35
Journal Marocain des Sciences Médicales 2014, Tome XIX ; N°3
peuvent survenir 10 ans ou plus après le diagnostic
initial. Le taux de récidive tardive est estimé à 11%.
Il a même été rapporté un cas de récidive 45ans
après la néphrectomie [4]. Dans notre cas il
s’agissait d’une métastase de survenue précoce.Les
sites habituels de récidive sont les poumons (75%),
les ganglions lymphatiques locaux, l’os, le foie, le
cerveau et le rein controlatéral avec environ 2% à
10% des patients qui développent des métastases
surrénaliennes [4].
Les métastases cutanées sont rares. Elles ne se
voient que dans 10% des carcinomes viscéraux. Il
s’agit le plus souvent de cancers mammaires (50%),
bronchiques ou de mélanomes et plus rarement d’un
cancer du rein qui ne représente que 6.8% [6, 7]. Le
tronc et l’abdomen sont les plus touchés alors que la
face et le cuir chevelu sont les moins atteints [4].
Ces métastases surviennent plus fréquemment chez
les hommes et se voient aux stades avancés de la
maladie dans un contexte multi-métastatique le plus
souvent mais peuvent être isolées dans 1.6 à 3.6%
des cas seulement [2, 8]. Chez notre patiente la
métastase était isolée et apparue six mois après la
néphrectomie.
Les métastases au niveau du cuir chevelu résultent
d’une dissémination hématogène en raison de la
vascularisation riche de la région [4]. Cette
dissémination peut se faire via une invasion des
veines vertébrales (ou plexus de Batson) qui avec
leur faible pression et l'inversion de la circulation
conduisent à la localisation préférentielle dans la
colonne vertébrale, la thyroïde et le système nerveux
centra, ce qui peut expliquer les métastases au
niveau de la tête et du cou. De même une petite
embolie métastatique peut passer à travers une
communication inter-auriculaire infra clinique ou
peut ne pas être filtrée par les poumons [9].
Le diagnostic des métastases cutanées du CCR peut
être difficile car la présentation de la métastase peut
imiter d'autres lésions dermatologiques tels que les
angiomes, les dermato-fibromes, le cylindrome, les
kystes cutanés, le granulome pyogénique, le sarcome
de Kaposi, les lymphomes cutanés et les réactions
xantho-granulomateuses [10]. Cependant, les
métastases du CCR sont fréquemment très
vascularisés et pulsatiles et le clinicien doit avoir
une suspicion chaque fois qu’il y a apparition d'une
nouvelle lésion cutanée chez un patient ayant une
tumeur rénale associée[9]. Toutefois, le diagnostic
repose sur la biopsie exérèse ou la biopsie à
l’aiguille.
Histologiquement, les métastases peuvent
ressembler à la lésion primaire mais sont le plus
souvent mal différentiées. Les cellules ont tendance
à être claires, de coloration pâle et remplies de
lipides et de glycogène intra-cytoplasmique enclavés
dans un stroma fibreux très vascularisé [11].
L’immunohistochimie montre une positivité aux
marqueurs épithéliaux, à la kératine, à l’antigène de
la membrane épithéliale, à l’antigène
carcinoembryonnaire et à la vimentine [10].
Le traitement repose sur l’exérèse et peut être curatif
en cas de lésion unique ou palliatif en cas de maladie
métastatique disséminée. L’excision chirurgicale des
métastases cutanées du CCR permet une survie
durable sans progression. Ainsi, l'excision des
lésions métastatiques solitaires du CCR survenant
après la néphrectomie donne des taux de survie de
41% à 2 ans et 13% à 5 ans, tandis que les patients
présentant des métastases multiples au moment du
diagnostic auraient 0 à 7% de survie à 5 ans [12]. Et
si dans le passé, les options thérapeutiques efficaces
pour le CCR disséminé étaient limitées et que
traditionnellement le CCR était décrit comme étant
radio-résistant. Il est cependant actuellement prouvé
que la radiothérapie peut aider à dévasculariserla
lésion et peut même entrainer une réduction partielle
du volume tumorale si onaugmente la fraction de
dose délivrée à la lésion de 180-200 cGy [12].Un
seul cas a été rapporté de métastase du cuir chevelu
ayant répondu complètement à la radiothérapie
hypo-fractionnée en combinaison avec le sorafenib
[13]. La radiothérapie peut aussi être utilisé comme
un traitement palliatif des lésions cutanées et si
nécessaire en combinaison avec l'excision [4].
Du point de vue chimiothérapie, le cancer du rein est
chimio résistant et les résultats avec le 5-
fluorouracile n’ont pas été satisfaisant avec des taux
de réponse partielle maximale de 5 à 20% [14].
Ainsi jusqu'en 2006, les thérapies systémiques
principales pour le cancer du rein métastatique ont
été l’interféron-α et l'interleukine-2 mais depuis,
plusieurstraitements anti-angiogéniquesparmi eux
ceux ciblant les récepteurs du facteur de croissance
endothélial vasculaires, les anticorps monoclonaux
anti facteur de croissance vasculaire ainsi et les
analogues de la rapamycineont montré une activité
anti-tumorale et un bénéfice clinique chez les
patients avec des métastases du CCR [12].Enfin, un
seul cas de régression spontanée complète d'une
métastase du cuir chevelu d’un CCR a été rapporté
par Chang et al [15].
Dans notre cas la tumeur n’était pas complétement
extirpable et la patiente n’avait pas les moyens de se
procurer un traitement anti-angiogénique.
CONCLUSION :
Nous avons présenté un cas inhabituel d'une
métastase au niveau du cuir chevelu d’un carcinome
rénal à cellules claires. Et si le carcinome rénal
métastatique au scalp est rarement cliniquement
suspecté, il est important que les médecins doivent
être conscients de cette entité qui peut métastaser à
n’importe quel organe y compris la peau. Ceci dit le
pronostic reste pauvre malgré le traitement.