Insuffisance cardiaque
ÉPIDÉMIOLOGIE
Prévalence de la dysfonction ventriculaire gauche diastolique
dans la population générale
L’étude a porté sur un groupe de 1 678 sujets âgés en moyenne
de 51 ± 14 ans. M. Fischer (Regensburg, 3856) a étudié la pré-
valence de la dysfonction diastolique dans une population géné-
rale provenant des registres MONICA en Allemagne. Le dia-
gnostic de dysfonction diastolique a été porté par échocardiographie
doppler. La prévalence globale a été de 11 %, avec une prépon-
dérance chez l’homme (13,8 versus 8,6 % ; p < 0,01). La préva-
lence varie selon l’âge et passe de 2,8 % avant 35 ans à 15,1 %
au-delà de 65 ans.
La dysfonction diastolique s’est avérée être associée à la pression
artérielle systolique et diastolique, l’index de masse corporelle,
la fréquence cardiaque, l’hématocrite et l’hypertrophie ventricu-
laire gauche. En analyse multivariée, ces facteurs ont été confir-
més comme des facteurs prédictifs indépendants puissants du
risque de développement de la dysfonction diastolique. En par-
ticulier, celle-ci a été observée chez 22,4 % des sujets avec hyper-
trophie ventriculaire gauche, 16,5 % des sujets avec hypertension,
13,8 % de ceux avec obésité, contre 3,9 % de ceux qui n’avaient
aucune de ces pathologies.
Cette étude démontre donc la forte prévalence de la dysfonction
diastolique dans une population générale, prévalence supérieure
à celle de la dysfonction systolique (2,3 %), et sa dépendance de
l’âge et d’un certain nombre de facteurs morbides.
Incidence et histoire naturelle de l’insuffisance cardiaque
L’incidence et l’histoire naturelle de l’insuffisance cardiaque sur
une période de 20 ans ont été étudiées en Écosse sur une popu-
lation de 15 406 sujets de sexe masculin ou féminin, âgés de 45 à
64 ans. Au cours du suivi, 1,7 % des hommes et 3,6 % des femmes
ont été hospitalisés au moins une fois pour insuffisance cardiaque.
Chez les hommes, le nombre des hospitalisations incidentes pour
insuffisance cardiaque s’est accru de 157 à 468 pour 100 000 per-
sonnes/année, chez ceux qui avaient initialement 45 à 49 ans et
60 à 64 ans respectivement. Chez les femmes, les chiffres équi-
valents sont de 96 et 390 pour 100 000 personnes/année.
Les facteurs prédictifs indépendants à l’état basal de l’hospitali-
sation pour insuffisance cardiaque ont été l’âge (RR : 1,08 pour
chaque année supplémentaire), le sexe masculin (RR : 1,52), les
antécédents de tabac (RR : 1,36), de douleur thoracique (RR :
1,35), d’accident vasculaire cérébral (RR : 2,92), de cardiomé-
galie (RR : 1,62), de bloc de branche gauche (RR : 2,18), de fibril-
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 351 - janvier 2002
12
INSUFFISANCE CARDIAQUE
M. Komajda*, P. Lechat**
L’étude REMATCH a comparé, sur 129 patients insuf-
fisants cardiaques sévères ne pouvant bénéficier d’une
transplantation cardiaque, le bénéfice d’un système
d’assistance ventriculaire permanent, Thoratec Heart
Mate celui d’un traitement “optimal”.
Le système d’assistance permanent entraîne une amélio-
ration significative de la survie à un et deux ans (53 % et
23 % sous assistance contre 23 % et 8 % sous traitement
médical), au prix d’une augmentation des effets secon-
daires (hémorragies, infections, troubles neurologiques).
Ces résultats confirment l’intérêt des solutions alterna-
tives à la transplantation cardiaque chez des insuffisants
cardiaques particulièrement sévères qui ne peuvent
bénéficier de cette technique.
