D OSSIER thématique Le rejet chronique Coordinateur : E. Morelon, hôpital Necker, 75015 Paris. ! Le rejet chronique - Introduction - C. Legendre ! Transplantation pulmonaire et bronchiolite oblitérante M. Stern ! La dysfonction chronique du greffon rénal - J. Dantal ! Le rejet chronique en transplantation hépatique O. Farges, M. Sebagh " Mécanismes immunologiques de la dysfonction chronique du greffon - Y. Lebranchu ! La vasculopathie du greffon après transplantation cardiaque R. Dorent Mécanismes immunologiques de la dysfonction chronique du greffon ! Y. Lebranchu* Résumé Résumé Le rejet chronique semble lié à une réponse immunitaire chronique à prédominance Th2, induite par une présentation indirecte permanente, à bas bruit, par les cellules dendritiques du receveur. Cette réponse immunitaire a pour cible essentielle l’endothélium du greffon qu’elle active, entraînant la synthèse de facteurs de croissance, de cytokines... et un remodelage vasculaire. De nombreux éléments, indépendants des alloantigènes, sont aussi capables d’amplifier et/ou d’induire cette activation endothéliale et la vasculopathie du greffon. En transplantation rénale, les mécanismes du rejet chronique et de la réduction néphronique se rejoignent dans la genèse de la dysfonction chronique du greffon. Ces éléments doivent nous amener à repenser nos stratégies immunosuppressives en privilégiant, dans les premiers mois, les traitements permettant de diminuer l’incidence des rejets aigus et, ensuite, ceux qui pourraient s’opposer à l’activation endothéliale chronique et au remodelage vasculaire. Mots-clés : Rejet chronique - Activation endothéliale - TGFß - Th2 - Facteurs de progression - Tolérance. epuis vingt ans, des progrès subD stantiels ont été faits dans la prévention du rejet aigu, dont l’incidence est actuellement largement inférieure à 25 % en transplantation rénale, et dans l’amélioration des résultats à court terme des transplantations d’organes. À titre d’exemple, la survie des greffons rénaux un an après la greffe se situe en France entre 90 et 95 % selon les équipes. Ces *Service néphrologie et immunologie clinique, CHU Tours, 37044 Tours. 20 progrès ont été obtenus essentiellement par la mise à disposition et une utilisation optimale d’immunosuppresseurs puissants. Malheureusement, ces progrès à court terme ont un impact relativement limité sur la survie à long terme des greffons, la demi-vie des greffons à garder n’ayant pas augmenté de façon similaire ces vingt dernières années (1, 2). La cause principale de ces pertes tardives du greffon est le rejet chronique, associé à une vasculopathie oblitérante et à d’autres manifestations structurales. Les caracté- Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o 1 - janvier-février-mars 2002 D OSSIER thématique ristiques de ce rejet chronique sont une inflammation périvasculaire, une fibrose et une artériosclérose avec un épaississement diffus et concentrique de l’intima conduisant au rétrécissement et à l’occlusion de la lumière des artères et des artérioles de l’organe transplanté. Ce rétrécissement vasculaire est principalement dû à une prolifération intimale des cellules musculaires lisses (3). antigènes d’histocompatibilité du donneur et du receveur, il existe actuellement des arguments suggérant que la dysfonction chronique du greffon pourrait être liée avant tout à une immunosuppression insuffisante et/ou inadéquate. Les mécanismes moléculaires et cellulaires de cette détérioration fonctionnelle progressive ne sont qu’imparfaitement compris. Aussi, en plus de l’activation immunitaire liée à la réponse allogénique (“facteurs dépendants des alloantigènes”), un certain nombre de facteurs de progression du rejet chronique ont été identifiés, les “facteurs indépendants des alloantigènes” (4) : réanimation du donneur, qualité du greffon, incompatibilités morphologiques, lésions d’ischémie reperfusion, infections virales, en particulier à cytomégalovirus (CMV), néphrotoxicité médicamenteuse, hypertension artérielle, hyperlipidémie. L’implication dans le rejet chronique de certains de ces facteurs, parfois appelés non immunologiques, est d’ailleurs souvent liée à une activation immunitaire. Tel est le cas des lésions d’ischémie-reperfusion qui, dans certains modèles animaux, peuvent être prévenues par le blocage de l’activation lymphocytaire T (5). La mise en évidence de ces différents facteurs “indépendants des alloantigènes”, associée