L La récidive locale après néphrectomie  partielle se prévoit et se guette é c h e c e t ...

Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011
39
échec et mat
Figure 1. Tomodensitométrie : volumineuse tumeur solide du
rein gauche.
Figure 3. Artériographie : tumeur polaire supérieure droite de 5 cm
de diamètre.
Figure 2. Tomodensitométrie à 8 ans : récidive controlatérale polaire
supérieure de 5 cm.
Larécidivelocaleaprèsnéphrectomie 
partielleseprévoitetseguette
J.C. Bernhard*
L
a chirurgie conservatrice est devenue incontour-
nable dans la prise en charge du cancer du rein
localisé. Néanmoins, par rapport à la plus classique
néphrectomie élargie, elle présente un risque carcino-
logique qui lui est propre : la récidive locale au niveau
du rein conservé. Nous présentons dans cet article une
observation de récidive ipsilatérale après néphrectomie
partielle, qui permet de mettre en lumière les caracté-
ristiques et les déterminants de cet événement.
Observation
Devant l’apparition d’une hématurie macroscopique,
une volumineuse tumeur rénale gauche est diagnosti-
quée chez MmeB., alors âgée de 50 ans (gure 1). Une
néphrectomie élargie gauche a permis lexérèse en
marges saines de ce volumineux carcinome à cellules
rénales claires de grade 3 de Fuhrman et de stade pT3a
N0 M0 (TNM, UICC 2009). Une surveillance stricte et
régulière a été observée et a permis, 8 ans plus tard,
de mettre en évidence une récidive controlatérale
polaire supérieure de 5 cm de diamètre (gures 2 et 3).
Une néphrectomie partielle polaire supérieure droite
d’indi cation impérative a alors été réalisée. Lopération a
duré 175 minutes, incluant un clampage pédiculaire de
11 minutes. Lexamen anatomo-pathologique a conclu
à un carcinome à cellules rénales claires de grade 2
de Fuhrman et de stade pT1b N0 M0, dont les marges
d’exérèse étaient saines (gure 4, p. 40). Trois ans plus
tard, la patiente fut victime d’une récidive ipsilatérale à
2 cm de la tranche de la néphrectomie partielle précé-
dente (gures 5 et 6, p. 40). Une tumorectomie a alors
été réalisée, cette fois-ci en 135 minutes, comprenant
une durée d’ischémie chaude de 12 minutes. La conclu-
sion de l’examen anatomo-pathologique faisait état
d’un carcinome à cellules rénales claires de grade 3 de
Fuhrman et de stade pT1a N0 M0.
Aux dernières nouvelles, la patiente était en rémission :
les imageries de surveillance présentaient un rein
portant les stigmates d’une double chirurgie conser-
vatrice, mais lui garantissant l’autonomie sur le plan
de la fonction rénale (gure 7, p. 40).
* Service de chirurgie
urologique,
hôpital Pellegrin,
CHU de Bordeaux.
Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011
40
échec et mat
Figure 4. Artériographie : visualisation du rein restant après néphrec-
tomie partielle polaire supérieure.
Figure 6. IRM, coupe frontale : récidive ipsilatérale du pôle supérieur
du rein restant.
Figure 5. Tomodensitométrie : récidive ipsilatérale de la convexité
du rein droit 36 mois après néphrectomie partielle.
Figure 7. Tomodensitométrie : aspect du rein restant après 2 chirur-
gies conservatrices.
Discussion
Grâce à l’application de principes stricts de sécurité
oncologique, la récidive locale après chirurgie conserva-
trice pour cancer du rein est rare. Sa fréquence va, selon
la littérature, de 1 à 10,6 % (1-3). Malgré tout, les recom-
mandations actuelles des sociétés savantes, exhortant
à une extension des indications de la chirurgie conser-
vatrice, imposent d’en connaître les caractéristiques
ainsi que les facteurs de risque (4, 5).