L’étude MIRACLE a confirmé l’intérêt de la resyn-
chronisation ventriculaire chez des insuffisants car-
diaques avec élargissement du QRS supérieur ou égal à
130 ms. Cinq cent vingt-quatre patients ont été suivis à
six mois. On observe une amélioration de la qualité de
vie, du périmètre de marche de six minutes, de la classe
NYHA. Des sous-études démontrent en outre, sur des
effectifs plus limités, une amélioration des capacités à
l’effort étudiées par VO2et une diminution des dimen-
sions ventriculaires gauches.
Ces résultats confirment pleinement ceux présentés en
2000 à la Société européenne de cardiologie par l’étude
MUSTIC.
Points forts
*Service de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
** Service de pharmacologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
lation auriculaire (RR : 2,80), la pression artérielle systolique
(RR : 1,28 pour une augmentation de 10 mmHg), l’index de masse
(RR : 1,09 pour une augmentation de 5 kg/m2), l’hyperglycémie
(RR : 1,68) et la valeur ajustée de la fraction d’éjection ventri-
culaire gauche (RR : 1,33 pour une diminution de 10 %).
L’hospitalisation pour insuffisance cardiaque a été le premier évé-
nement rapporté dans plus de 50 % des cas, parmi les 44 %
d’hommes et 42 % de femmes qui ont présenté un autre événe-
ment cardiovasculaire précédant l’insuffisance cardiaque. L’in-
farctus du myocarde a représenté la cause la plus fréquente.
Globalement, la population hospitalisée pour insuffisance car-
diaque avait un risque de décès toutes causes multiplié par 2,5
(hommes) et par 3 (femmes) comparativement au reste de la
cohorte. Ces données, en concordance avec des rapports précé-
dents, confirment que l’incidence de l’hospitalisation pour insuf-
fisance cardiaque est élevée et augmente avec l’âge dans la popu-
lation générale.
Hung-Fat Se (Hong Kong, 2003) a étudié l’influence de la pré-
sence d’une fibrillation auriculaire sur le devenir clinique des
patients avec insuffisance cardiaque diastolique dans un groupe
de 162 patients et avec un suivi de un an.
L’insuffisance cardiaque diastolique était définie par une insuf-
fisance cardiaque symptomatique avec fraction d’éjection
supérieure à 50 %. La fibrillation auriculaire a été documen-
tée chez 105 patients (65 %), 30 % à l’état basal et 35 % durant
le suivi.
Il n’y a pas eu de différence chez les patients avec ou sans fibril-
lation auriculaire en ce qui concerne le décès, la survenue d’un
infarctus du myocarde, d’un angor instable, d’un accident vas-
culaire cérébral. Néanmoins, la survenue d’une fibrillation auri-
culaire a été associée à une augmentation du nombre d’hospita-
lisations et à un délai plus court de l’intervalle séparant deux
hospitalisations (2,8 ± 1,8 en cas de fibrillation auriculaire, contre
2 ± 1,4 en l’absence de fibrillation auriculaire ; p < 0,05).
FACTEURS GÉNÉTIQUES ET INSUFFISANCE CARDIAQUE
M.D. MacNamara (Pittsburgh, 2809) a étudié l’influence d’une
interaction pharmaco-génétique entre le polymorphisme du gène
de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et des doses élevées
d’inhibiteur de l’enzyme de conversion sur la survie chez l’in-
suffisant cardiaque.
Quatre cent trente patients souffrant d’une dysfonction systolique
ont été étudiés. Parmi eux, 95 % prenaient soit un inhibiteur de
l’enzyme de conversion soit un antagoniste des récepteurs de l’an-
giotensine, et 43 % prenaient en outre un traitement bêtabloquant.
Les patients ont été catégorisés en un groupe “faible dose” et un
groupe “forte dose” (inférieur ou égal, ou supérieur à 50 % de la
dose cible), et en un groupe qui recevait un antagoniste des récep-
teurs de l’angiotensine comme traitement primaire. La survie
indemne de transplantation a été étudiée selon le génotype du
polymorphisme d’insertion/délétion du gène codant l’enzyme de
conversion.
