Quelles sont les patientes pouvant bénéficier d`un traitement anti

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Résumé
But : la durée du traitement anti-hormonal et notamment sa prolongation au-delà
de 5 ans est actuellement discutée et de nombreux essais sont en cours. Le but de cette
revue est de reprendre les données actuellement disponibles et les résultats concluants afin
d’aider à la décision thérapeutique.
Matériels et méthodes : revue de la littérature des données disponibles concernant
les traitement anti-hormonaux au-delà de 5 ans, d’une part après 5 ans de tamoxifène
puis après 5 ans de traitement par inhibiteurs de l’aromatase.
1 — Hôpital Tenon - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - 4 rue de la Chine -
75020 Paris
2 — Institut Paoli Calmettes - Service de chirurgie oncologique - 232 boulevard Sainte-
Marguerite - 13008 Marseille
3 — Institut Curie - 26 rue d’Ulm - 75005 Paris
4 — Hôpital Pitié-Salpêtrre - APHP - Service de gycologie-obstrique - 85 boulevard
de l’Hôpital - 75013 Paris
* Correspondance : elisabeth.c[email protected]
Quelles sont les patientes pouvant
bénéficier d’un traitement anti-
hormonal au-delà de 5 ans ?
E. CHÉREAU 1, 2 *, R. ROUZIER 1, 3, J. GLIGOROV 1, S. ZILBERMAN 1,
C. BEZU 1, 4, S. UZAN 1, E. DARAÏ 1
(Paris, Marseille)
Résultats : la prolongation du tamoxifène au-delà de 5 ans, dans l’état actuel des
connaissances, ne semble pas légitime compte tenu de l’absence de bénéfice en termes de
survie et de l’augmentation des effets indésirables graves comme le cancer de l’endomètre
ou les accidents thromboemboliques. En revanche, la mise sous anti-aromatases après
5 ans de tamoxifène améliore la survie sans récidive, la survie globale, la survie sans
métastase et diminue l’incidence des cancers du sein controlatéraux. Par ailleurs ce
traitement a une bonne tolérance globale et n’impacte pas la qualité de vie. Néanmoins,
il n’existe à l’heure actuelle pas suffisamment de résultats disponibles afin de statuer sur
une prescription pour plus de 5 ans d’un traitement par anti-aromatase lorsque celle-ci
a été administrée en première intention.
Conclusion : il n’existe pas d’indication à prolonger un traitement par tamoxifène
au-delà de 5 ans. En revanche, un relais par une anti-aromatase après 5 ans de
tamoxifène améliore la survie. La durée optimale du traitement par anti-aromatase est
encore à l’étude.
Mots clés : cancer du sein, traitement anti-hormonal, tamoxifène, anti-aromatases,
durée
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Élisabeth Chéreau, déclare ne pas avoir d’intérêt
direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé,
industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
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CHÉREAU &COLL.
INTRODUCTION
Depuis les trente dernières années, le tamoxifène a été considéré
comme le traitement adjuvant anti-hormonal standard pour les
patientes présentant un cancer du sein exprimant des récepteurs
hormonaux [1]. À ce jour, au vu des études disponibles, une prolon-
gation du traitement par tamoxifène au-delà de 5 ans est dune
efficacité minime (si elle existe) et augmente les effets secondaires de
façon substantielle [2]. Les inhibiteurs de l’aromatase ont démontré leur
supériorité par rapport au tamoxifène en termes de réduction du risque
de récidive dans plusieurs essais cliniques les plant comme une
alternative dès la mise en route de l’hormonothérapie ou bien en
association séquentielle possible avec le tamoxifène [3-6]. La question
de la prolongation du traitement anti-hormonal par des anti-aromatases
au-delà de 5 ans de traitement par des anti-aromatases ou en relais du
tamoxifène, après 5 ans ou 2 à 3 ans, se pose actuellement. Par ailleurs,
la durée optimale des traitements anti-hormonaux n’est pas encore
finie. Plusieurs résultats sont déjà disponibles et plusieurs essais
cliniques sont actuellement en cours et permettront de répondre à ces
questions dans les années à venir.
I. RISQUE DE RÉCIDIVE À DISTANCE ET NÉCESSITÉ
DE TRAITEMENT ANTI-HORMONAL
Les résultats de l’Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group
(EBCTCG) ont mis en évidence que plus de la moitié des récidives et
plus de deux tiers des décès du cancer du sein surviennent au-delà de
5 ans par rapport au diagnostic [1]. Ceci concerne en particulier les
métastases à distance qui sont le mode de récidive tardive le plus
fréquent [7]. Sur une autre série de 1 086 patientes présentant un
cancer du sein, 15 % des patientes ont présenté une récidive entre 5 et
10 ans après le diagnostic et 53 % d’entre elles avaient des métastases
à distance [8]. Comme attendu, ces patientes présentaient une moins
bonne survie. En effet, une série rétrospective a montré un risque relatif
de décès de 13,6 (p < 0,001), comparé aux patientes sans récidive,
lorsqu’il existe des métastases à distance et de 4,6 (p < 0,001) et 3 (p <
0,01) respectivement pour les récidives locorégionales et controlatérales
[7].
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QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER DUN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5ANS ?
