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Échos
des
congrès
La nutrition et ses congrès : une actualité très fournie
Société française de nutrition
Montpellier, 10-12 décembre 2009
Jean-Michel Lecerf*
La dernière édition du congrès de la Société française de nutrition (SFN)
a été riche. En voici quelques morceaux choisis.
Nutrition, flore intestinale, métabolisme et lipopolysaccharide bactérien (LPS), sujet à la mode aujourd’hui,
à juste titre. À la naissance, l’intestin est stérile. Très
vite, il se colonise sous l’effet conjoint des effets prébiotiques (oligosaccharides) et probiotiques du lait
maternel. Soixante-dix genres bactériens correspondant
à plus de 1 000 espèces bactériennes habitent ensuite
le côlon, soit 1012 bactéries/g de contenu intestinal ou
1014 bactéries au total qui représentent 200 000 gènes
différents (alors que le génome humain n’est que de
30 000 gènes !). La muqueuse intestinale en interface
avec le macrobiote est de 200 m2 environ.
Le macrobiote intestinal est sans doute impliqué
dans de nombreuses fonctions, immunitaires, inflammatoires et énergétiques ; on sait d’ailleurs que 60 à
80 % des molécules circulantes dans le plasma sont
d’origine bactérienne : c’est le cas du LPS. La diversité
bactérienne est une caractéristique idiotypique individuelle. Le rôle de la flore dans la régulation du poids
semble multifactoriel. Le premier mécanisme est un
transfert d’énergie plus important chez l’obèse, ainsi
qu’en témoigne la moindre énergie retrouvée dans
les selles. La colonisation de souris axéniques minces
par une flore de souris obèses accroît la prise de poids
de ces animaux. Inversement, la suppression de cette
flore entraîne une résistance à la prise de poids sous
régime gras. Alors que le régime gras modifie la flore
intestinale, son association à des fibres bifidogènes
diminue la prise de poids et améliore la tolérance au
glucose. L’autre composante du rôle du macrobiote
intestinal se retrouve dans l’inflammation associée à
l’obésité et au syndrome métabolique, générée par les
monocytes-macrophages du tissu adipeux et qui sont
facteurs de production des cytokines inflammatoires,
elles-mêmes impliquées dans l’insulinorésistance. Cela
passerait par le LPS qualifié d’endotoxine provenant de
bactéries à Gram négatif et transporté avec les lipides
alimentaires dans les chylomicrons : le LPS se lie aux
récepteurs CD14 des macrophages et induit la production de cytokines. Un régime gras induit chez la souris,
en 2 à 4 semaines, une augmentation du LPS. Cela vient
également d’être montré chez l’homme. Chez la souris,
une perfusion de LPS reproduit le régime high-fat et
induit un recrutement de petits adipocytes, ce qui serait
un autre effet du LPS agissant sur la prolifération de
précurseurs adipocytaires. Les mécanismes d’entrée du
LPS dans l’organisme ne se feraient pas seulement par
le biais des lipoprotéines mais aussi par translocation
bactérienne et diffusion par les cellules dendritiques
intestinales qui récupèrent les Escherichia coli de la
lumière vers les ganglions lymphatiques par phagocytose et conduisent ensuite à des effets inflammatoires.
Les fibres prébiotiques non seulement modifient la
flore intestinale dans un sens favorable, mais nous
(J.M. Lecerf) avons montré (et présenté à Montpellier)
qu’elles entraînaient aussi une diminution du LPS et
des cytokines inflammatoires.
© Cynoclub
✓✓ R. Burcelin a fait une conférence magistrale sur
✓✓ Un symposium sur l’insulinorésistance a été animé
par H. Vidal, A. Marcos et J.F. Tanti. L’insulinorésistance
est une diminution de l’utilisation du glucose par les
tissus insulinosensibles (pas le cerveau par conséquent),
et en particulier pas le muscle qui est responsable de
70 à 80 % de l’utilisation du glucose. Chez le diabétique
existe donc une incapacité de l’insuline à utiliser et à
stimuler le transport cellulaire du glucose. Les mécanismes sont multiples. On incrimine bien sûr la classique
compétition de substrats (acides gras/glucose [du cycle
de Randle]) en cas d’excès d’acides gras libres circulants
(chez l’obèse), mais il existe d’autres mécanismes tels
que l’augmentation de l’accumulation des lipides dans
les muscles des diabétiques conduisant à la lipotoxicité.
En effet, le muscle est le principal utilisateur des acides
gras, mais l’oxydation des acides gras est altérée chez les
sujets insulinorésistants, et cela est associé à des altérations mitochondriales qui pourraient être à l’origine
de cette insulinorésistance. Le déficit d’oxydation des
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 4 - avril 2010
* Service de nutrition, ins­
titut Pasteur de Lille.
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Échos
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congrès
acides gras au niveau des mitochondries les réoriente
vers la voie de stockage, ce qui diminue l’action de
l’insuline sur la voie de signalisation impliquée dans le
transport du glucose. Les anomalies mitochondriales
(et donc en parallèle de l’insulinosensibilité) pourraient
être dues au stress oxydant, dont on sait qu’il est luimême multifactoriel avec le rôle de l’hyperglycémie, de
l’inflammation, de l’index glycémique, etc. Pour stimuler
l’oxydation lipidique du muscle, l’exercice physique est
le candidat idéal ; le contrôle du stress oxydant peut
être modulé par les polyphénols ; quant aux oméga 3,
ils peuvent améliorer le métabolisme des lipides. Le
lien entre insulinorésistance et inflammation passe par
l’équilibre entre les lymphocytes Th1 et Th2, induisant la
production de cytokines inflammatoires ILβ et TNFα stimulant la lipolyse et la libération d’acides gras libres, en
mettant en jeu la voie NFκB et la voie des MAP-kinases.