Pour l’ensemble de la population, l’allèle D a été associé à un
risque accru d’événements de décès ou de transplantation
(p = 0,04). Les effets du génotype sur les événements ont été plus
évidents chez les patients prenant une faible dose : le risque rela-
tif d’événement était 2,2 fois plus élevé chez les sujets DD que
chez les sujets II. Ce risque était de 1,84 pour les individus hété-
rozygotes (non significatif). Chez les patients recevant une forte
dose, l’effet du génotype de l’ACE sur les éléments était non signi-
ficatif, mais indiquait une forte réduction de l’effet favorable.
Ainsi, il semble que la dose d’inhibiteur de l’enzyme de conver-
sion soit un facteur important dans la modulation exercée par le
génotype de l’ACE et que de fortes doses soient capables de
réduire l’effet adverse induit par l’allèle D sur la survie indemne
de transplantation.
P. De Groote (Lille, 3124) a étudié la réponse au traitement
bêtabloqueur en fonction de deux polymorphismes du gène
codant les récepteurs bêta-1 adrénergiques, le SER49GLY et le
GLY389ARG.
Aucun de ces deux polymorphismes du récepteur bêta-1
adrénergique n’a influencé la réponse aux bêtabloquants en
termes de fraction d’éjection. Néanmoins, le polymorphisme
GLY389ARG influence la capacité à l’exercice sous bêtablo-
quant. Il s’agit donc d’une nouvelle démonstration du rôle fonc-
tionnel clinique du terrain génétique en réponse au traitement
bêtabloquant.
L.A. Postava (Pittsburgh, 9) a étudié l’influence d’un polymor-
phisme situé dans la partie promotrice du gène de l’aldostérone
synthase sur un groupe de 428 patients ayant une dysfonction
systolique. La présence de l’allèle variant de ce gène n’a pas eu
d’impact globalement sur la survie indemne de transplantation,
alors que l’allèle D du gène codant l’enzyme de conversion de
l’angiotensine est associé à une survie plus faible (p = 0,004).
Néanmoins, lorsque l’on regarde l’influence du génotype D de
l’ACE dans le sous-groupe de patients qui présentent le variant
génétique pour le gène de l’aldostérone synthase, l’effet délétère
est aggravé, avec un risque relatif de 1,91 pour les sujets DD par
rapport aux sujets II. Au contraire, chez les patients ne présen-
tant pas le variant du gène de l’aldostérone synthase, aucun effet
apparent du polymorphisme de l’ACE n’a été retrouvé sur la sur-
vie.
S.S. Dhamrait (Londres, 1) a étudié l’influence d’un nouveau
polymorphisme dans le gène du récepteur BK2 de la bradyki-
nine sur l’hypertrophie ventriculaire en réponse à l’exercice sur
une population de 109 recrues de l’armée. La masse cardiaque a
été étudiée par résonance magnétique nucléaire avant et après
10 semaines d’entraînement physique standard. Il n’y avait
aucune différence entre les différents sous-groupes génotypés
selon l’âge et la pression artérielle ou la masse cardiaque à l’état
basal. Les auteurs ont retrouvé que l’augmentation de la masse
ventriculaire gauche était dépendante du génotype et qu’en par-
ticulier les individus qui étaient homozygotes pour la présence
d’une répétition de 9 paires de base dans l’exon 1 du récepteur
B2 de la bradykinine avaient une augmentation de 8 ± 1,5 % de
la masse cardiaque, contre 2,7 ± 1,6 % pour ceux qui ne l’avaient
pas (p = 0,013).
Cette étude est la première montrant l’interaction gène-environ-
nement pour ce qui concerne les kinines dans la régulation de la
croissance de la masse cardiaque. Cela pourrait avoir des impli-
cations importantes pour la sélection des patients devant recevoir
un traitement destiné à réduire l’hypertrophie ventriculaire
gauche.
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 351 - janvier 2002
13
INSUFFISANCE CARDIAQUE
J. Erdmann (Regensburg, 4) a étudié l’influence d’un polymor-
phisme dans le type II des récepteurs de l’angiotensine II sur
une population normotendue de 266 individus âgés de 58 ± 4 ans.
Ces individus étaient descendants de patients présentant une
hypertrophie ventriculaire gauche (étude MONICA).
