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S. Agaajani et coll.
LÉSIONS DE CALCIPHYLAXIE CHEZ UNE PATIENTE
EN INSUFFISANCE RÉNALE TERMINALE
S. A
GAAJANI 1
D. B
ECKER 1
, G. L
OUTE 1
Mots-clefs : nécrose cutanée, calcinose artérielle et interstitielle,
hyperparathyroïdie secondaire, calciphylaxie
1 Service de Médecine Interne Néphrologique, Hôpital Princesse
Paola ; Marche-en-Famenne.
INTRODUCTION
La calciphylaxie constitue un désordre rare mais
sérieux caractérisé par une médiacalcinose des artè-
res menant à une ischémie tissulaire. Elle survient plus
volontiers chez les patients en insuffisance rénale ter-
minale dialysés ou ayant bénéficié d’une transplan-
tation rénale. Cependant cette pathologie peut se pré-
senter comme l’aboutissement des autres causes
d’hypercalcémie. Un diagnostic rapide ainsi qu’une
prise en charge adéquate permettent d’éviter une évo-
lution souvent fatale vers une septicémie.
Nous rapportons l’histoire d’une patiente en in-
suffisance rénale terminale présentant une lésion
cutanée extensive dans un cadre d’hyperparathyroï-
die secondaire. Nous discuterons ensuite de la phy-
siopathologie, du diagnostic et des traitements pos-
sibles de la calciphylaxie.
CAS CLINIQUE
Une patiente âgée de 76 ans est en hémodia-
lyse depuis 1998 à la suite d’une binéphrectomie
pour hypernéphrome. Les antécédents pertinents
incluent : hypertension artérielle sévère depuis
1974, hypercholestérolémie, œsophagite de stade
I, ulcères prépyloriques et bulbaires en 1999 ainsi
qu’une arthrose diffuse.
Depuis mai 2000, la patiente présente une
hyperparathyroidie secondaire (voir graphique),
ayant bénéficié dans un premier temps d’un trai-
tement médical (CaCO3 4g/j).
En août 2000, l’hyperparathyroïdie devient dif-
ficile à contrôler (voir graphique) malgré un trai-
tement optimalisé (CaCO3 6g/j).
Graphique 1
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123, septembre 2004
LÉSIONS DE CALCIPHYLAXIE CHEZ UNE PATIENTE EN INSUFFISANCE RÉNALE TERMINALE
Graphique 2
En avril 2002, la patiente se plaint d’une impo-
tence fonctionnelle douloureuse des jambes. Il
s’agit d’une claudication intermittente dont le pé-
rimètre de marche est limité à moins de 50 mètres.
Il existe par ailleurs une hypoesthésie des pieds.
Une étude tomodensitométrique lombaire
montre une sténose lombaire focale de nature
arthrosique au niveau L3-L4.
La claudication des membres inférieurs s’ag-
gravant, d’autres examens sont entrepris.
La radiographie des membres inférieurs met
en évidence d’importantes calcifications sur
tous les axes vasculaires (médiacalcinose), des
calcifications sous-cutanées multiples, ainsi que
de nombreuses lésions arthrosiques.
L’échographie Doppler des artères des membres
inférieurs démontre un amortissement du spec-
tre au niveau des deux artères fémorales profon-
des, en rapport avec l’athéromatose calcifiante
diffuse responsable de sténoses pluri-étagées
mais dont le degré reste inférieur à 70 %.
La douleur des membres inférieurs serait donc
d’origine pluri-factorielle associant : canal lom-
baire étroit, médiacalcinose bilatérale dans le ter-
ritoire rétro-fémoral et arthrose sévère des mem-
bres inférieurs.
Le 22 juillet 2002, apparaît une petite lésion ul-
cérée de moins de 5mm de diamètre sur un fond
violacé, inflammatoire et particulièrement doulou-
reux au niveau de la face externe de la jambe gau-
che.