à l’absence de progrès décisifs apportés par la meilleure utilisation des traitements immunosuppresseurs, a souvent conduit à occulter la nature avant tout immunologique du rejet chronique, et a placé sur le devant de la scène les facteurs de progression. Cela s’est traduit par la multiplication des termes employés pour dénommer ce processus : dysfonction chronique du greffon, destruction chronique du greffon, néphropathie chronique du transplant, vasculopathie chronique de l’allogreffe, etc. Il est peut-être nécessaire d’appeler un chat un chat, et la détérioration chronique du greffon... un rejet chronique. En effet, outre le fait que ces lésions s’observent essentiellement lorsqu’il y a une disparité entre les Ce sont surtout : # l’observation selon laquelle le rejet aigu constitue le principal facteur de risque d’une dysfonction chronique ultérieure, principalement lorsqu’il n’y a pas de normalisation de la fonction rénale sous traitement ; # la possibilité, dans les modèles expérimentaux, de prévenir la vasculopathie des greffons par l’induction d’une tolérance ou par le blocage du second signal de costimulation des lymphocytes T. ARGUMENTS EN FAVEUR D’UNE IMMUNOSUPPRESSION INSUFFISANTE ET/OU INADÉQUATE S’agissant d’un rejet aigu, plusieurs études concordent pour en faire le principal facteur de risque d’une dysfonction chronique du greffon, avec un risque relatif multiplié par 7,7 (6), une incidence plus élevée quand il existe plus d’un rejet aigu dans les suites d’une transplantation (7), un risque majoré pour une créatininémie dépassant 130 mmol/l à un an (8) et, enfin, des arguments expérimentaux dans un modèle de transplantation d’aorte chez le rat (9), dans lequel ont été étudiés les effets du rejet aigu sur le développement de l’hyperplasie intimale. En effet, le rejet aigu dans les quatre premières semaines de la greffe chez un receveur allogénique est suffisant pour induire une hyperplasie intimale, même quand le greffon est replacé ultérieurement chez un receveur syngénique. La possibilité de prévenir la vasculopathie du greffon par l’induction d’une tolérance a été étudiée dans des modèles expérimentaux. Il est possible, chez des miniporcs incompatibles au niveau du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I, d’induire une tolérance de greffe rénale. La réalisation ultérieure d’une greffe de cœur sans immunosuppression permet une survie 21 prolongée de ce greffon sans signe de rejet chronique (10). De même, chez le rat tolérant une greffe de cœur, il est possible de réaliser, cent jours plus tard, une greffe d’aorte allogénique sans qu’il soit observé aucun signe de vasculopathie, malgré l’absence de traitement immunosuppresseur (11). Le blocage du second signal de costimulation B7-CD 28 par CTLA 4-Ig et antiCD 40 L (figure 1) a également montré son efficacité à prévenir le rejet chronique dans différents modèles de transplantation animale : rein et cœur chez le rat par blocage précoce (12, 13) ; cœur chez la souris par blocage chronique (14), et même rein chez le rat par blocage tardif (15). Il en est de même quand on associe CTLA 4Ig et anti-CD 40 L dans différents modèles murins de transplantation de cœur ou d’aorte (16-18). Les travaux récents de Kirk et al. montrent que, chez le primate, l’administration prolongée (jusqu’à la 12e semaine) d’un anticorps anti-CD 40 L humanisé induit une survie prolongée (supérieure à un an) de la greffe de rein allogénique en l’absence de tout traitement ultérieur (19). Les premiers résultats ont montré l’absence de signes de vasculopathie du transplant, du moins à court terme, un an après l’arrêt du traitement. En conclusion, tous ces arguments semblent démontrer qu’un meilleur contrôle de la réponse immunitaire allogénique pourrait empêcher, ou du moins retarder et/ou diminuer, la survenue du rejet chronique. Cela soulève le problème de l’immunosuppression à long terme : est-elle insuffisante ou inadéquate ? IMMUNOSUPPRESSION À LONG TERME INADÉQUATE PLUTÔT QU’INSUFFISANTE Il est peu probable qu’on puisse envisager de prévenir la dysfonction chronique des greffons par une augmentation de l’immunosuppression, d’autant qu’un accroissement des doses, au moins des inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine A et tacrolimus), augmenterait les effets néphrotoxiques et aggraverait les résultats à long terme. Il faut néanmoins Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o 1 - janvier-février-mars 2002 D OSSIER thématique Immunosuppression inadéquate ? TCR a Signal 1 CM Probablement oui Rejet aigu et rejet chronique sont des entités différentes T CPA Rejet aigu CD 40 Inflammatoire Cytolytique ! Présentation directe ! Th1 b c Signal 2 CD 28 T Figure 1. Coopération CD 40 L-CD 28 dans l’activation T. Le deuxième signal, dit de costimulation, est induit par la liaison des molécules B 7 (CD 80 et CD 86) de la cellule dendritique présentatrice et des molécules CD 28 du lymphocyte T (1c). Le deuxième signal s’associe au premier signal induit par la reconnaissance du complexe CMH-peptide par le récepteur T (TCR) pour induire la transcription et la synthèse de l’interleukine 2. Ce premier signal induit l’expression du ligand de CD 40 (CD 40 L) à la membrane des lymphocytes T (1a). Le ligand de CD 40 peut alors se lier à CD 40 et activer la cellule présentatrice (1b). Cette dernière, ainsi activée, voit augmenter l’expression membranaire des molécules d’adhérence (ICAM-1, VCAM-1...), mais aussi de costimulation (CD 80, CD 86...). Il existe donc une véritable coopération des molécules CD 40 L-CD 40 et B7-CD 28 dans l’activation T. noter qu’une dose d’entretien trop basse de ciclosporine (inférieure à 5 mg/kg à un an) a été statistiquement corrélée à un risque accru de rejet chronique (20). Il est beaucoup plus vraisemblable que le rejet chronique des organes greffés soit lié à une certaine inadéquation des traite- ments immunosuppresseurs. En effet, les mécanismes du rejet aigu et du rejet chronique des greffons apparaissent comme deux entités distinctes, avec des mécanismes essentiellement inflammatoires et cytolytiques dans le premier cas, modérément inflammatoires, mais surtout prolifératifs, dans le second (figure 2). 22 ! ! ! Par ailleurs, le mode d’activation principal des lymphocytes T par les peptides allogéniques est vraisemblablement différent dans les deux cas : à la présentation directe des alloantigènes par les cellules dendritiques du donneur qui caractérise le rejet aigu pourrait en effet se substituer, au cours du rejet chronique, une présentation indirecte, chronique, de ces alloantigènes par les cellules dendritiques du receveur, à l’origine de l’activation endothéliale. B7-1 B7-2 CPA Peu inflammatoire Prolifératif ! Présentation indirecte ! Th2 ! Figure 2. Caractéristiques des rejets aigus et chroniques. T CPA Rejet chronique Ces éléments ont conduit certains auteurs à émettre l’hypothèse d’une activation préférentielle des lymphocytes T de type Th2 par présentation indirecte au cours du rejet chronique (21). Les lymphocytes T helper peuvent être en effet schématiquement divisés en deux souspopulations distinctes (Th1 et Th2), selon les cytokines qu’ils synthétisent préférentiellement et leurs fonctions effectrices (22). Les lymphocytes T Th1 synthétisent préférentiellement l’IL-2, l’IFNγ, le TNFα, et régulent les fonctions de cytotoxicité et d’hypersensibilité retardée. Ils pourraient être préférentiellement activés par voie directe, et être responsables des lésions de rejet aigu cellulaire. Les lymphocytes T Th2, eux, synthétisent préférentiellement l’IL-4, l’IL-5, l’IL-10 et l’IL-13, et sont impliqués dans les réponses humorales. Il existe plusieurs arguments en faveur d’une réponse préférentielle Th2 au cours du rejet chronique (21). Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o 1 - janvier-février-mars 2002 D OSSIER thématique $ La majorité des travaux montre une expression prédominante de cytokines Th2 et la présence de lymphocytes T CD4+ Th2 dans les greffons atteints de rejet chronique. dont les éléments tant cellulaires qu’humoraux ne sont actuellement qu’imparfaitement caractérisés, a pour cible l’endothélium du greffon qu’elle active. % Les cytokines de type Th2 jouent un rôle critique dans la régulation des mécanismes effecteurs du rejet chronique, comme la production d’alloanticorps, l’activation endothéliale, la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses. En effet, il a été rapporté par plusieurs auteurs que l’apparition et/ou la majoration d’anticorps anti-HLA après la greffe est un facteur de dégradation chronique du greffon (23). Les anticorps antiHLA et/ou endothélium peuvent, en effet, se fixer sur l’endothélium et entraîner son activation (24-26). Une évidence directe de l’implication des anticorps anti-HLA a été apportée récemment avec l’utilisation de souris ayant un déficit congénital en