Il n’a pas été retrouvé d’association d’un polymorphisme
1675G/A du gène de l’AT II R avec l’épaisseur de la paroi ven-
triculaire gauche et l’index de masse. En revanche, chez les
91 sujets présentant une hypertension artérielle dans cette popu-
lation, il y avait une tendance à une association entre la masse
ventriculaire gauche et la présence du polymorphisme.
Dans une analyse de régression logistique multiple, l’association
de l’allèle A avec l’hypertrophie ventriculaire gauche a été démon-
trée avec un odds-ratio de 4. Ces résultats suggèrent donc un rôle
fonctionnel du gène codant le récepteur de type II de l’angioten-
sine dans la structure cardiaque et sa masse.
NEUROHORMONES ET MARQUEURS BIOLOGIQUES
M.M. Redfield (Rochester, 3109) a essayé de définir la normalité
du taux plasmatique de BNP (brain natriuretic peptide) à partir
d’une population générale sur un groupe de 2 042 patients. Les tech-
niques de dosage utilisées étaient celles de Biosite et de Shionog.
Un examen cardiovasculaire incluant une échocardiographie a per-
mis d’identifier les patients sans antécédent cardiovasculaire, sans
problème rénal ni pulmonaire et avec échographie normale.
La comparaison des deux méthodes dans cette population “nor-
male” montre que la valeur de BNP est supérieure avec la méthode
Shionog à celle obtenue par la méthode de Biosite. Le taux de
BNP est indépendamment associé à l’âge, au sexe féminin, à la
fréquence cardiaque et à la taille de l’oreillette gauche. Cette popu-
lation a permis de définir des critères de normalité tenant compte
du sexe et de l’âge pour les deux méthodes utilisées et sera donc
très utile dans le futur pour définir une valeur limite à partir de
laquelle le diagnostic d’insuffisance cardiaque est probable.
M. Yamaoka-Tojo (Sagamihara, 3110) a mesuré la concentra-
tion plasmatique d’une nouvelle interleukine IL-18 chez des
patients en insuffisance cardiaque. Cette interleukine a une action
pro-inflammatoire et pourrait jouer un rôle dans l’insuffisance
cardiaque. Le dosage a été pratiqué sur un groupe de 86 patients.
Le taux est plus élevé chez des patients de classe IV que chez des
patients de classes II et III. L’élévation est corrélée au taux de
protéine C réactive.
A.S. Maisel (San Diego, 2001) a étudié l’intérêt du dosage plas-
matique du BNP pour différencier une poussée d’insuffisance
cardiaque d’un syndrome de détresse respiratoire chez
l’adulte sur un groupe de 40 patients en insuffisance cardiaque et
36 patients avec syndrome de détresse respiratoire aiguë (ARDS).
La concentration plasmatique de BNP chez les patients en insuf-
fisance cardiaque était significativement plus élevée (922 ±
92 pg/ml) que chez les patients avec ARDS (301 ± 84 pg/ml,
p<0,001). Avec une valeur-seuil de 360 pg/ml, la sensibilité et
la spécificité étaient respectivement de 93 % et 83 %, avec une
bonne valeur prédictive négative (91 %) et positive (87 %).
Pour les auteurs, le BNP plasmatique permet ainsi de différen-
cier les poussées d’insuffisance cardiaque des syndromes de
détresse respiratoire chez l’adulte.
Élévation de la protéine C réactive chez les patients
en insuffisance cardiaque
M.P. Hudson (Detroit, 1745) a étudié les marqueurs de l’in-
flammation chez les patients en insuffisance cardiaque avec l’idée
que, comme dans les syndromes coronaires aigus, cette élévation
pourrait traduire un risque accru d’effet délétère.
Un groupe de 54 patients en insuffisance cardiaque ambulatoire
avec une fraction d’éjection inférieure à 35 % de classe II à IV a
été étudié en l’absence d’infarctus du myocarde ou d’angor
instable récent. Vingt pour cent des patients avaient une valeur
de CRP supérieure à la normale (0,8 mg/dl). Ce sous-groupe avait
une concentration de créatinine plasmatique et de troponine T
cardiaque plus élevée que les autres patients sans qu’il y ait de
différence de classe fonctionnelle NYHA, de fraction d’éjection
du ventricule gauche ou d’étiologie de l’insuffisance cardiaque.