A l’examen clinique, la patiente a un poids de
55kg pour une taille de 157cm. La tension arté-
rielle est de 157/74. L’examen cardio-vasculaire
révèle un B1 normal avec un B2 diminué, ainsi
qu’un souffle systolique 4/6 au foyer aortique. Les
pouls périphériques sont difficilement palpés.
Les examens biologiques mettent en évidence
une hypercalcémie (10,4 mg/dl) pour une protéi-
némie de 75g/l (avec 60 % d’albumine), une
hyperphosphorémie (7,6mg/dl), un produit
phospho-calcique élevé (79,04) (Cf. graphique) et
une hyperparathyroïdie (fraction intacte :
422,7pg/ml).
Malgré un traitement local adapté et progres-
sivement intensifié (Duoderm® puis utilisation de
Vaseline® et Flammazine®), la lésion cutanée
s’étend progressivement. Cette évolution péjora-
tive de la plaie ainsi que la médiacalcinose des cli-
chés radiographiques fait suspecter chez cette pa-
tiente hémodialysée, avec hyperphosphorémie et
produit phospho-calcique élevé, un diagnostic de
calciphylaxie.
Une parathyroïdectomie est envisagée et la
patiente est hospitalisée en septembre 2002 pour
un bilan préopératoire et mise au point
cardiologique.
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S. Agaajani et coll.
Radiographie et CT-scan des membres inférieurs:
Importantes calcifications sur tous les axes vasculaires
(médiacalcinose); calcifications sous-cutanées multiples.
Figure 1
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123, septembre 2004
LÉSIONS DE CALCIPHYLAXIE CHEZ UNE PATIENTE EN INSUFFISANCE RÉNALE TERMINALE
Une échocardiographie transthoracique met en
évidence d’importantes calcifications au niveau de
la valve aortique (surface de 1,1 cm2). La fonction
ventriculaire reste conservée.
La patiente est transférée vers un centre uni-
versitaire le 1er octobre 2002. Au cours de cette hos-
pitalisation plusieurs complications surviennent :
trois épisodes d’OAP évoluant favorablement sous
ultra-filtration ; une pneumopathie du lobe supé-
rieur droit traité par antibiothérapie ; une hémor-
ragie digestive haute secondaire à un ulcère bul-
baire sans complication hémodynamique et répon-
dant à un traitement médical ; plusieurs épisodes
de confusion aigue d’étiologie multi-factorielle
(sepsis, médicamenteux et hypoxémie).
Une parathyroïdectomie subtotale est réalisée
le 23 octobre 2002 permettant un meilleur contrôle
du produit phospho-calcique (Cf. graphique).
L´évolution de la plaie est inquiétante : instal-
lation d’un état de nécrose progressive sur un ter-
rain fort inflammatoire, de même qu’un ulcère
hyperalgique extensif répondant peu aux traite-
ments locaux. De nouvelles lésions de
calciphylaxie apparaissent au niveau du membre
inférieur droit. L’état grabataire de la patiente et
son hospitalisation prolongée favorisent l’appari-
tion d’escarres de décubitus au niveau des deux
talons. Un traitement local de type Tenderwet est
installé.
La patiente est retransférée le 4 décembre 2002.
Une dialyse quotidienne avec des bains pauvres
en calcium (1,25 mmol/l) ainsi qu’une alimenta-
tion parentérale est mise en route. Le traitement
local est poursuivi. L’état de la patiente s’améliore
progressivement, la surface des zones nécrosées
et ulcérées diminue et un bourgeonnement signi-
ficatif remplace ces lésions. Elle quitte l’hôpital le
Figure 2
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S. Agaajani et coll.
5 février 2003 et est suivie pour ses plaies cuta-
nées ainsi que pour sa dialyse. Les lésions cuta-
nées sont parfaitement contrôlées et une
réépidermisation complète des ulcères est ainsi
obtenue.