À partir des données de l’Eastern Cooperative Oncology Group, il est
possible d’estimer le risque de récidive annuelle chez des patientes avec
des récepteurs hormonaux positifs : 5,2 % par an entre 5 et 8 ans après
le diagnostic, 4,6 % entre 8 et 12 ans. Par ailleurs, le risque de récidive
après 4 ans est supérieur à celui des tumeurs n’exprimant pas les
récepteurs hormonaux [9]. Enfin, certaines études ont retrouvé un
risque de récidive et de mortalité supérieur à 10 ans par rapport à
5 ans après le diagnostic supportant l’idée de prolonger le traitement
anti-hormonal au-delà de 5 ans, et ce y compris pour les tumeurs sans
envahissement ganglionnaire de grade 1 [10].
II. DURÉE DU TRAITEMENT PAR TAMOXIFÈNE
La méta-analyse de lEBCTCG a mis en évidence, chez des
patientes RH positives traitées par 5 ans de tamoxifène, une réduction
significative du risque de récidive et de cancer du sein controlatéral
de 41 % et de mortalité imputable au cancer du sein de 34 % [1].
Néanmoins, cette même étude a montré une persistance du risque de
récidive après 5 ans et jusqu’à 15 ans sans phase de plateau pouvant
soutenir le principe d’une prolongation du traitement anti-hormonal
chez ces patientes.
Par ailleurs, plusieurs essais ont montré une absence de bénéfice
en termes de survie sans récidive ou de survie globale de la prolon-
gation au-delà de 5 ans du traitement par tamoxifène [2, 11]. De plus,
ils ont retrouvé une augmentation notable des complications liées au
tamoxifène en cas de prolongation de traitement au-delà de 5 ans
(accident cardiaque, cancer de l’endomètre, embolie pulmonaire) [12,
13] (Tableau 1).
Le premier essai rapporté (NSABP B-14) est une étude rando-
misée en double aveugle comparant 5 à 10 ans de tamoxifène [2, 13].
Au total, 1 172 patientes sans atteinte ganglionnaire et sans récidive à
5 ans ont été incluses. Après un suivi médian de 6,75 ans après la
randomisation, cette étude n’a pas retrouvé d’avantage en faveur
d’une poursuite du traitement par tamoxifène. La survie globale était
de 94 % dans le groupe placebo versus 91 % dans le groupe tamoxifène
(p = 0,07). De plus, la survie sans récidive était en faveur du groupe
placebo (82 % pour le groupe placebo versus 78 % pour le groupe
traité, p = 0,03). En ce qui concerne l’incidence des cancers de l’endo-
mètre, il a été noté une augmentation dans le groupe tamoxifène
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CHÉREAU &COLL.
(12 cancers versus 6). L’effet œstrogene-like du tamoxifène est supposé
être explicatif de ces résultats.
L’essai de Stewart et al. [14, 15] a randomisé les patientes sans
atteinte ganglionnaire en deux groupes : 5 ans de tamoxifène
(169 patientes) versus tamoxifène en continu sans date d’arrêt planifiée
(173 patientes). Aucune différence n’a été mise en évidence entre les
deux groupes tant en termes de survie sans récidive que de survie
globale. En revanche, il a été noté une tendance à l’augmentation de
l’incidence des cancers de l’endomètre (4 dans le groupe ayant
poursuivi le tamoxifène versus 1 dans le groupe traité 5 ans, p = 0,064).
Le dernier essai de Tormey et al. (ECOG E4181/E5181) a le même
schéma que l’essai de Stewart et al. [16]. Contrairement aux deux
autres, cet essai semble trouver un avantage à la prolongation du
traitement par tamoxifène. En effet, dans le groupe des patientes
présentant des récepteurs hormonaux positifs, il a été retrouvé une
diminution significative de l’incidence des récidives et des cancers du
sein controlatéraux (p = 0,014). Cette tendance a été confirmée par
l’actualisation des résultats en 2000 concernant la survie sans récidive
(p = 0,03). En revanche, aucune amélioration de la survie globale n’a
pu être mise en évidence et il a été rapporté comme dans les autres
études une tendance à l’augmentation de l’incidence des cancers
endométriaux [17].
Plusieurs essais sont actuellement en cours afin de statuer sur
l’intérêt en termes de survie de la prolongation du traitement par
tamoxifène au-delà de 5 ans : l’essai ATLAS (Adjuvant Tamoxifene Longer
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QUELLES SONT LES PATIENTES POUVANT BÉNÉFICIER DUN TRAITEMENT ANTI-HORMONAL AU-DELÀ DE 5ANS ?
Étude Nombre Durée du SSR SG Effets
de patientes tamoxifène indésirables
Fisher et al., 579 (5 ans) 5 ans versus 82 % versus 94 % versus Cancer endomètre
JNCI 2001/1996 versus 593 10 ans 78 % 91 % 1,1 % versus 2,1 %
[2, 13] (p = 0,03) (p = 0,07) (RR = 2, IC 95 %
= 0,7-6,6)
Stewart et al., 169 (5 ans) 5 ans versus 78 % versus Pas de Tendance à
JNCI 2001, versus 173 sans date 72 % différence l’augmentation
BJC 1996 d’arrêt (ns) ignificative des cancers
[14, 15] de l’endomètre
(p = 0,06)
Tormey et al., 93 (5 ans) 5 ans versus 73 % versus 89 % versus Pas d’augmentation
JNCI 1996 versus 100 sans date 85 % 86 % des cancers
[16] d’arrêt (ns) (ns) de l’endomètre
SSR : survie sans récidive, SG : survie globale, RR : risque relatif, IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %
Tableau 1 - Revue de la littérature des essais cliniques comparant 5 ans versus
plus de 5 ans de tamoxifène
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