La Lettre du Cardiologue - n° 303 - novembre 1998
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I
NFORMATIONS
nécessite, pour cette comparaison, plusieurs types d’études :
d’abord des études angiographiques pour juger de la qualité de
la reperfusion (concept du “plus d’artères ouvertes, plus de vies
sauvées”), puis des études cliniques pour juger de l’efficacité de
la molécule sur la morbi-mortalité et sur la sécurité d’emploi (éva-
luation du risque par rapport au bénéfice obtenu).
La rétéplase a une demi-vie équivalente au double de celle du
rt-PA (environ 16 minutes, permettant son injection en deux bolus,
séparés de trente minutes). L’étude angiographique (RAPID 2)
montre, à 90 minutes, un taux d’artères ouvertes significative-
ment plus élevé avec la rétéplase qu’avec l’altéplase. La première
étude clinique (INJECT) a montré une équivalence sur la morta-
lité à un mois entre la rétéplase et la streptokinase, et une sécu-
rité comparable, notamment par rapport aux accidents vasculaires
cérébraux totaux, avec toutefois un peu plus d’hémorragies dans
le groupe rétéplase, mais sans conséquence à distance. La com-
paraison avec le rt-PA s’est effectuée sur un peu plus
de15 000 patients dans l’étude GUSTO 3, aboutissant à une
grande comparabilité des deux produits sur la mortalité et sur le
risque hémorragique (en particulier vasculaire cérébral). Il n’y a
donc pas de supériorité de la rétéplase sur l’altéplase.
Le t-PA-TNK possède également une demi-vie plus longue per-
mettant un seul bolus (40 mg) ; il est fibrino-spécifique, facile à
administrer. Il a été évalué angiographiquement par l’étude TIMI
10b, et sur sa sécurité par l’étude ASSENT 1 ; les résultats ont
été comparables à ceux du rt-PA dans les deux approches. Une
grande étude de mortalité sur plus de 10 000 patients (ASSENT 2)
est en cours. Ces études nous ont appris également qu’il faut uti-
liser l’héparine avec les agents thrombolytiques, mais à doses
faibles si l’on veut diminuer les risques hémorragiques.
La lanotéplase, également à longue demi-vie, utilisable en simple
bolus, a été évaluée angiographiquement dans l’étude INTIME
(600 patients) : l’efficacité était proportionnelle à l’augmentation
de la posologie du produit, faisant retenir la dose la plus forte, et
permettant d’obtenir un taux de reperméabilité légèrement mais
significativement supérieur à celui du rt-PA (57 %). On a encore
peu de données sur sa sécurité d’emploi, et une étude de morta-
lité est également en cours (INTIME 2).
La saruplase et la staphylokinase sont d’autres molécules en cours
d’évaluation.
Les traitements adjuvants sont justifiés par la libération de
thrombine lors de l’action des fibrinolytiques, constituant un puis-
sant procoagulant, et nécessitant l’adjonction d’antiagrégants pla-
quettaires ; l’étude ISIS montre, en effet, que les meilleurs scores
de réduction de mortalité sont obtenus par la combinaison d’un
thrombolytique et d’aspirine. On s’est ainsi intéressé aux agents
antiglycoprotéines IIb/IIIa, qui faciliteraient la reperfusion et la
rendraient plus rapide. Leur association aux thrombolytiques à
pleine dose augmente cependant de façon très importante la fré-
quence des accidents hémorragiques cérébraux et leur sévérité ;
face à ce constat, la recherche s’oriente vers leur combinaison avec
des doses réduites de thrombolytiques. Ce cocktail est en cours
d’évaluation dans l’étude angiographique TIMI 14 par rapport à
la molécule de référence (rt-PA), avec l’abciximab seul ou asso-
cié à des doses réduites de rt-PA ou de streptokinase. Actuelle-
ment, en termes de résultat angiographique, on peut dire que :
– l’abciximab seul fait aussi bien que la streptokinase seule (étude
GUSTO) ;
– l’abciximab associé à la streptokinase à petite dose ne fait pas
mieux que le rt-PA seul ;
– en revanche, les résultats sont très prometteurs pour une asso-
ciation de 50 mg de rt-PA et d’abciximab, avec un taux d’artères
ouvertes de 77 % à 90 minutes.
En termes de sécurité, cette association semble encourageante,
sans majoration du risque d’accident hémorragique cérébral. Il
faut absolument éviter l’association streptokinase à pleine dose
avec l’abciximab, cause de saignements. Les mêmes recherches
sont également en cours avec l’association à la rétéplase dans
l’étude SPEED pour l’évaluation angiographique. GUSTO IV
va rechercher, sur 15 000 patients, la sécurité d’une telle asso-
ciation.
Conclusion
– Les thrombolytiques de deuxième génération ont permis de
franchir un pas important.
– Les nouveaux agents sont en cours d’évaluation et seront plus
faciles à administrer.
– La combinaison d’antiagrégants plaquettaires puissants et de
fibrinolytiques est prometteuse, car elle semble améliorer la reper-
fusion, mais nécessite encore qu’on en vérifie la sécurité.
Revascularisation mécanique
J.P. Monassier a rappelé d’entrée que l’angioplastie translumi-
nale constitue actuellement la meilleure méthode de reperfusion
face aux succès seulement partiels de la thrombolyse. Qu’elle soit
directe, de sauvetage après échec d’une thrombolyse, après throm-
bolyse ou différée, l’angioplastie est très efficace et peu dange-
reuse, à condition d’avoir un plateau technique adéquat. Elle doit
cependant beaucoup au développement des endoprothèses coro-
naires et des nouveaux antiagrégants plaquettaires, lorsqu’elle est
utilisée à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde.
Dans l’étude STENTIM 2, sur 200 patients en phase aiguë d’in-
farctus du myocarde, on obtient 97 % d’artères ouvertes et un
suivi sans événement cardiovasculaire sur 95 % des patients, pen-
dant la phase hospitalière. Ainsi, dans les essais randomisés, l’an-
gioplastie transluminale primaire apparaît nettement supérieure
à la thrombolyse. Dans la méta-analyse de E. Topol en 1996, uti-
lisant les résultats de toutes les études randomisées comparant
l’angioplastie transluminale et la thrombolyse (à une époque ou
les endoprothèses n’étaient pas utilisées en cours d’angioplastie
primaire), on constate une différence de mortalité significative :
2,9 % dans le groupe angioplastie contre 6,4 % dans le groupe
thrombolyse. En cas de patients à haut risque (plus de 70 ans,
antécédent d’infarctus, PAS basse ou tachycarde, infarctus du
myocarde antérieur), la mortalité est de 2 % en angioplastie contre
10 % en thrombolyse, dans l’étude PAMI 1 (résultats d’études
a posteriori, confirmés par l’étude de STONE).
Le débat se poursuit malgré tout, à cause de l’étude GUSTO IIb,
dans laquelle l’angioplastie est confiée à des mains moins sélec-
tionnées que dans PAMI 1 et qui ne dégage pas les résultats pré-
cédents (mortalité à 30 jours avec l’angioplastie de 5,7 % contre
7 % dans le groupe thrombolyse, sans différence significative).
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