✓✓ Un symposium, original, orchestré par V. Sirot,
A. Nougadere et P. Martin a concerné des aspects de
la sécurité alimentaire. V. Sirot a évoqué le rapport
bénéfice-risque de la consommation de poisson en
évaluant le bénéfice lié aux oméga 3 à longue chaîne du
poisson et le risque lié à la consommation de mercure.
La conclusion est rassurante, y compris chez les femmes
enceintes, chez lesquelles une consommation diversifiée
de poisson et une consommation préférentielle de petits
poissons gras (sardine, maquereau, hareng) et de début
de chaîne alimentaire n’occasionnent pas de risque pour
le fœtus et permettent une fourniture satisfaisante en
acides gras avec une consommation bi- ou trihebdomadaire. La question des résidus de pesticides est souvent
mise en avant en opposition avec les recommandations
pour l’augmentation de la consommation de fruits et
de légumes. Le risque est le produit du danger et de
l’exposition. Le danger est estimé par les valeurs toxicologiques de référence (VTR) qui s’expriment en milligrammes de substance active par kilogramme de poids
corporel et par jour. En toxicité aiguë, c’est la dose de
référence (ARfD [Acute Reference Dose]) aiguë ; en toxicité
chronique c’est la dose journalière admissible (DJA).
L’exposition est évaluée individu par individu, aliment
par aliment et substance active par substance active :
on évalue donc l’apport journalier maximum théorique
([AJMT], qui est une approche maximaliste), à partir des
limites maximales de résidus (LMR) autorisées. L’AJMT
peut être corrigé à partir des usages réels des phytosanitaires et est exprimé en microgrammes de substance
active par kilogramme de poids corporel et par jour.
Puis, on compare l’AJMT (ou apport journalier estimé
[AJE]) à la DJA. Sachant que la DJA est calculée pour
être 100 à 1 000 fois inférieure à la dose sans effet (No
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Observable Adverse Effect Level [NOAEL]), on peut ne pas
être alarmiste, d’autant que les résultats montrent que,
sur 334 substances actives, 15 ont un AJE supérieur à la
DJA, et cela ne concerne que 14 denrées alimentaires.
L’exposé relatif aux effets des perturbateurs endocriniens et métaboliques issus des produits de la plasturgie, et en particulier du bisphénol, était le dernier de la
série. Certains xénobiotiques (substances étrangères)
agissent expérimentalement comme des disrupteurs
endocriniens et seraient impliqués dans le syndrome
de dysgénésie testiculaire en cas d’exposition in utero ;
d’autres pourraient être des obésogènes environnementaux. Lipophiles, ils activent des récepteurs nucléaires.
C’est le cas de certains PVC assouplis par des plastifiants
(phtalates), tels que le DHEP que l’on peut retrouver
dans l’environnement. C’est aussi le cas du bisphénol
A monomère des polycarbonates et des résines époxy,
libéré par hydrolyse des polymères et agissant comme
xénœstrogène en interaction avec les récepteurs α et
β œstrogéniques. Un de ses effets serait d’augmenter
la perméabilité intestinale par un effet antagoniste
des récepteurs β alors que les œstrogènes diminuent
cette perméabilité (qui contribue à la barrière entre le
contenu luminal et les tissus sous-jacents).
✓✓ Une conférence plénière de C. Astier a développé
le rôle des technologies alimentaires dans l’apparition des allergies alimentaires. Celles-ci concernent
en France 3,6 % de la population générale, 6,7 % des
enfants et 3,2 % des adultes, avec une incidence multipliée par 2 en 15 ans. Elles occasionnent dans l’Union
européenne 1 à 3 décès/an/106 habitants, par anaphylaxie sévère. Le type d’allergènes impliqués dépend
des habitudes alimentaires des populations. Alors que
les allergies aux protéines du lait de vache, aux œufs,
etc., s’atténuent, voire disparaissent avec l’âge, celles
aux fruits de mer ou aux fruits à coque persistent. Le
traitement est l’éviction mais l’on propose de plus en
plus souvent des protocoles d’induction de tolérance.
Tous les aliments peuvent contenir des allergènes et
provoquer des allergies. L’introduction de nouveaux
aliments (lupin, sarrasin, quinoa, argan, lait de chèvre
et de brebis, isolats de blé, etc.) induit l’apparition de
nouvelles allergies. L’allergénicité ne dépend pas des
aliments mais du patient. Cependant, le potentiel
allergénisant des aliments peut être modifié par les
schémas technologiques de la transformation de la
matière première. Le mode de culture peut intervenir.
Ainsi, les allergènes de type LTP sont plus importants
en cas de culture biologique ! La variété et le stockage
peuvent intervenir alors que le lavage et l’épluchage des
pêches, par exemple, va diminuer les LTP présents dans
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 4 - avril 2010
Société française de nutrition : une actualité très fournie
leur revêtement duveteux. Certains épitopes peuvent
être modifiés favorablement (c’est le cas de l’ultrafiltration, par exemple) ou non par des techniques. Le
traitement thermique peut entraîner l’apparition de
néo-allergènes. Existe également le cas des allergies
masquées dans de nouveaux ingrédients technolo-
giques (supports d’arômes, par exemple) et le cas des
allergies croisées (exemple kiwi/latex), et le cas célèbre
d’un OGM de soja transgénique dans lequel une protéine de noix du Brésil avait été introduite. Ainsi, dans
ce domaine des allergies alimentaires, la recherche est
également active.
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