Une première alerte
À côté de ces données plutôt rassurantes, une méta-analyse a repris
les données de 7 des essais contrôlés conduits sur les anticorps
monoclonaux anti-TNF (aucun essai avec l’etanercept n’a été inclus)
au cours de la PR (Bongartz, F10). Outre les données publiées,
les auteurs ont contacté la FDA (Food and Drug Administration)
et les firmes pharmaceutiques de manière à disposer de toutes les
informations utiles, même non publiées. Au total, 29 néoplasies,
dont 8 lymphomes, ont pu être recensées chez 3 493 patients
inclus dans les groupes recevant un anti-TNF, et 3 néoplasies (mais
aucun lymphome) chez les 1 514 patients inclus dans les groupes
placebo. Cela permettait d’identifier une augmentation du risque
de néoplasie de 3,29 (IC95 :1,3-9,1) (figure 2). Cette augmentation
du risque était surtout nette dans les groupes traités à “fortes” doses,
c’est-à-dire 20 mg d’adalimumab hebdomadaire ou infliximab à
des doses supérieures à 5 mg/kg : dans ces cas, l’odds-ratio était
de 7,7 (IC95 :2,15-34) contre seulement 1,8 (IC95 :0,4-9,8) (non
significatif) dans les groupes recevant les doses usuelles.
Y a-t-il une différence entre PR et spondylarthrite
ankylosante vis-à-vis du risque de cancer sous anti-TNF ?
Jusqu’à présent, les principales données concernant le risque de
néoplasie sous anti-TNF concernaient la PR. On était encore dans
l’attente d’informations concernant la spondylarthrite ankylosante
(SA), autre maladie inflammatoire au cours de laquelle on pourrait
potentiellement observer une augmentation du risque de lym-
phome. Une étude cas-témoins a été menée à partir de deux registres
suédois. Le premier registre recense les lymphomes, avec plus de
50 000 cas. Le second rassemble des informations sur les hospita-
lisations. Au total, 23 patients ayant eu un diagnostic de lymphome
ont également été hospitalisés à une autre période avec un diagnos-
tic de SA. Ces sujets ont été comparés à des témoins appariés, sans
lymphome, mais hospitalisés avec un même diagnostic de SA.
Aucune augmentation du risque de lymphome, hodgkinien ou non
hodgkinien, n’a été mise en évidence (Askling, 506).
INFECTIONS SOUS ANTI-TNF
Le risque de tuberculose sous anti-TNF a déjà largement été rap-
porté. Néanmoins, l’observatoire RATIO a permis de rapporter
16 nouveaux cas déclarés en France sur une période de 18 mois
(Tubach, 851). Cela correspond à une incidence estimée de 53 à
67 cas pour 100 000. Les principales informations à retenir de cette
communication sont la grande fréquence des formes extrapulmo-
naires (4 cas sur 16) et disséminées (5 cas sur 16). Dans 6 cas, il
existait une notion de vaccination par le BCG, et, dans 4 cas, un
contage parfois ancien. À noter également que 4 des 16 patients
avaient une intradermoréaction (IDR) à 5 unités de tuberculine entre
5et 10 mm ; de ce fait, on peut estimer que la décision récente de
l’AFSSAPS d’abaisser le seuil de positivité de l’IDR de 10 à 5 mm
pourrait permettre une réduction d’environ 25 à 30 % des cas de
tuberculose grâce au traitement prophylactique.
En parallèle de cette présentation, deux études permettaient de
disposer d’explications pathogéniques complémentaires sur le
risque de tuberculose sous les trois anti-TNF (Mariette,853). Alors
que les trois agents semblent avoir un effet identique sur la pro-
duction d’interféron γpar les lymphocytes T mémoire effecteurs,
l’adalimumab et l’infliximab semblent en outre avoir la capacité
d’inhiber la prolifération des lymphocytes T activés. Cela pourrait
rendre compte des fluctuations du risque de tuberculose sous cha-
cun des trois anti-TNF (figure 3).
Figure 2. Méta-analyse sur le risque de néoplasie chez les patients traités
par anticorps anti-TNF (Bongartz, F10).
Figure 3. Action des anti-TNF sur les lymphocytes T mémoire et T activés (Mariette, 853).
Ces données sont encore très partielles et imprécises, comme en
témoignent les intervalles de confiance assez larges. Cependant,
la force de cette méta-analyse est de comparer des patients qui
étaient tous candidats à un traitement anti-TNF, c’est-à-dire ayant
un niveau d’activité de la PR comparable, ce qui n’est pas le cas
des études observationnelles pharmacoépidémiologiques.
PR – TRAITEMENTS
La Lettre du Rhumatologue - n° 318 - janvier 2006
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