Avec un suivi de 14 ± 4 mois, le risque de décès ou d’hospitali-
sation pour insuffisance cardiaque était significativement aug-
menté dans ce sous-groupe (RR : 2,1 ; p < 0,01).
Ainsi, l’élévation de la CRP dans une population d’insuffisants
cardiaques est associée à un risque accru de décès et d’hospita-
lisation pour cette pathologie. Ce paramètre devrait être étudié
sur une plus large population et à plus long terme.
FONCTION VASCULAIRE DANS L’INSUFFISANCE
CARDIAQUE
Dans une élégante étude, P.C. Colombo (New York, 1611) a étu-
dié chez 13 patients en insuffisance cardiaque décompensée et
6sujets normaux l’induction de la cyclo-oxygénase II et l’acti-
vation du facteur nucléaire Kappa B dans les cellules endothé-
liales par une technique de prélèvement in vivo par grattage de
l’intima des veines superficielles de l’avant-bras. Les cellules pro-
venant des sujets en insuffisance cardiaque avaient un taux de
translocation de NF Kappa B nucléaire plus important que les
sujets normaux, et avaient une augmentation de l’expression de
Cox-2.
Un traitement inotrope à court terme par 24 heures de dobuta-
mine ou 72 heures de milrinone a réduit significativement la trans-
location de NF Kappa B et l’expression de Cox-2.
Ces résultats intéressants suggèrent qu’une activation de l’endo-
thélium systémique vasculaire existe au cours de l’insuffisance
cardiaque. Dans la mesure où le facteur nucléaire NF Kappa B
induit l’expression de la cyclo-oxygénase II et où celle-ci est un
médiateur de la production de prostaglandines inflammatoires et
vasoconstrictives, cette activation pourrait jouer un rôle délétère
et d’auto-entretien dans l’insuffisance cardiaque.
L’équipe japonaise deY. Watanabe (Fukushima, 1614) a étudié
l’effet d’une administration orale de L-arginine, donneur de NO,
sur la fonction cardiaque dans un modèle expérimental d’insuf-
fisance cardiaque par stimulation.
Quatorze chiens ont été étudiés : 7 ont reçu une supplémenta-
tion en L-arginine (150 mg/kg/jour) et 7 un placebo. Dans le
groupe recevant la L-arginine, le taux d’ANP de noradrénaline
était moins élevé que dans le groupe témoin. Les résistances vas-
culaires coronaires et vasculaires systémiques étaient augmen-
tées dans le groupe témoin, mais non dans le groupe témoin traité
par L-arginine.
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 351 - janvier 2002
14
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Enfin, le flux sanguin coronaire et la réserve coronaire après admi-
nistration d’acétylcholine étaient préservés dans le groupe sous
L-arginine. Ces résultats expérimentaux suggèrent qu’une sup-
plémentation en L-arginine permet un maintien de la fonction
vasculaire périphérique et coronaire au cours de l’insuffisance
cardiaque, sans toutefois améliorer la progression de la dysfonc-
tion ventriculaire gauche et le phénomène de remodelage.
TRAITEMENT NON PHARMACOLOGIQUE
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Les résultats de l’étude REMATCH ont été présentés.
Cette étude a comparé le bénéfice de l’implantation d’un maté-
riel d’assistance ventriculaire gauche permanent (Thoratec Heart
Mate) chez 68 patients par rapport à un traitement optimal. Les
critères d’inclusion dans l’étude étaient une insuffisance cardiaque
de classe IV depuis au moins 90 jours et l’impossibilité d’envi-
sager une transplantation cardiaque.
Par ailleurs, il y avait des critères hémodynamiques de sévérité
tels que : fraction d’éjection inférieure ou égale à 25 %, index
cardiaque 2,2 l/mn/m2,pression capillaire pulmonaire
18 mmHg. La consommation optimale d’oxygène devait être
14 ml/kg/mn.
Soixante-huit patients ont bénéficié de l’implantation, contre 61
sous traitement médical optimal. Il y a une différence significa-
tive de survie à un an et à deux ans : 53 % et 23 % respective-
ment dans le groupe avec matériel d’assistance contre 23 % et
8% dans le groupe sous traitement médical.
