Le Courrier des addictions Directeur de la publication : Claudie Damour Terrasson Didier Touzeau* $ Rédacteur en chef : Dr Didier Touzeau (Bagneux) Rédacteur en chef adjoint : Florence Arnold-Richez (Chatou) u XXIe siècle, nous assistons à l’émergence d’un nouveau paradigme dans la prise en charge des patients présentant des conduites addictives : l’acceptation de la non-abstinence. La consommation est acceptée ou tolérée, moyennant des limites définies par la personne elle-même. Une telle approche permet d’aborder la problématique addictive en introduisant une alternative à l’abstinence. La consommation se poursuit, mais de manière contrôlée. Le fait de proposer des choix aux usagers accroît leur motivation au changement. Mais que le choix aille dans le sens du contrôle ou de l’abstinence, il suppose tout d’abord que l’usager dispose d’une appréhension des risques plus réaliste. Comité de rédaction F. Arnold-Richez (Chatou) - Dr M. Auriacombe (Bordeaux) I. Berlin (Paris) - Dr R. Berthelier (Arpajon) Pr B. Christophorov (Paris) - Dr F. Cohen (Créteil) Dr P. Courty (Clermont-Ferrand) - Dr A. Dervaux (Paris) E. Fellinger (Strasbourg) - Dr L. Gibier (Tours) - F. Noble (Paris) - Dr D. Touzeau (Bagneux) - Dr J. Vignau (Lille). Comité scientifique Pr J. Adès (Colombes) - Pr D. Bailly (Lille) - Dr D. Barrucand (Limeil-Brévannes) - Pr G. Brücker (Paris) - Pr A. CharlesNicolas (Fort-de-France) - Pr A. Féline (Le Kremlin-Bicêtre) - Pr C. Jacquot (Paris) - Pr Ph. Jeammet (Paris) - Pr G. Lagrue (Créteil) - Pr C. Lejeune (Colombes) - Pr H. Lôo (Paris) Dr M. Mallaret (Grenoble) - Pr D. Marcelli (Poitiers) Pr R. Molimard (Villejuif) - V. Nahoum-Grappe (Paris) Dr C. Orsel (Paris) - Pr Ph. Parquet (Lille) - Pr B. Roques (Paris) - Pr L. Stinus (Bordeaux) - Pr J. Tignol (Bordeaux) Dr C. Toledano (Villejuif) - Pr J.L. Venisse (Nantes). Élaborer une classification rationnelle des dangers des substances fondée sur des données scientifiques devient urgent Les systèmes de contrôle réglementaires des drogues reposent sur une approche des risques des substances qui n’est ni transparente ni objective. Ils devraient prendre en considération les dommages causés à l’individu, leur potentiel d’induire une pharmacodépendance et les effets sur l’environnement familial ou sociétal. Les critères ne sont pas consensuels. Ils diffèrent d’un pays à l’autre, dans un même pays entre les différents intervenants (police, justice et soins). Certaines substances émergentes sont exclues, d’autres sont diabolisées, limitant ainsi la portée des messages de prévention. Comité de lecture Dr H.-J. Aubin (Limeil-Brévannes) - Dr N. Ballon (Fort-deFrance) - Dr F. Baumann (Paris) - Dr J. Bouchez (Bagneux) Dr P. Chossegros (Lyon) - Dr D. Cœur-Joly (Malakoff) Dr J.J. Déglon (Genève) - Dr Y. Edel (Paris) - Dr G. Garreau (Gentilly) - Dr E. Imbert (Ivry-sur-Seine) - Dr G. Lazimi (Romainville) - Dr A. Mucchielli (Nice) - Dr X. Laqueille (Paris) Dr W. Lowenstein (Paris) - Dr D. Richard (Poitiers) Dr S. Robinet (Strasbourg) - Dr R. Teboul (Montreuil). Les objectifs du traitement ne reposent plus sur l’abstinence mais sur la maîtrise de la consommation et la prévention des rechutes Société éditrice : EDIMARK (DaTeBe Éditions) Président-directeur général : Claudie Damour-Terrasson 2, rue Sainte-Marie, 92418 Courbevoie. Tél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10 E-mail : [email protected] Site Internet : http://www.edimark.fr CPPAP : 0411 T 78631 – ISSN : 1294-2561 Trimestriel - Prix du numéro : 35 € Adhérent au SPEPS – Revue indexée dans la base PASCAL (INIST-CNRS) Huile sur toile, Anne de Colbert Christophorov. Rédaction Secrétaire générale de la rédaction : Magali Pelleau Secrétaire de rédaction : Brigitte Hulin Rédacteurs-réviseurs : Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Philippe-André Lorin, Odile Prébin Premier rédacteur graphiste : Didier Arnoult Rédactrices graphistes : Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Sébastien Chevalier, Virginie Malicot, Rémi Tranchant Technicienne PAO : Christelle Ochin Dessinatrice d’exécution : Stéphanie Dairain Commercial Directeur du développement commercial : Sophia Huleux-Netchevitch Directeur des ventes : Chantal Géribi Directeur d’unité : Béatrice Tisserand Régie publicitaire et annonces professionnelles : Valérie Glatin Tél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10 Abonnements : Florence Lebreton (01 46 67 62 87) FEJUPSJBM Consommation modérée, maîtrisée ou contrôlée : la place de l’éducation thérapeutique… Rappelons que la définition de l’addiction inclut une perte de contrôle de la consommation. Or, le traitement vise précisément à aider les patients à contrôler leur consommation. La réduction des risques1, qui admet que l’abstinence est un objectif idéal et privilégie des solutions alternatives pour diminuer les dommages consécutifs à l’usage de drogues, est un pilier de cette orientation. Elle propose, en effet, comme alternative aux soins traditionnels complet à haut seuil, un accès aux soins de première ligne, avec un bas niveau d’exigence. Les salles de consommations à moindre risque en sont une première étape pour les consommateurs d’opiacés ou de cocaïne. On pourrait proposer à ceux qui les défendent et souhaitent les expérimenter d’intégrer dans les règles de fonctionnement de leur projet le principe des règles négociées de consommation telles que quantité, qualité, espacement des jours, pas de consommation lors de situations émotionnelles négatives… Les résultats sont au rendez-vous : environ 670 000 Européens suivent un traitement de substitution (soit, environ la moitié des usagers problématiques d’opiacés d’Europe). Les dernières données issues des systèmes de suivi des traitements sont encourageantes et montrent une tendance stable, voire une baisse de la consommation de drogues par voie intraveineuse (rapport OEDT 2010). Une diminution de la proportion des consommateurs par voie intraveineuse d’héroïne entamant un traitement pour une consommation primaire d’opiacés en Europe a été signalée dans 13 pays entre 2002 et 2007, alors que moins de la moitié d’entre eux (42 %) déclaraient "habituellement s’injecter" la drogue. Pour ceux qui entament un traitement pour la première fois, la proportion est inférieure (38 %). En matière de tabac, l’abstinence, encore prônée par les professionnels, même si un consensus existe dans un premier temps pour soutenir une baisse de la consommation, pourrait s’accompagner d’une diminution des dommages (sans cependant les annuler). Elle est encouragée par les limitations de consommation dans les lieux publics. Le "tabagisme contrôlé" tendrait à associer substitution nicotinique et recours au snuss (tabac chiqué avec ses propres risques). Mais, là encore, le risque zéro n’existe pas, ce qui illustre la difficulté à formuler des conseils de modération lorsque le bénéfice obtenu n’est pas évident. Et l’alcool ? Les problèmes d’alcool sont souvent considérés comme secondaires par rapport à d’autres troubles psychiatriques, comme la dépression ou le stress, et ne seraient donc pas améliorés en cas de modération de la consommation. Les proches et l’employeur des patients ayant #K®]Z\m^nk^g\a^_]n<hnkkb^k]^lZ]]b\mbhgl' 1. Harm reduction. Pragmatic strategies for managing high-risk behaviors. G. Alan Marlatt editor. 3 Le Courrier des addictions (13) – n ° 1 – Janvier-février-mars 2011 FEJUPSJBM vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv d’accord, aider et organiser) est un outil privilégié de cette stratégie, il est commun aux différents intervenants (médecin, psychologue, travailleur social…). Les stratégies pharmacothérapiques qui visaient à soulager les symptômes de sevrage s’orientent maintenant vers une diminution des consommations et des phénomènes associés comme le craving. On suivra avec intérêt les résultats du baclophène en matière d’alcool. L’objectif final est bien de permettre à une personne souffrant d’une problématique addictive de reprendre sa vie en main en prenant des décisions positives pour sa santé. Et en lui proposant, autant que faire se peut, toutes les options disponibles, en toute connaissance scientifique (voir ci-dessous). v des problèmes d’alcool sont souvent réticents au "compromis" d’une consommation modérée. Les groupes des Alcooliques Anonymes (AA) prônent l’abstinence comme seul remède à l’alcoolisme. Pourtant une multiplicité d’approches devrait permettre de résoudre un problème complexe comme celui de l’alcool. La consommation contrôlée est à la fois un but et un moyen qu’il faut décliner suivant les substances et les modalités en s’appuyant sur les progrès des prises en charge… Interventions brèves, nouvelles stratégies et éducation thérapeutique En offrant la possibilité de se mettre d’accord avec le patient sur un objectif de consommation, l’intervention brève (évaluer, conseiller, se mettre Jeudi 24 mars 2011 Quelle place pour une éducation thérapeutique du patient… et du soignant ? Amphithéâtre Jean-Carrère de l’IFSI Établissement public de santé Paul-Guiraud 54, avenue de la République, 94800 Villejuif Métro : Louis Aragon – Bus 172 Sous la présidence du Pr Aimé Charles Nicolas Animation : Dr Pascal Courty (comité de rédaction du Courrier des Addictions) Véritable révolution thérapeutique Plus de 100 000 patients dépendants des opiacés en soins depuis le milieu des années 1990, réputés intraitables, sont quotidiennement pris en charge majoritairement par des médecins de ville qui ont appris à mieux les connaître. Ainsi les patients passent-ils progressivement de l’inter-relation usager de drogue/drogue/dealer à celle de patient/médicament/prescripteur. Avancée dans le domaine de la santé publique. Probablement est-il temps de mutualiser les enseignements de cette orientation addictologique et envisager la perspective de mise à disposition de nouveaux traitements s’intéressant notamment à la prévention des rechutes (maîtrise du craving…) Chercher des réponses dans la dimension humaine et humaniste de l’éducation thérapeutique On a beaucoup exploré le rapport que le patient a entretenu avec son produit et son environnement et on a souvent décrit la prise de drogue comme un voyage mais qu’en est-il du rapport nouveau avec un produit qui ne défonce plus qui ne fait pas d’ "effet" au sens de se sentir dans un état extrême ? Se sentir "bien", "normal", "comme tout le monde" semble être assez difficile à envisager quand la pseudo-maîtrise de sa conduite n’existe plus. On voit bien les tentatives de détournement et de mésusage des traitements comme un ultime effort pour résister au changement que permet le traitement. Qui dit traitement dit aussi la découverte d’autres effets, la plupart bénéfiques, mais aussi indésirables. Quand une personne a pris pendant des années des produits illicites avec un maximum de risques, elle devient tout à coup attentive aux autres effets des traitements (Pourquoi un traitement prescrit met-il si longtemps à agir alors que mon produit me défonçait si vite ? qu’est ce qu’un effet secondaire acceptable quand on a flirté avec la mort pendant si longtemps ?...) Ce sont ces rapports nouveaux, ce changement de modèle que nous souhaiterions aborder dans cette journée. (QEUHI %R\DQ&KULVWRSKRURYSUpVLGHQWGHOD6$) +HQUL3RLQVLJQRQGLUHFWHXUGHJURXSHKRVSLWDOLHU )UDQoRLV%RXUGLOORQ6)633DULV4XHOOHpGXFDWLRQjOD JXpULVRQG¶XQHPDODGLHFKURQLTXHO¶H[HPSOHGHO¶KpSD WLWH&3DVFDO0pOLQ626+pSDWLWHV&+6DLQW'L]LHU/HV FRPSpWHQFHVGHVDFWHXUVGHOD5'5$XUpO\0DUFLOODF(/) $L[HQ3URYHQFH/HVXVDJHUVGHGURJXHVGHVSDWLHQWV pGXFDEOHV"3DUTXL"3DVFDO&RXUW\6$7,6&+8&OHUPRQW )HUUDQG&RQFOXVLRQ'LGLHU7RX]HDX3{OHDGGLFWLRQV *+3DXO*XLUDXG /DSUpYHQWLRQSDUOHVSDLUVUrYHVHWOLPLWHV)UDQoRLV &KREHDX[&pPpD3DULV'HODSURKLELWLRQjODGRPHV WLFDWLRQGXGUDJRQTXHOOHSODFHSRXUO¶pGXFDWLRQ3DWULFN %HDXYHULHJURXSHKRVSLWDOLHU3DXO*XLUDXG3URMHW(5/, eGXFDWLRQDX[ULVTXHVOLpVjO¶LQMHFWLRQH[SpULHQFHG¶XQH pGXFDWLRQSDUWDJpHXVDJHUVHWLQWHUYHQDQWV0DULH'HEUXV $)53DULVeGXFDWLRQWKpUDSHXWLTXHHWDGGLFWLRQV Le Courrier des addictions (13) – n ° 1 – Janvier-février-mars 2011 4