DISCUSSION
Nous assistons donc chez cette patiente en insuf-
fisance rénale terminale, à une hyperparathyroïdie
secondaire résistant aux traitements médicamenteux.
La douleur des membres inférieurs, à mettre en rap-
port avec une médiacalcinose radiographique ainsi
que cette nécrose cutanée ischémique en l’absence
de signes de vasculite et d’artérite, permettent de
poser le diagnostic de calciphylaxie.
D
ÉFINITION
-
ÉPIDÉMIOLOGIE
La calciphylaxie est une maladie rare et systé-
mique touchant entre 1 % et 4 % de la population
des dialysés. Il s’agit d’une médiacalcinose
artériolaire étendue responsable de phénomènes
d’ischémie et de nécroses cutanées particulière-
ment douloureuses. Le pronostic vital est sombre
(58 % de mortalité) vu le risque élevé d’infection
systémique liée aux lésions cutanées. Les facteurs
de risque de la calciphylaxie sont : le sexe féminin
(59 %), le stade avancé d’insuffisance rénale (1), le
diabète insulino-dépendant, l’obésité (2) ainsi que
certaines perturbations biologiques secondaires
à l’insuffisance rénale terminale telles que
l’hypercalcémie, l’hyperphosphorémie, l’hyper-
parathyoïdie, et l’hypervitaminose D (3).
PHYSIOPATHOLOGIE
L’étiologie de la calciphylaxie reste incertaine.
Cependant, l’hyperparathyroïdie, les suppléments
de vitamine D, ainsi que l’hyperphosphorémie
jouent un rôle important dans la physiopatholo-
gie de cette maladie (4-6).
L’hyperparathyroïdie est un des facteurs essen-
tiels : l’excès de PTH entraîne une anomalie de
l’homéostasie intracellulaire du calcium, favorise
l’épaississement des parois vasculaires ainsi que
la fibrose du tissu interstitiel.
L’hypervitaminose D entraîne la formation de
calcifications des tissus mous. En augmentant l’ab-
sorption intestinale de calcium et de phosphore,
la vitamine D augmente le produit phospho-cal-
cique.
Une hyperphosphorémie et une concentration
élevée en calcium aboutissent à l’augmentation du
produit phospho-calcique. Au-delà de 70, il existe
une précipitation du phosphate de calcium dans
les tissus mous, artères, articulations, muscles et
viscères.
Ces processus aboutissent à la formation des
calcifications métastatiques qui à un stade avancé,
entraînent ischémie et nécrose tissulaire.
DIAGNOSTIC
C
LINIQUE
Elle est caractérisée par une insuffisance rénale
terminale, une hyperparathyroïdie secondaire,
ainsi que par l’apparition de lésions cutanées : pla-
ques inflammatoires violacées hyperalgiques à
extension rapide (7).
B
IOLOGIE
Il n’existe aucun test de laboratoire spécifique
de calciphylaxie. Des taux élevés de PTH, phos-
phate, calcium et de phosphatase alcaline peuvent
contribuer à poser le diagnostic. Cependant ces
anomalies biologiques peuvent être absentes (3).
H
ISTOLOGIE
Une biopsie cutanée permet de confirmer le
diagnostic.
Dans les calcinoses artériolaires, l’histologie
peut démontrer plusieurs aspects : une
épidermolyse ischémique, une inflammation chro-
nique du derme ou une calcinose amorphe et
artériolaire hypodermique sans réaction inflam-
matoire majeure. Il s’agit le plus souvent d’une
médiacalcinose sans réduction du diamètre
endoluminal. Les auteurs décrivent fréquemment
une hyperplasie fibreuse intimale très importante
ou une thrombose (8) à l’origine des phénomènes
ischémiques.
Les calcinoses interstitielles se présentent en
histologie par des dépôts calciques intralobulaires.
La calcinose artériolaire semble peu importante,
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