Néanmoins, dans le groupe avec matériel d’assistance, il y a une
augmentation des effets secondaires sévères, notamment hémor-
ragies (odds-ratio x 9,47), troubles neurologiques (x 4,35), embo-
lies périphériques (x 2,29), infections (x 2,03).
La durée de survie moyenne a été de 408 jours dans le groupe
avec dispositif d’assistance, contre 150 jours dans le groupe sous
traitement médical. Le nombre de jours en dehors de l’hôpital
était de 340 versus 66.
À la suite de ces résultats intéressants, le Dr Rose (New York) a
conclu que l’implantation d’un dispositif d’assistance ventricu-
laire permanent chez des insuffisants cardiaques sévères ne pou-
vant bénéficier d’une transplantation sauverait 270 vies par année
pour 1 000 patients traités. À ce bénéfice pour la survie s’asso-
cient une diminution de la durée d’hospitalisation et une amélio-
ration de la qualité de vie. Le Dr Rose a conclu en disant qu’il y
avait cependant encore beaucoup d’effets secondaires liés à l’im-
plantation du dispositif.
P.J. MacCarthy (Cleveland, 1706) a présenté une série de
84 patients ayant eu un infarctus du myocarde antérieur et en insuf-
fisance cardiaque, qui ont bénéficié de la technique de recons-
truction ventriculaire gauche. Dans 89 % des cas, il y avait un
pontage associé, et 58 % avaient une réparation valvulaire mitrale.
La technique utilisée était voisine de la technique de Dor.
La survie à 30 jours a été de 100 %. Le taux de survie est de 90 %
à un an et de 83 % à deux ans. La fréquence des épisodes d’in-
suffisance cardiaque diminue également significativement à 76 %
à un an et 70 % à deux ans.
Les auteurs ont conclu que la reconstruction ventriculaire gauche
après infarctus du myocarde antérieur était une technique sûre,
efficace et qui améliore le confort de vie des patients ainsi que
leurs capacités fonctionnelles.
Une étude conduite par D. Mancini(New York, 2077) a testé l’in-
térêt de l’érythropoïétinesur la capacité à l’exercice des patients
en insuffisance cardiaque.
Les effets ont été étudiés chez 9 patients traités par traitement
conventionnel et 18 patients sous une dose de 5 000 à 10 000 uni-
tés d’érythropoïétine sous-cutanée associée à de l’acide folique.
Les patients devaient avoir un hématocrite inférieur à 35 % et une
créatininémie 25 mg/l.
Au terme de trois mois, l’érythropoïétine a augmenté la qualité
de vie évaluée par un questionnaire, le pic de VO2et le taux d’hé-
moglobine moyen ainsi que le test de marche de six minutes. Ces
résultats intéressants méritent bien entendu d’être confirmés sur
une plus grande série.
Resynchronisation ventriculaire
Plusieurs publications ont été consacrées à l’étude MIRACLE
sur la resynchronisation cardiaque :W.T. Abraham (Lexing-
ton, 2921) a présenté les données sur la qualité de vie et la durée
à l’exercice d’une série de 300 patients avec un recul de six mois.
Les critères d’inclusion étaient une fraction d’éjection 35 %,
une classe NYHA III, un diamètre télédiastolique 55 mm et une
durée de QRS 130 ms.
Les données ont été présentées sur les 524 premiers patients : il
existe une amélioration significative du périmètre de marche de
six minutes et de la classe fonctionnelle NYHA.
L.E. Wagoner (Cincinnati, 2919) a communiqué les données
concernant le pic de VO2et la durée d’exercice, qui sont signifi-
cativement augmentés. La pression artérielle systolique basale et
à l’exercice est également augmentée, ainsi que la fréquence car-
diaque maximale à l’exercice. Selon les auteurs, ces résultats sug-
gèrent une amélioration fonctionnelle significative grâce à la tech-
nique.
Les données sur la fonction ventriculaire gauche ont été présen-
tées par M.G. Saint John Sutton (Philadelphie, 2918 et 2920).
