques et 78 % de
lésions de bifurcation achèvent de témoigner de la gravité
des lésions traitées.
Aussi, au regard de l’importance de l’étude, les résultats
observés semblent décevants. Car, s’agissant du critère
primaire, critère composite (décès, infarctus, nouvelle revas-
cularisation, accident vasculaire cérébral), l’objectif de non-
infériorité n’est pas atteint par le stent actif. À 12 mois, les
chiffres de ce critère sont respectivement de 12,4 % dans le
groupe pontage (849 patients) et de 17,8 % dans le groupe
Taxus
®
(900 patients). Cette différence est significative
(p = 0,002). Elle est imputable à une plus grande fréquence
de réintervention (13,5 versus 9 %) dans le groupe Taxus®,
ce qui n’est pas surprenant. En revanche, on observe dans
le groupe interventionnel une durée d’hospitalisation plus
courte (3,4 versus 2,5 jours) et une incidence plus faible d’ac-
cidents vasculaires cérébraux (0,6 % versus 2,2 % ; p < 0,003).
Or, ne savait-on pas déjà d’expérience que les cas les plus
graves – occlusion chronique de la coronaire droite associée
à une sténose proximale de l’interventriculaire antérieure,
lésions longues ou en série, calcifications coronaires majeures
– relevaient plutôt de la chirurgie et que le talon d’Achille de la
revascularisation percutanée, même avec le stent actif, était
dans la nécessité de répéter la procédure interventionnelle
plus fréquemment à moyen terme ? Fallait-il mobiliser tant
de moyens pour obtenir un résultat aussi mince et finalement
aussi attendu ? La montagne méthodologique n’a-t-elle pas
accouché d’une souris clinique ? Nous pensons que cette
relative déception doit être dépassée.
La masse d’informations fournie par l’étude SYNTAX est
en effet considérable. Son principal apport est de fournir la
preuve que la sténose du tronc commun et l’athérome tritron-
culaire, ultime étape de l’athérome coronaire, ne constituent
pas une entité monolithique. Car les résultats des deux tech-
niques de revascularisation conduisent à diviser cette entité
en sous-groupes anatomiques distincts relevant plutôt de
l’une ou de l’autre méthode. Et le score SYNTAX proposé
dans l’étude va s’avérer très utile pour orienter le choix de
l’une ou l’autre technique.
Quels sont en effet les résultats observés à 12 mois dans les
différents sous-groupes ? Et quelles conclusions tirer de ces
résultats ?
Pour les sténoses du tronc commun (39 % des patients),
l’incidence cumulée à 12 mois des événements cardiaques
et neurologiques majeurs est comparable avec le Taxus
®
et
avec le pontage (13,7 versus 15,8 %). L’excès de nouvelle
revascularisation observé avec l’endoprothèse (11,8 versus
6,5 %) est en effet compensé par la réduction des accidents
vasculaires cérébraux (0,3 versus 2,7 %).
L’athérome tritronculaire se distingue de la sténose du tronc
commun par la présentation clinique et par l’évolution après
revascularisation : fréquence plus élevée du diabète, des
antécédents d’infarctus, des lésions angiographiques graves
(bifurcations ou lésions chroniques, longues lésions) ; morta-
lité à 1 an non différente quelles que soient les modalités de
revascularisation (8 versus 6,6 %), mais répétition de l’in-