La Lettre du Sénologue • n° 56 - avril-mai-juin 2012 | 17
Double blocage
de la voie HER2 :
plus fort que le trastuzumab ?
Après une décennie de trastuzumab et quelques
années d’expérience avec le lapatinib, on aurait pu
penser que la situation des cancers du sein HER2+
serait figée pour quelques années. Deux essais
combinant 2 anti-HER2 ont récemment modifié la
prise en charge de ces tumeurs.
Dans un essai randomisé en situation métastatique,
comparant lapatinib au lapatinib + trastuzumab
chez des patientes déjà traitées par trastuzumab,
la SSP est significativement augmentée dans le
bras bithérapie et le taux de bénéfice clinique est
doublé (12,4 % versus 24,7 %). La SG est également
augmentée dans cet essai. Il est remarquable de
constater ce type de résultats chez des patientes
prétraitées, en utilisant une association d’anti-HER2
sans chimiothérapie associée (8).
Plus récemment, les résultats de l’essai CLEOPATRA ont
été remarqués (figure). Dans cet essai international de
phase III en double aveugle, 808 patientes ont ainsi été
randomisées pour recevoir du trastuzumab et du docé-
taxel associés soit à un placebo, soit à du pertuzumab,
un nouvel inhibiteur de dimérisation du récepteur HER.
La SSP médiane s’inscrit à 18,5 mois dans le groupe de
patientes recevant le pertuzumab, contre 12,4 mois
dans le groupe placebo. Cette activité observée corres-
pond à une réduction du risque de progression de 38
%. Les données de SG ne sont cependant pas encore
disponibles, mais l’impact sur la SSP laisse espérer une
amélioration significative de la SG (9).
Les résultats de cette étude sont cependant fragilisés
par le fait que seules 10 % des patientes avaient reçu
du trastuzumab à la phase précoce. Le bénéfice de
ce double blocage reste donc à confirmer chez des
patientes préalablement exposées, ce qui est le cas
en France de toutes les patientes HER2+ depuis 2005.
Enfin, pour les patientes HER2, il faudra suivre
avec attention les résultats de l’essai EMILIA avec
le TDM-1 (molécule conjuguée trastuzumab-emtan-
sine, l’emtansine étant un poison du fuseau mito-
tique) seront présentés en séance plénière à l’ASCO
2012 (abstract n° 1).
La voie PI3K/AKT/mTOR est une des voies actuelle-
ment considérée comme un des mécanismes majeurs
de résistance aux traitements hormonaux du cancer
du sein (10). Dans ce contexte, l’étude BOLERO-2 a
inclus une population de 724 patientes présentant
un cancer du sein avancé RE+ échappant au létrozole
ou à l’anastrozole. Elle a été randomisée (2 :1) entre
exémestane + évérolimus 10 mg/j versus exemes-
tane + placebo. Les résultats sont sans appel :
gain en SSP de 7 mois (10,6 versus 4,1 mois, HR =
0,36, p < 0,001) ; bénéfice identique dans tous
les sous-groupes ; nette tendance au bénéfice en
survie (données non matures) ; pas de différence
en qualité de vie malgré une majoration réelle des
effets indésirables : mucite, rash, fatigue, diarrhée,
perte d’appétit, nausées, etc.
Ce résultat fera date : aucun progrès tangible n’avait
été enregistré dans le cadre des traitements des
cancers du sein avancés ER+ depuis l’introduction
des inhibiteurs de l’aromatase il y a plus de 10 ans.
Indubitablement, le démembrement des méca-
nismes d’adaptation cellulaire aux diverses pressions
thérapeutiques permet de développer des thérapies
rationnelles, visant précisément à contourner ces
mécanismes de résistance, et permettant d’obtenir
des résultats cliniques significatifs.
Cependant, de nombreuses questions sont soulevées
par cette étude et celle française “cousine” TAMRAD
(11) qui restent à ce jour non résolues, et qui devront
l’être avant d’envisager une prescription plus large
de ces agents :
– S’agit-il d’un effet classe des agents ciblant la voie
PI3K/AKT/mTOR, ou lié à chaque agent ?
– S’agit-il réellement d’une abolition de la résis-
tance à l’hormonothérapie ou simplement d’un
effet antiprolifératif, chimio-like, uniquement lié à
l’action intrinsèque de ces molécules ? Les durées
de SSP extrêmement faibles dans les bras contrôles
de TAMRAD et de BOLERO-2, ainsi que certaines
données précliniques le suggèrent (12), le concept
d’association serait ainsi un peu “survendu”, ce qui ne
retire rien aux vertus antitumorales de ces agents…
– Les effets indésirables sont-ils gérables sur le long
terme ? L’article original du New England Journal of
Medicine (9) ne commente pas les effets de grade II,
dont on sait qu’ils sont parfois très limitant au
quotidien et peuvent faire diminuer la compliance
lors de traitements au long cours.
Réjouissons-nous des progrès, mais restons atten-
tifs et vigilants !
Conclusion
La prise en charge thérapeutique du cancer du sein
métastatique fait depuis peu l’objet de quelques
rebondissements alors que les dernières avancées
thérapeutiques majeures remontaient au blocage
de la voie HER2. Il est intéressant d’observer que les
innovations les plus prometteuses dans les phases
précoces de développemet ne se sont pas nécessai-
8. Untch M, Loibl S, Bischoff
J et al. Lapatinib versus tras-
tuzumab in combination with
neoadjuvant anthracycline-
taxane-based chemotherapy
(GeparQuinto, GBG 44): a
randomised phase 3 trial. Lancet
Oncol 2012;13(2):135-44.
9. Baselga J, Cortés J, Kim SB et
al. Pertuzumab plus trastuzumab
plus docetaxel for metastatic
breast cancer. N Engl J Med
2012;366(2):109-19.
10. Sutherland RL, Musgrove
EA. CDK inhibitors as potential
breast cancer therapeutics: new
evidence for enhanced efficacy
in ER+ disease. Breast Cancer Res
2009;11(6):112.
11. Bachelot T, Bourgier C, Cropet
C et al. Randomized phase II trial
of everolimus in combination
with tamoxifen in patients with
hormone receptor-positive,
human epidermal growth factor
receptor 2-negative metastatic
breast cancer with prior expo-
sure to aromatase inhibitors: a
GINECO study. J Clin Oncol 2012
May 7. Proc SABCS 2010;abstract
S1-6.
12. Cottu PH, Assayag F, De
Plater L et al. Establishment
and characterization of human
luminal breast cancer xenografts.
Cancer Res 2010;70(Suppl.2.)
abstract SABCS10-S6-7.
Références
bibliographiques
(suite)
Séno 56juin.indd 17 26/06/12 09:11