L Éditorial L’acceptation de la maladie A. Grimaldi

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Éditorial
L’acceptation de la maladie
A. Grimaldi (Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
L
a maladie chronique est le grand défi de notre système de santé,
l’obligeant à revoir son organisation et menaçant son financement solidaire. Mais c’est aussi,les gestionnaires l’oublient trop
souvent, un défi pour les patients comme pour les médecins. L’annonce du diagnostic d’une maladie chronique − ce ne sera jamais plus
comme avant et c’est pour toujours − évoque inexorablement le terme de la
vie. C’est pourquoi le travail d’acceptation de la maladie a été assimilé à un
travail de deuil soumis à ses lois. “Tout nouveau deuil ravive tous les deuils
antérieurs et tout deuil non fait interdit tout nouveau deuil.” Chacun de nous
serait donc ainsi doté d’une plus ou moins grande “aptitude au deuil” (lorsque
je vis M. S., diabétique mal équilibré, pour la première fois, il me dit d’un ton
ferme : “Pouvez-vous, s’il vous plaît, docteur, ne pas me dire que je n’accepte
pas ma maladie”, et 15 minutes plus tard, il m’apprenait qu’il avait un fils
unique et qu’un jour il l’avait trouvé pendu).
Pour éviter le risque d’effondrement psychique ou de dépression inhérent
au deuil, le patient peut mettre en œuvre des mécanismes de défense : le déni,
la pensée magique, la minimisation, la dénégation, le clivage, les conduites
à risque, voire les addictions... Ces mécanismes initialement protecteurs
deviennent, en se chronicisant, une deuxième maladie qui, parfois, fait souffrir
le patient en secret et surtout peut menacer sa vie. Le patient a 2 maladies : il
est malade et il est malade d’être malade. L’individualisme exacerbé de notre
société postmoderne laisse entendre que l’individu est libre de ses choix et
qu’il est donc responsable de leurs conséquences. Mais la double maladie
n’est pas le résultat d’un choix fait en toute liberté, après une information
éclairée et une délibération raisonnée. Car l’autonomie du patient a été plus
ou moins brisée par l’annonce du diagnostic. La reconquête de cette autonomie suppose la guérison de cette deuxième maladie. Il est donc essentiel
d’en faciliter l’expression par le malade pour que, malgré les ruses de la
raison, il en prenne conscience avant d’en prendre distance grâce à un travail
de “réflectivité”. Comme le disait Hannah Arendt, “Tous les chagrins sont
supportables si on en fait un conte ou si on les raconte.”, et Boris Cyrulnik
d’ajouter : “C’est difficile de s’adresser à quelqu’un pour expliquer ce que
l’on a vécu.” Encore faut-il, en effet, que les soignants témoignent d’une
empathie, c’est-à-dire qu’ils soient non seulement disposés à écouter, mais
aussi aptes à comprendre et à se laisser toucher. “N’y a-t-il pas, dans tout
récit de patient apparemment banal, de quoi nous émouvoir ?”, interroge la
psychologue Anne Lacroix.
Cet article a initialement
été publié dans La Lettre
du Neurologue
d’octobre 2013 (p. 227).
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Du coup, un élément essentiel pour lutter contre l’objectivation des patients
par les soignants et contre “l’industrialisation de la médecine” me semble
être le développement de l’empathie des professionnels de santé. Une étude
récente (1) montre qu’il existe une relation inverse entre l’empathie des médecins traitants et le taux d’hémoglobine A1c de leurs patients diabétiques.
Images en Dermatologie • Vol. VII • no 3 • mai-juin 2014
MISE AU POINT
Éditorial
Le dogme ancestral selon lequel un professionnel doit se couper de ses
affects me paraît aujourd’hui totalement erroné. Il est urgent de faire entrer
les sciences humaines dans les études médicales, de permettre l’expression
des émotions des professionnels et notamment des étudiants, et de donner
toute sa place, à côté de l’observation médicale du patient, à la “médecine
narrative” (2).
II
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Références bibliographiques
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1. Hojat M, Louis DZ, Markham FW et al. Physicians’ empathy and clinical outcomes for diabetic patients. Acad
Med 2011;86(3):359-64.
2. Charon R. Narrative and Medicine. N Engl J Med 2004;350(9):862-4.
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Images en Dermatologie • Vol. VII • no 3 • mai-juin 2014
182 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 5 - septembre-octobre 2012
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