Le faible nombre d’événements explique quil n’y ait,
finalement, dans la littérature, que peu de données
relatives à cet aspect particulier du suivi oncologique
chirurgical du cancer du rein localisé. Cette constata-
tion nous a conduits à réaliser une étude spécifique
ayant pour objectifs de préciser les caractéristiques
de la récidive locale et den définir les facteurs pré-
dictifs (6). Outre sa rareté, la récidive ipsilatérale est
décrite comme tardive, pouvant apparaître long-
temps après l’opération. Son déterminisme semble
différent de celui de la progression métastatique,
dans la mesure où la majorité des cas surviennent
de façon isolée (figure 8).
Le tableau présente les facteurs prédictifs de récidive
locale mis en évidence en analyse multivariée dans
809 néphrectomies partielles réalisées pour cancer du
rein. Trois facteurs prédictifs indépendants ont ainsi
pu être mis en évidence : la taille tumorale supérieure
à 4 cm, la bilatéralité tumorale synchrone ou bien un
antécédent de cancer du rein controlatéral, et la pré-
sence d’une marge chirurgicale positive au décours de
la chirurgie conservatrice.
La taille tumorale supérieure à 4 cm, associée à un
hazard-ratio (HR) de 4,57, paraît être un facteur de risque
net de récidive locale. Or, la taille tumorale élevée est
aussi connue comme facteur de mauvais pronostic en
termes de survie spécique, mais ce tout à fait indépen-
damment du type de chirurgie (néphrectomie élargie
ou néphrectomie partielle) [7-8]. Ces constatations
imposent donc 2 conclusions :
ce paramètre doit être pris en compte dans l’esti-
mation de l’agressivité tumorale locale ;
Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011
41
La récidive locale après néphrectomie partielle se prévoit et se guette
Figure 8. Évolution après récidive locale (6).
Nephron sparing surgery
(809)
Récidive ipsilatérale
(26)
Récidive locale
seulement (20)
Décès pour cancer
spécifique (4)
Décès pour cancer
non spécifique (2)
En vie lors du dernier
contrôle (14)
En vie lors
du dernier
contrôle (4)
Décès
pour cancer
spécifique (2)
NED after salvage
surgery (8)
NED after salvage
surgery (1)
NED (9)
Expectant
follow-up (6)
NED = No evidence of disease
Systemic therapy
(3)
Evidence
of disease
(9)
Récidive locale
et à distance (6)
Aucune récidive
ipsilatérale (783)
Tableau. Facteurs prédictifs de récidive locale en analyse multivariée après néphrectomie partielle
chez809 patients (6).
Variables Incidence
des récidives
locales HR (IC95) p
Taille de la tumeur ≤ 4 cm (n = 623)
Taille de la tumeur > 4 cm (n = 186)
11 (1,77 %)
15 (8,06 %)
1
4,57 (2,13-9,77) < 0,01
Tumeur unilatérale (n = 618)
Tumeur bilatérale (n = 185)
9 (1,46 %)
17 (9,19 %)
1
6,31 (2,86-13,92) < 0,01
Marge chirurgicale positive (n = 768)
Marge chirurgicale négative (n = 12)
22 (2,9 %)
4 (33,3 %)
1
11,5 (4,66-45,10) < 0,01
sous réserve d’un diagnostic précoce et d’un traite-
ment de rattrapage, l’impact nal de la récidive locale
sur l’ecacité carcinologique de la néphrectomie par-
tielle semble négligeable.
Enn, en férence à la stadication TNM, le traditionnel
cut-o de 4 cm a éutilisé.anmoins, il est fortement
vraisemblable que la taille tumorale doive plutôt être
considérée comme une variable continue (9).
La bilatéralité tumorale est le deuxième facteur de
risque indépendant de récidive locale (HR = 6,31).
D’autre part, dans la littérature, elle est aussi claire-
ment corrélée à la multifocalité, ce qui fait d’elle le
reet d’une multifocalité possiblement méconnue
par limagerie préopératoire(10-12). Par extension,
multifocalité et bilatéralité tumorales devraient donc
toutes deux être considérées comme des facteurs
de risque.