Au terme de six mois, il existe une diminution significative des
diamètres télédiastolique et télésystolique du ventricule gauche,
une amélioration de la fraction d’éjection, une réduction de l’in-
suffisance mitrale lorsqu’elle est présente et une amélioration du
délai interventriculaire mécanique. Les paramètres de fonction
ventriculaire diastolique sont également significativement amé-
liorés. L’ensemble de ces résultats très intéressants suggère donc
un effet bénéfique de la resynchronisation ventriculaire non seu-
lement sur le confort de vie, mais aussi sur la fonction cardiaque.
L.A. Saxon (San Francisco, 2926) a également étudié l’influence
de la resynchronisation sur le remodelage ventriculaire sur une
série de 501 patients ayant bénéficié d’une période de six mois
de stimulation biventriculaire versus stimulation conventionnelle,
suivie de six mois de stimulation biventriculaire chez des patients
asymptomatiques nécessitant un défibrillateur implantable.
À partir de cette population, les données échographiques ont été
disponibles chez 178 patients avec un recul de trois mois. Comme
chez les malades plus graves, on observe sous resynchronisation
une réduction des diamètres télédiastolique et télésystolique du
ventricule gauche, suggérant ainsi que, chez des malades asymp-
tomatiques, il y a un remodelage inverse grâce à cette technique.
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 351 - janvier 2002
15
INSUFFISANCE CARDIAQUE
D. Baller (Bad Oeynhausen, 2927) a étudié l’influence de la
resynchronisation ventriculaire sur l’hétérogénéité du métabo-
lisme oxydatif chez des patients avec bloc de branche gauche. La
technique utilisée a été la tomographie par émission de positons
au carbone 14 chez 31 patients avec bloc de branche gauche, com-
parés à 14 patients sans bloc de branche gauche.
Les patients avec bloc de branche gauche avaient à l’état basal
une plus importante hétérogénéité de métabolisme oxydatif
dans la région septale que les sujets sans bloc de branche
gauche. Sous l’effet de la resynchronisation, il y a une réduc-
tion de cette hétérogénéité chez les patients avec bloc de
branche gauche.
Les auteurs concluent que la présence d’un bloc de branche
gauche produit un déséquilibre régional du métabolisme car-
diaque dû à la présence du délai de conduction intracardiaque.
Une session de posters a été consacrée à la resynchronisation
dans l’insuffisance cardiaque :dans une sous-étude de l’étude
MIRACLE,A. Curtis (Gainesville,1986) a démontré que l’amé-
lioration fonctionnelle mesurée en termes de variation de la classe
NYHA ou d’un score de qualité de vie ainsi que de durée du péri-
mètre de marche de six minutes était significativement corrélée
à la variation de durée du QRS.
Dans une étude échographique, M. Iacoviello (Bari, 1988) a
recherché les paramètres prédictifs d’une bonne réponse lors de
la stimulation biventriculaire sur un groupe de 10 patients en
rythme sinusal avec bloc de branche gauche complet et une durée
du QRS 150 ms.
La réduction à un mois des diamètres télédiastolique et télésys-
tolique ventriculaire gauche indexés a été liée au délai de la
contraction de la paroi septopostérieure, et plus le délai était
grand, plus l’amélioration hémodynamique était importante. En
revanche, il n’y a pas eu de relation entre la durée du QRS à l’état
basal et cette amélioration. Les auteurs pensent que cette mesure
est un bon prédicteur d’amélioration hémodynamique après la
procédure de resynchronisation.
Le devenir à long terme des patients ayant subi une resynchroni-
sation avec ou sans défibrillation a été étudié par C. Pappone
(Milan, 1992) sur un groupe de 79 patients consécutifs.
Le suivi a été de 12 ± 7 mois. Des 17 premiers patients ayant reçu
une stimulation biventriculaire simple sans défibrillateur, trois
sont décédés subitement. Les 62 patients suivants ont eu un dis-
positif avec un défibrillateur implantable indépendamment des
résultats de l’exploration électrophysiologique. Durant le suivi,
11 patients, dont quatre avec une exploration électrophysiolo-
gique positive, ont eu des épisodes de tachycardie ventriculaire
ou de fibrillation ventriculaire traités avec succès par l’appareil.
