Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o1 - janvier-février-mars 2002
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DOSSIER
thématique
ristiques de ce rejet chronique sont une
inflammation périvasculaire, une fibrose
et une artériosclérose avec un épaississe-
ment diffus et concentrique de l’intima
conduisant au rétrécissement et à l’oc-
clusion de la lumière des artères et des
artérioles de l’organe transplanté. Ce
rétrécissement vasculaire est principale-
ment dû à une prolifération intimale des
cellules musculaires lisses (3).
Les mécanismes moléculaires et cellu-
laires de cette détérioration fonctionnelle
progressive ne sont qu’imparfaitement
compris. Aussi, en plus de l’activation
immunitaire liée à la réponse allogénique
(“facteurs dépendants des alloanti-
gènes”), un certain nombre de facteurs
de progression du rejet chronique ont été
identifiés, les “facteurs indépendants des
alloantigènes” (4) :réanimation du don-
neur, qualité du greffon, incompatibilités
morphologiques, lésions d’ischémie
reperfusion, infections virales, en parti-
culier à cytomégalovirus (CMV), néphro-
toxicité médicamenteuse, hypertension
artérielle, hyperlipidémie. L’implication
dans le rejet chronique de certains de ces
facteurs, parfois appelés non immunolo-
giques, est d’ailleurs souvent liée à une
activation immunitaire. Tel est le cas des
lésions d’ischémie-reperfusion qui, dans
certains modèles animaux, peuvent être
prévenues par le blocage de l’activation
lymphocytaire T (5). La mise en évidence
de ces différents facteurs “indépendants
des alloantigènes”, associée à l’absence
de progrès décisifs apportés par la
meilleure utilisation des traitements
immunosuppresseurs, a souvent conduit
à occulter la nature avant tout immuno-
logique du rejet chronique, et a placé sur
le devant de la scène les facteurs de pro-
gression. Cela s’est traduit par la multi-
plication des termes employés pour
dénommer ce processus : dysfonction
chronique du greffon, destruction chro-
nique du greffon, néphropathie chronique
du transplant, vasculopathie chronique de
l’allogreffe, etc. Il est peut-être néces-
saire d’appeler un chat un chat, et la
détérioration chronique du greffon...
un rejet chronique. En effet, outre le fait
que ces lésions s’observent essentielle-
ment lorsqu’il y a une disparité entre les
antigènes d’histocompatibilité du don-
neur et du receveur, il existe actuellement
des arguments suggérant que la dysfonc-
tion chronique du greffon pourrait être
liée avant tout à une immunosuppression
insuffisante et/ou inadéquate.
ARGUMENTS EN FAVEUR
D’UNE IMMUNOSUPPRESSION
INSUFFISANTE ET/OU INADÉQUATE
Ce sont surtout :
#l’observation selon laquelle le rejet
aigu constitue le principal facteur de
risque d’une dysfonction chronique ulté-
rieure, principalement lorsqu’il n’y a pas
de normalisation de la fonction rénale
sous traitement ;
#la possibilité, dans les modèles expé-
rimentaux, de prévenir la vasculopathie
des greffons par l’induction d’une tolé-
rance ou par le blocage du second signal
de costimulation des lymphocytes T.
S’agissant d’un rejet aigu, plusieurs
études concordent pour en faire le prin-
cipal facteur de risque d’une dysfonction
chronique du greffon, avec un risque rela-
tif multiplié par 7,7 (6), une incidence
plus élevée quand il existe plus d’un rejet
aigu dans les suites d’une transplantation
(7), un risque majoré pour une créatini-
némie dépassant 130 mmol/l à un an (8)
et, enfin, des arguments expérimentaux
dans un modèle de transplantation d’aorte
chez le rat (9), dans lequel ont été étudiés
les effets du rejet aigu sur le développe-
ment de l’hyperplasie intimale. En effet,
le rejet aigu dans les quatre premières
semaines de la greffe chez un receveur
allogénique est suffisant pour induire une
hyperplasie intimale, même quand le
greffon est replacé ultérieurement chez
un receveur syngénique.
La possibilité de prévenir la vasculopa-
thie du greffon par l’induction d’une tolé-
rance a été étudiée dans des modèles
expérimentaux. Il est possible, chez des
miniporcs incompatibles au niveau du
complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) de classe I, d’induire une tolé-
rance de greffe rénale. La réalisation ulté-
rieure d’une greffe de cœur sans immu-
nosuppression permet une survie
prolongée de ce greffon sans signe de
rejet chronique (10). De même, chez le
rat tolérant une greffe de cœur, il est pos-
sible de réaliser, cent jours plus tard, une
greffe d’aorte allogénique sans qu’il soit
observé aucun signe de vasculopathie,
malgré l’absence de traitement immuno-
suppresseur (11).
Le blocage du second signal de costimu-
lation B7-CD 28 par CTLA 4-Ig et anti-
CD 40 L (figure 1) a également montré
son efficacité à prévenir le rejet chronique
dans différents modèles de transplantation
animale : rein et cœur chez le rat par blo-
cage précoce (12, 13) ; cœur chez la sou-
ris par blocage chronique (14), et même
rein chez le rat par blocage tardif (15). Il
en est de même quand on associe CTLA 4-
Ig et anti-CD 40 L dans différents modèles
murins de transplantation de cœur ou
d’aorte (16-18). Les travaux récents de
Kirk et al. montrent que, chez le primate,
l’administration prolongée (jusqu’à la
12esemaine) d’un anticorps anti-CD 40 L
humanisé induit une survie prolongée
(supérieure à un an) de la greffe de rein
allogénique en l’absence de tout traite-
ment ultérieur (19). Les premiers résultats
ont montré l’absence de signes de vascu-
lopathie du transplant, du moins à court
terme, un an après l’arrêt du traitement.
En conclusion, tous ces arguments sem-
blent démontrer qu’un meilleur contrôle
de la réponse immunitaire allogénique
pourrait empêcher, ou du moins retarder
et/ou diminuer, la survenue du rejet chro-
nique. Cela soulève le problème de l’im-
munosuppression à long terme : est-elle
insuffisante ou inadéquate ?
IMMUNOSUPPRESSION
À LONG TERME INADÉQUATE
PLUTÔT QU’INSUFFISANTE
Il est peu probable qu’on puisse envisa-
ger de prévenir la dysfonction chronique
des greffons par une augmentation de
l’immunosuppression, d’autant qu’un
accroissement des doses, au moins des
inhibiteurs de la calcineurine (ciclospo-
rine A et tacrolimus), augmenterait les
effets néphrotoxiques et aggraverait les
résultats à long terme. Il faut néanmoins