L’ e x c ep t io n
Une cause rare de nécrose cutanée
chez un patient hémodialysé
chronique
A rare cause of skin necrosis in a chronic hemodialysis
patient
M. Belarbi, M. Asserraji (service de néphrologie-hémodialyse, centre médicochirurgical, Agadir,
Maroc)
Images en Dermatologie • Vol. VI • n
o
4 et 5 • juillet-octobre 2013
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Cas clinique
Légendes
Figure 1. Placards violacés bilatéraux des
membres inférieurs rapidement extensifs,
succédant à des nodosités douloureuses.
Figure 2. Zones de nécroses multiples et ulcé-
ration au niveau de la jambe droite.
Figure 3. Zones de nécrose au niveau de la
jambe gauche.
Figure 4. Extension centrifuge des plaques
nécrotiques avec base indurée.
Calciphylaxie • Hémodia-
lyse • Mortalité
Calciphylaxis • Hemodialysis
• Mortality
Un patient de 70 ans, hémodialysé chronique, consulte aux urgences pour
des lésions cutanées très douloureuses des membres inférieurs, avec un
syndrome infectieux clinique et biologique. Après l’instauration d’un traite-
ment antibiotique, il n’y a pas d’amélioration, et les lésions s’étendent.
Observation
Le patient est hémodialysé depuis 10ans pour une néphropathie indéterminée; il
est suivi également pour une cardiopathie ischémique et une bronchopneumopa-
thie chronique obstructive sous corticothérapie inhalée. Il est admis aux urgences
puis en néphrologie pour des lésions papuleuses, érythémateuses et douloureuses
des membres inférieurs, avec une fi èvre à 38,2°C. Les résultats des analyses bio-
logiques sont les suivants : calcémie : 94mg/l ; phosphorémie : 29 mg/l ; phospha-
tases alcalines : 435 UI/l ; parathormone (PTH) : 102pg/ml ; protéine C réactive : 65
mg/l et hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles à 13 000 éléments/mm3. Les
examens radiologiques montrent des calcifi cations artérielles diffuses. Le diagnostic
d’ecthyma est retenu, et le malade est traité par des antibiotiques. L’évolution est
marquée par l’extension des lésions au niveau des 2jambes
(fi gures 1-4)
. Une biopsie
cutanée permet de poser le diagnostic de calciphylaxie, en montrant des dépôts de
calcium dans la paroi d’un vaisseau de moyen calibre, avec la présence de quelques
cellules infl ammatoires dans la media. Le patient décède dans un tableau de septi-
cémie à
Pseudomonas aeruginosa
à point de départ cutané.
Discussion
La prévalence de cette complication est de 4,1 % dans une série de patients dialysés,
pour une incidence annuelle de 1 %
(1)
. La durée de l’hémodialyse augmente le
risque. L’hyperphosphatémie, l’augmentation du produit phosphocalcique (au-delà de
70 mg2/l2), l’hyperparathyroïdie, l’administration des dérivés actifs de la vitamineD et
l’acidose métabolique constituent les principaux facteurs dans la formation de ces
calcifi cations
(2)
. La prise de glucocorticoïdes et/ou d’immunosuppresseurs est aussi
incriminée dans la pathogénie de cette affection
(1)
. L’histologie confi rme le diag-
nostic. La radiologie peut montrer des calcifi cations artérielles diffuses. Le traite-
ment passe d’abord par l’arrêt des corticoïdes, les antibiotiques et les soins locaux en
cas de surinfection, le thiosulfate de sodium ainsi que l’oxygénothérapie hyperbare.
Un débridement chirurgical précoce et large peut être nécessaire afi n d’enrayer le
processus de nécrose. L’opportunité d’une parathyroïdectomie doit être discutée
(3)
.
La mortalité est de 63 à 72 % en cas d’atteinte proximale et de 23 à 47 % en cas d’at-
teinte distale, malgré le traitement.