Trois ont eu des décharges inappropriées et deux sont décédés
d’insuffisance cardiaque.
Les patients avec mort subite ou épisode de TV ou FV au cours
du suivi ont été comparés aux autres patients. Ils étaient signifi-
cativement plus âgés, avaient une classe fonctionnelle NYHA
plus élevée et avaient plus fréquemment une cardiopathie isché-
mique que les autres patients.
Les auteurs concluent que la mortalité demeure élevée après une
resynchronisation biventriculaire, en particulier à cause d’épi-
sodes de mort subite. Pour les auteurs, cela encourage l’implan-
tation des dispositifs disposant de défibrillateur.
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine
Une méta-analyse des essais randomisés et contrôlés sur les blo-
queurs des récepteurs de l’angiotensine dans l’insuffisance car-
diaque a été effectuée par P. Jong (Toronto, 2818) dans le cadre
de la collaboration Cocrane.
Les mesures d’efficacité utilisées ont été la mortalité toutes causes
et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Ont été inclus
12 433 patients provenant de 16 essais cliniques publiés entre
1995 et 2000. Globalement, il n’y a pas eu de différence entre le
groupe antagoniste des récepteurs de l’angiotensine et les sujets
témoins pour les décès (odds-ratio : 0,96) ou les hospitalisations
(0,86). Une analyse stratifiée a montré que cette classe théra-
peutique n’est pas supérieure sur le plan statistique au groupe pla-
cebo pour la réduction de mortalité (0,68) ou pour les hospitali-
sations (0,67) lorsqu’elle est donnée en l’absence d’inhibiteur de
l’enzyme de conversion, mais les intervalles de confiance sont
larges.
Dans le cadre d’une comparaison directe aux IEC, les antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine ne réduisent pas la mor-
talité (1,09) ou le taux d’hospitalisations (0,95). Par contraste, la
combinaison IEC et antagoniste des récepteurs de l’angiotensine
est supérieure aux IEC seuls pour les hospitalisations, mais non
pour la mortalité.
Cette méta-analyse confirme qu’il n’existe pas à l’heure actuelle
de donnée validée démontrant que les antagonistes des récepteurs
de l’angiotensine diminuent soit la mortalité toutes causes, soit
les hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez les patients
atteints de cette pathologie. De nouveaux essais thérapeutiques
contrôlés sont donc nécessaires pour répondre à cette question.
Inhibiteur des phosphodiestérases : le pimobendan
Les effets d’un inhibiteur des phosphodiestérases, le pimoben-
dan, sur la mortalité et la morbidité ont été étudiés dans l’étude
EPOCH par M. Matsuzaki (Ube, 3118). La population étudiée
était de 219 patients, qui ont reçu soit le pimobendan 1,25 mg ou
2,5 mg soit un placebo deux fois par jour pendant 52 semaines.
Les patients étaient en classe II ou III de la NYHA, avec une frac-
tion d’éjection inférieure à 45 %. Les critères de jugement étaient
le décès dû à l’insuffisance cardiaque, la mort subite et les hos-
pitalisations pour insuffisance cardiaque.
Au terme de 52 semaines, l’inhibiteur des phosphodiestérases a
réduit significativement les événements cardiaques combinés, et
amélioré les critères d’activité physique. Il n’y a pas eu davan-
tage d’effets secondaires dans le groupe pimobendan que dans le
groupe placebo.
Cette étude suggère, pour les auteurs, une amélioration du confort
de vie et une réduction des événements cardiaques, sans toute-
fois qu’il y ait d’effet sur la mortalité.
Milrinone
G.M. Felker (Durham, 2005) a étudié l’influence de l’étiologie
dans la réponse à la milrinone intraveineuse en cas d’insuffisance
cardiaque décompensée (étude OPTIM-CHF) sur un groupe de
949 patients avec dysfonction systolique. Ceux-ci ont reçu 48 à
72 heures de milrinone intraveineuse. Parmi eux, 485 avaient une
La Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 351 - janvier 2002
16
INSUFFISANCE CARDIAQUE
1 / 9 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !