ANALYSE DE DOCUMENT : L'ECONOMIE-MONDE BRITANNIQUE
L'Europe est entrée au cours du XIX° siècle dans une phase d'industrialisation qui a profondément
modifié sa physionomie, ses façons de penser ainsi que la hiérarchie mondiale, permettant au RU
d'installer une économie-monde. Une économie-monde est un système dans lequel un vaste
espace installe, en raison de l'importance de ses échanges, une domination économique sur le
reste du monde.
Cette domination britannique est évoquée dans cet extrait du Guide du voyageur à Londres et aux
environs,rédigé par un géographe français, Elisée Reclus et édité à Paris en 1860 par les éditions
Hachette. A travers la description de Londres qui y est faite, ce document met en avant les points-
forts de l'économie britannique.
En quoi ce document témoigne-t-il des différentes formes de la domination de l'économie-
monde britannique au milieu du XIX° siècle ? La domination britannique repose sur un
commerce majeur , élément caractéristique d'une économie-monde (1° partie), ainsi que sur une
industrie innovante (2° partie).
I: Un commerce majeur :
Londres est en effet le reflet d'un commerce aux dimensions mondiales.
Londres est un port, centre de redistribution de marchandises venant du monde entier et
repartant dans toute l'Europe, ce qui se traduit par des « jetées encombrées de
marchandises », « des docks sont empilées des richesses suffisantes pour acheter un
royaume d'Asie ou d'Afrique ». Le RU achète par exemple la laine en Argentine et la
revend à la France, achète et revend également du thé.
Cet important commerce donne lieu à des quartiers spécifiques : « D'un côté, sur le bord
de la Tamise, (…), sont les quartiers du grand commerce », ou encore « au centre de
Londres ».
Ces quartiers abritent de nombreux marchands qui se consacrent au commerce interne
aussi bien qu'au commerce international : « les innombrables shopkeepers et marchands
de toute espèce qui sont le fond même de la nation ».
Les échanges sont facilités par le niveau de vie élevé des Britanniques. En effet, leur
niveau de vie est le plus élevé du monde vers 1850.
Les activités commerciales s'appuient sur un vaste réseau de banques et sur la Bourse :
les marchands « ont pour centre de réunion le quartier de la Cité... dont les ruelles
environnent la Bourse et la Banque » « leurs banquiers... voient affluer dans leurs
comptoirs l'or de tous les continents. se concluent en quelques heures, les opérations
les plus gigantesques et se préparent sans bruit des spéculations commerciales... ».
La livre-sterling est la monnaie des paiements internationaux, les banques londoniennes
prêtent de l'argent aux États étrangers. Les sociétés britanniques : banques, compagnies
d'assurances, de commerce, de navigation sont présentes dans le monde entier, servant
toutes de relais au commerce britannique.
Les échanges commerciaux du RU reposent sur son vaste empire colonial (1/3 de la
superficie terrestre, ¼ de la population mondiale), présent sur tous les continents. Les
colonies fournissent un large éventail de produits que le RU importe et transforme : « l'or
afflue de tous les continents ».
Ceci n'est possible que grâce à une flotte commerciale nombreuse et active (elle contrôle
60% du trafic mondial), dont les navires voyagent sous la protection de la flotte militaire, la
du monde : « la Tamise, toute grouillante d'embarcations », « les quartiers du grand
commerce avec leurs processions de navires ».
Pour effectuer leurs nombreux échanges, les Britanniques sont très attachés au libre-
échange, qu'ils ont adopté dès 1846 et qui sous-entend une libre circulation des
marchandises entre les pays. Ils ont signé des accords commerciaux avec différents
partenaires, par exemple avec la France en 1860. Mais ils ont également utilisé la force
pour conquérir de nouveaux marchés (une intervention armée britannique ouvre le marché
chinois en 1860), ou s'assurer la maîtrise de routes commerciales stratégiques (en 1882,
l'Angleterre s'empare de l’Égypte pour contrôler le canal de Suez ouvert en 1869).
Les activités commerciales sont donc une des formes de la domination de l'économie-monde
britannique et expliquent la richesse du pays, mais cette domination repose également sur leur
avance industrielle.
II : Une industrie innovante :
L'Angleterre est le pays pionnier en matière d'industrialisation : en effet, dès la fin du XVIII°
siècle, l'utilisation de la vapeur comme énergie permet de mettre au point des machines, ce
qui modifie totalement les façons de travailler.
La vapeur est obtenue à partir de la combustion de la houille que le pays extrait de ses
mines et met à la disposition des industries naissantes. Des « montagnes de houille » sont
présentes à proximité des bâtiments industriels et de la fumée se dégage sans cesse :
« leurs cheminées qui plongent dans un éternel brouillard de charbon leur population ».
Elisée Reclus décrit une ville entière recouverte par « un dôme de fumée ».
L'utilisation de la vapeur comme énergie permet d'importants progrès techniques ainsi que
des gains de temps de production. Le travail se fait maintenant à partir de machines
regroupées dans de vastes bâtiments, et ne s'interrompt jamais : L'auteur évoque « des
fabriques toujours frémissantes ».
Grâce à ces innovations, le coût de l'acier a pu être divisé par 10. Les industries textiles et
sidérurgiques britanniques sont au XIX° siècle, les plus productives au monde.
Les innovations britanniques se diffusent ensuite aux pays voisins puis au reste de
l'Europe.
Ces nouvelles activités industrielles se font dans de vastes bâtiments et marquent le
paysage londonien : un paysage industriel apparaît alors. La ville se dote de quartiers
industriels, « dans les faubourgs de l'est et du nord », que l'auteur décrit comme étant
constitués « de ruelles sombres et tortueuses » plongées « dans un éternel brouillard de
charbon ». Ces paysages spécifiques sont ainsi la manifestation de l'industrialisation
avancée du pays.
Cependant, contrairement aux quartiers commerçants qui abritent de riches marchands et
accueillent des richesses venues de tous les continents,ces quartiers industriels sont
marqués par la misère des ouvriers. Elisée Reclus évoque une « population hâve et
déguenillée qui se traîne dans la dégradation la plus abjecte ». Les ouvriers ont en effet au
milieu du XIX° siècle des conditions de travail et de vie très pénibles (longues journées de
travail dans de grands bâtiments bruyants et peu aérés, jamais de repos, soumission totale
à l'employeur qui donne ou retire le travail lorsqu'il le décide, salaires bas qui permettent à
peine aux familles ouvrières de survivre).
Londres présente ainsi des aspects contrastés, reflets de son économie et de sa
puissance, à la fois richesse et misère : « D'abord on est ébloui des richesses et merveilles
de Londres, mais bientôt on s'aperçoit que cette Babylone se compose de plusieurs villes
entièrement distinctes et n'ayant rien de commun que le dôme de fumée qui les recouvre ».
Les activités commerciales et industrielles n'apportent pas à ceux qui les exerce des
conditions de vie similaires.
Conclusion :
Ce document met en évidence les deux piliers qui ont permis au RU d'installer une économie-
monde au XIX° siècle, à travers l'exemple de Londres ville la plus peuplée au monde jusque dans
les années 1930.
Ces deux fondements, commerce et industrie, ont permis à l'économie britannique de rester en
tête de la hiérarchie mondiale jusqu'au début du XX° siècle, date elle perd sa suprématie au
profit des EU.
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