immunoglobulines ou dont certains gènes des immunoglobulines ont été inactivés. En effet, ces souris ne développent pas, ou peu, de rejet chronique lorsqu’elles reçoivent un greffon allogénique, alors que le transfert d’anticorps alloréactifs induit des lésions de vasculopathie du transplant (18). ACTIVATION ENDOTHÉLIALE CHRONIQUE : POINT CLÉ DE LA DYSFONCTION CHRONIQUE DU GREFFON Enfin, le fait que les immunosuppresseurs les plus utilisés ces dernières années (en particulier les anticalcineuriniques) inhibent modérément, d’une part, la réponse lymphocytaire induite par la présentation indirecte (27) et, d’autre part, la synthèse de cytokines Th2 et d’anticorps (28-30) expliquerait leur relative inefficacité dans la prévention du rejet chronique. En conclusion, beaucoup d’arguments laissent à penser que le rejet chronique est lié à une réponse immunitaire chronique à bas bruit, induite par une présentation indirecte des alloantigènes par les cellules dendritiques du receveur, dont la maturation s’effectue peut-être à partir des monocytes sanguins du receveur au contact de l’endothélium du donneur (31), qui active préférentiellement des lymphocytes Th2, et semble imparfaitement contrôlée par les immunosuppresseurs actuels. Cette réponse immunitaire, L’activation endothéliale se traduit par l’induction de multiples gènes de molécules d’adhérence, de cytokines, de chimiokines et de molécules prothrombotiques, dont l’expression est essentiellement contrôlée par le facteur de transcription NF-κB. L’activation endothéliale est, en outre, à l’origine de la synthèse d’eicosanoïdes, de facteurs de croissance et d’inhibiteurs de protéase (figure 3), qui entraînent un remodelage vasculaire dont les principales caractéristiques sont la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses et l’augmentation de la synthèse des protéines de la matrice extracellulaire, aboutissant à une hyper- trophie de l’intima et à une oblitération progressive “centripète” de la lumière vasculaire. L’inhibition de l’activation endothéliale par l’induction de “gènes protecteurs” tels que les gènes antiapoptotiques Bcl-2 et Bcl-xl, A 20 et A 1 ou des antioxydants comme l’hémooxygénase 1 ou HO-1 prévient, chez la souris, la survenue d’athérosclérose du transplant (18). La part respective et le site cellulaire précis de synthèse des différents facteurs de croissance en cause (PDGF A et B, TGF, IGF-1, eGF, β-FGF, endothéline) ne sont pas parfaitement définis. Néanmoins, un certain nombre de travaux récents ont souligné le rôle critique du TGF-β dans la genèse et l’amplification des processus de fibrose vasculaire : on a, en effet, pu établir une relation entre son niveau d’expression tubulo-interstitielle (32) et glomérulaire (33) et l’existence de lésions de rejet chronique, de même qu’entre l’augmentation de son taux d’ARNm et la présence de fibrose rénale (34, 35). Activation endothéliale Cytokines et chimiokines Molécules procoagulantes ! ! ! IL-1 ! IL-8 ! IL-6 ! MCP-1 Facteur tissulaire PAI-1 Molécules d'adhérence Sélectine P Sélectine E ! ICAM-1 ! VCAM-1 ! ! Endothéline Facteurs de croissance NF-κB contrôle l'expression de la plupart de ces gènes Figure 3. Conséquences de l’activation endothéliale. Suite de l’article page 26 & 23 Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o 1 - janvier-février-mars 2002 D OSSIER thématique .../... FACTEURS INDÉPENDANTS DES ALLOANTIGÈNES “morphologiques” entre donneur et receveur, les lésions d’ischémie-reperfusion, l’infection à CMV, l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie ainsi que la néphrotoxicité chronique de certains immunosuppresseurs. À côté des facteurs immunologiques de déclenchement du rejet chronique (voie “classique”), des facteurs indépendants des alloantigènes (voie “alterne”), capables également d’induire une activation endothéliale et donc de contribuer à la dysfonction chronique du greffon, ont été identifiés (figure 4). Ces facteurs, indépendants des alloantigènes, agissent comme des facteurs d’amplification des facteurs immunologiques, contribuant à la dysfonction chronique du greffon en entraînant une activation endothéliale chronique, mais peut-être aussi, en transplantation rénale, par l’intermédiaire d’une réduction de la Ces facteurs sont principalement : les conditions de réanimation du donneur et de prélèvement, les incompatibilités Voie classique Voie alterne Facteurs dépendants des alloantigènes Facteurs dépendants des alloantigènes Ischémie-reperfusion CMV ! Ciclosporine A ! Hypertension ! Hyperlipidémie ! ! Réponse allo-immune Point d'irréversibilité ? Activation endothéliale chronique ! ! Cytokines Facteurs de croissance Vasculopathie du greffon Figure 4. Activation endothéliale par “voie classique” (rejet chronique) et/ou par “voie alterne” conduisant à la vasculopathie du transplant. Facteurs dépendants des alloantigènes Facteurs indépendants des alloantigènes Ischémie-reperfusion CMV ! Ciclosporine A ! Réponse allo-immune ! Activation endothéliale chronique Apoptose ? Réduction “donneur” néphronique Hyperfiltration & angiotensine II & TGFβ & TGFβ Vasculopathie du transplant Glomérulosclérose fibrose interstitielle masse néphronique (36). La dysfonction chronique du greffon rénal ressemble en effet à la détérioration progressive inexorable liée à la réduction néphrotique observée dans l’ensemble des maladies rénales chroniques. Une réduction néphronique peut d’ailleurs s’observer dans un certain nombre de situations qui aboutissent à une dysfonction chronique du greffon rénal : incompatibilités morphologiques (donneur de moins de trois ans ou de plus de 60 ans, donneur féminin-receveur masculin, donneur de race noire...), lésions ischémiques, rejet aigu, toxicité chronique des anticalcineuriniques. La réduction néphronique est à l’origine d’une hyperfiltration, avec augmentation de la pression capillaire glomérulaire et apparition de protéinurie, d’une augmentation de sécrétion de l’angiotensine II et, ainsi, d’une augmentation de sécrétion du TGFβ, dont les conséquences sont l’induction d’une glomérulosclérose et d’une fibrose interstitielle qui aggravent la vasculopathie induite par l’activation chronique endothéliale (figure 5). Dans la mesure où les anticalcineuriniques induisent la synthèse de TGFβ et d’endothéline, cela pourrait nous fournir une piste permettant de comprendre pourquoi nos protocoles immunosuppresseurs actuels paraissent bien adaptés dans les premiers mois (immunosuppression majorée par la synthèse de TGFβ permettant de réduire l’incidence des rejets aigus), et moins bien à plus long terme (progression de la dysfonction chronique). Les résultats récents montrant une relation entre rejet chronique et génotype du TGFβ renforcent l’idée d’une implication de cette cytokine dans la pathogénie du rejet chronique. Ainsi, bien que le rejet chronique et les facteurs indépendants des alloantigènes soient des entités nosologiques différentes, ils paraissent converger vers une voie commune conduisant à la dysfonction chronique d’allogreffe (2). CONCLUSION Dysfonction chronique du greffon Figure 5. Intrication des mécanismes du rejet chronique de la réduction néphronique dans la genèse de la dysfonction chronique du greffon rénal. 26 Il semble très important actuellement, pour améliorer la survie fonctionnelle du greffon, de repenser les traitements immunosuppresseurs sur un mode Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o 1 - janvier-février-mars 2002 D OSSIER thématique séquentiel, c’est-à-dire en utilisant dans les premiers mois ceux qui permettent de diminuer l’incidence du rejet aigu clinique, voire infraclinique (37). En revanche, après les premiers mois, il est préférable de privilégier ceux qui n’ont pas de toxicité endothéliale, en favorisant, peut-être, ceux qui sont susceptibles d’inhiber l’activation par voie indirecte et, sans aucun doute, ceux qui sont aptes à inhiber la synthèse et/ou l’action des facteurs de croissance, le TGFβ particulièrement. Il serait en outre souhaitable de disposer de marqueurs précoces fiables du rejet chronique pour tenter d’enrayer son irréversibilité et améliorer la survie du greffon. ' vasculopathy in major histocompatibility complex class I-disparate miniature swine. Transplantation 1998 ; 65 : 304-13. 11. Akyürek LM, Johnsson C, Lange D et al. Tolerance induction ameliorates allograft vasculopathy in rat aortic transplants : influence of Fas-mediated apoptosis. J Clin Invest 1998 ; 101 : 2889-99. 12. Sayegh MH, Turka LA. T cell costimulatory pathways : promising novel targets for immunosuppression and tolerance induction. J Am Soc Nephrol 1995 ; 6 : 1143-50. 13. Russel ME, Hancock WH, Akalin E et al. Chronic cardiac rejection in the LEW to F344 rat model. J Clin Invest 1996 ; 97 : 833-8. 14. Glysing-Jensen T, Raïsänen-Sokolowski A, Sayegh MH, Russel ME. 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