4 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 436 - juin 2010
ÉDITORIAL
Profil lipidique et risque cardiovasculaire :
quand et comment le mesurer ?
Lipid profile and cardiovascular risk: how and when this evaluation has to be done?
J. Ferrières*
*Service de cardiologie B, CHU de Rangueil, Toulouse.
D
ans le domaine des pathologies cardiovasculaires,
la fin des années 1990 et le début des années 2000
resteront marqués par le risque lié aux lipides.
L’hyper tension artérielle et le tabagisme avaient annoncé
l’ouverture du bal, mais c’est dans le domaine des lipides
qu’il y a eu le plus d’essais thérapeutiques en un espace de
temps aussi court. Les extensions récentes des autorisations
de mise sur le marché des statines ont accentué encore la
nécessité de dépister et de mieux traiter le risque cardiovas-
culaire lié aux lipides. De manière très synthétique, l’ère des
statines a montré le rôle central du LDL-cholestérol dans
l’athérosclérose vasculaire. C’est ainsi que la prescription d’une
exploration d’une anomalie lipidique est devenue l’examen
biologique de référence pour apprécier le risque et choisir le
meilleur traitement.
Quelle est la meilleure période pour dépister ce risque cardio-
vasculaire lié aux lipides ? Cela dépend avant tout du type de
prévention cardiovasculaire considéré. En prévention primaire,
deux situations cliniques différentes sont rencontrées. Chez
l’enfant issu d’une famille de patients porteurs d’affection
cardiovasculaire précoce et chez lequel on a pu déterminer
des valeurs élevées de cholestérol, le dosage des fractions
lipidiques sera réalisé le plus tôt possible, dès l’âge de 8 ans.
Ce n’est pas forcément avant l’âge de la puberté que le traite-
ment par statines sera institué chez ces enfants à haut risque,
mais cela permettra de bien suivre l’évolution du risque chez
ces enfants et en particulier, de ne pas voir apparaître d’autres
facteurs que pourraient entraîner le tabagisme ou l’obésité.
Chez l’adulte en prévention primaire, le débat a longtemps
été vif sur la nécessité de réaliser un bilan biologique lipidique.
Aujourd’hui, la situation s’est apaisée et tout médecin est en
droit de demander, tous les 5 ans, un bilan biologique lipidique
chez un adulte sain. Bien évidemment, cette détermination
biologique sera réalisée plus fréquemment si d’autres facteurs
de risque majeurs survenaient.
Chez le patient porteur d’une affection cardiovasculaire, la
surveillance doit être plus rigoureuse et les bilans biologiques
doivent être réalisés beaucoup plus souvent. La question la
plus ardue est celle qui se pose aux cardiologues pratiquant
leur spécialité dans les soins intensifs. Après de longs débats
et de nombreuses publications (1), il est désormais admis que
l’on peut réaliser en urgence un bilan biologique non à jeun
chez des sujets admis pour syndrome coronaire aigu. Cette
détermination initiale permettra d’orienter rapidement le
traitement médicamenteux et, surtout, d’instituer un traite-
ment par statines dès les premières heures. Même si toutes
les études ne sont pas convergentes, il semble prouvé que
la prescription rapide de statines chez les patients porteurs
de syndromes coronaires aigus influence favorablement le
pronostic et, en particulier, la diminution des rechutes isché-
miques.
Malgré de nombreuses recommandations et une baisse
continue du risque cardiovasculaire dans les suites d’un
événement aigu, les événements récurrents sont toujours
présents. La chronicité de l’athérosclérose vasculaire est liée
à la physiopathologie de cette maladie, mais cela ne doit
pas pour autant nous faire baisser les bras. Face à un patient
vasculaire à haut risque, il faut bien sûr contrôler l’ensemble
des facteurs de risque, dont le LDL-cholestérol. Chez certains
patients dont le risque cardiovasculaire paraît particulière-
ment élevé et dont le contrôle des facteurs lipidiques semble
réalisé, il faudra penser au dosage de la lipoprotéine (a). Il
faut concevoir la lipoprotéine (a) comme une LDL encore
plus agressive, et sa détermination permettra d’intensifier
le traitement par les hypolipidémiants.
Plus récemment, la cardiologie préventive s’est intéressée
aux lipoprotéines liées aux triglycérides et aux HDL. Les
triglycérides restent un facteur de risque controversé (2).
Cependant, les remnants de VLDL et les lipoprotéines IDL
semblent associés à un risque cardiovasculaire signifi-
catif (3-4). De manière indépendante, les lipoprotéines HDL,
quand elles sont basses, influencent fortement le pronostic