Le statutdes marges chirurgicales, en cas de positivité,
est le facteur le plus déterminant quant à la survenue
d’unecidive sur le rein restant (HR = 11,5). Linuence
notable du statut des marges de résection sur le risque
de récidive locale réarme avec force un des principes
de base de toute chirurgie carcinologique : l’exérèse
complète.
Même s’il est rapporté que l’effet final des marges
positives sur la survie spécique est négligeable dans
le cadre des indications électives (13), la surveillance
rapprochée des patients concernés et la mise en œuvre
d’un traitement de rattrapage, si nécessaire, sont, à nen
pas douter, primordiaux.
Étant donné le bénéfice global apporté par la
chirurgie conservatrice, le risque de récidive ipsi-
latérale ne remet en question sa légitimité ni pour le
traitement des tumeurs de plus de 4 cm, ni pour celui
des tumeurs bilatérales, qui représentent une de ses
indications principales. D’autant plus que l’eet de
la récidive locale, une fois celle-ci diagnostiquée et
prise en charge de façon adéquate, semble pouvoir
être signicativement minimisé. En eet, dans notre
étude, la grande majorité des patients ayant présenté
une récidive locale est en vie, aux dernières nouvelles
(suivi moyen de 77,5 ± 58 mois), et la moitié d’entre
eux ne présentent aucun signe de maladie après trai-
tement de rattrapage chirurgical (gure 8). Lecacité
des traitements de rattrapage chirurgicaux plaide
pour une surveillance stricte et prolongée des patients
à risque.
Ainsi la gestion du risque de récidive ipsilatérale peut
être résumée en 4 points :
pventionconsistant à éviter la multifocalité
méconnue par une analyse attentive et de qualité des
imageries préopératoires. Éviter la marge chirurgicale
positive en se plaçant dans les meilleures conditions
techniques peropératoires ;
prédiction par la recherche des facteurs de
risque ;
diagnostic précoce par un suivi radiologique pro-
longé ;
traitement sans délai pour limiter le retentissement
possible sur la survie spécique.
Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011
42
échec et mat
Écho des congrès
Actualités à l’ESMO 2010
L’evidence-based
medicine ne fait pas tout
Stéphane Culine
www.edimark.fr
DOSSIER
Vessie : le point sur
les traitements
adjuvants et néo-adjuvants
Coordinateur : Philippe Beuzeboc
DIAPOSITIVES
COMMENTÉES EN LIGNE
Revues de presse
Éditorial
Périodique de formation
Société éditrice : EDIMARK SAS
(DaTeBe Éditions)
CPPAP : 0612T90442 – ISSN : 2110-087X
Trimestriel
Prix du numéro : 34 €
Vol. I - n° 3
oct.-nov.-déc. 2010
www.edimark.fr
Échec et Mat
Histoire
La récidive locale
après néphrectomie
partielle se prévoit
et se guette
Susan Fuhrman
et le grading des tumeurs
du rein
DOSSIER
Rein :
traitements adjuvants
Coordinateur : Stéphane Oudard
Périodique de formation
Société éditrice : EDIMARK SAS
(DaTeBe Éditions)
CPPAP : 0612 T 90442 – ISSN : 2110-087X
Trimestriel
Prix du numéro : 35 €
Vol. II - n° 1 
Janvier-Février-Mars 2011
Abonnement “Privilège”
Au sommaire du prochain numéro
Dossier thématique 
Tumeurs germinales de mauvais 
pronostic ou graves
Coordonné par Christophe Massard
et avec Philippe Camparo, Christine Chevreau,
Benjamin Besse, Sylvestre Le Moulec
» Parution en juin 2011
www.edimark.fr
Abonnez-vous p. 4 ou
sur
1. Hafez KS, Fergany AF, Novick AC. Nephron sparing surgery
for localized renal cell carcinoma: impact of tumour size on
patient survival, tumour recurrence and TNM staging. J Urol
1999;162:1930-3.
2. Novick AC, Streem S, Montie JE et al. Conservative surgery
for renal cell carcinoma: a single-center experience with
100 patients. J Urol 1989;141:835-9.
3. Lapini A, Serni S, Minervini A et al. Progression and long-term
survival after simple enucleation for the elective treatment
of renal cell carcinoma: experience in 107 patients. J Urol
2005;174:57-60.
4. Patard JJ, Baumert H, Correas JM et al. Recommandations
en onco-urologie 2010 : cancer du rein. Progrès en Urologie
2010;20(Suppl. 4):S319-39.
5.
Ljungberg B, Cowan NC, Hanbury DC et al. Guidelines on
renal cell varcinoma. EAU 2010.
6. Bernhard JC, Pantuck AJ, Wallerand H et al. Predictive factors
for ipsilateral recurrence after nephron-sparing surgery in renal
cell carcinoma. Eur Urol 2010;57(6):1080-6.
7. Patard JJ, Shvarts O, Lam JS et al. Safety and efficacy of par-
tial nephrectomy for all T1 tumors based on an international
multicenter experience. J Urol 2004;171:2181-5.
8. Bensalah K, Crépel M, Patard JJ. Tumour size and nephron-
sparing surgery: does it still matter? Eur Urol 2008;53:691-3.
9. Karakiewicz PI, Lewinshtein DJ, Chun FK et al. Tumor size
improves the accuracy of TNM predictions in patients with
renal cancer. Eur Urol 2006;50(3):521-8.
10. Blute ML, Itano NB, Cheville JC et al. The effect of bilaterality,
pathological features and surgical outcome in non hereditary
renal cell carcinoma. J Urol 2003;169:1276-81.
11. Blute ML, Thibault GP, Leibovich BC et al. Multiple ipsilateral
renal tumours discovered at planned nephron sparing surgery:
importance of tumor histology and risk of metachronous
recurrence. J Urol 2003;170:760-3.
12.
Klatte T, Patard JJ, Wunderlich H et al. Metachronous bila-
teral renal cell carcinoma: risk assessment, prognosis and
relevance of the primary-free interval. J Urol 2007;177:2081-6.
13.
Bensalah K, Pantuck AJ, Rioux-Leclercq N et al. Positive
surgical margin appears to have negligible impact on survival
of renal cell carcinomas treated by nephron-sparing surgery.
Eur Urol 2010;57(3):466-71.
R é f é r e n c e s
Conclusion
La récidive ipsilatérale après néphrectomie partielle
peut résulter d’une résection incomplète ou d’une
multifocalité méconnue.
La taille tumorale supérieure à 4 cm, la bilatéralité
tumorale (synchrone ou non) et la marge chirurgi-
cale positive sont des facteurs de risque indépen-
dants de récidive locale. La notion de prédiction revêt
aujourd’hui une importance toute particulière. Son
intérêt est majeur pour guider et présenter de façon
éclairée les choix thérapeutiques, mais aussi pour orga-
niser le suivi du patient. Or, aucun nomogramme ni
algorithme pronostique (particulièrement l’UISS [UCLA
Integrated Staging System] recommandé pour organiser
le suivi après l’opération d’un cancer du rein) nenvisage
le risque de récidive locale ni n’intègre aujourd’hui la
notion du type de chirurgie réalisée. La reconnaissance
de ces éléments devrait ainsi nous conduire à mieux
prendre en compte, pour le suivi des patients, ce risque
spécique de la néphrectomie partielle.
Le suivi des patients présentant un des facteurs prédictifs
mis en évidence devrait être particulièrement attentif, et ce
de fon prolongée. Le diagnostic précoce et le traitement
rapide de la récidive locale sont indispensables pour limiter
son éventuel eet sur la survie spécique.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!