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Le diabète de type 2
dossier
thématique
Hyperglycémie
et risque cardio-vasculaire :
les données de l’evidence-based medicine
Hyperglycemia and cardiovascular risk: data from evidence-based medicine
Pr André Grimaldi*
»»Le diabète de type 2 est un facteur de risque cardio-vasculaire
majeur, mais le rôle de l’hyperglycémie reste discuté.
»»Il existe une mémoire de l’hyperglycémie, qui explique le bénéfice
P o i nt s f o rt s
rémanent d’un traitement précoce intensif de l’hyperglycémie au
début du diabète.
»»À un stade plus avancé, ou lorsque le patient a un haut risque
cardio-vasculaire, le bénéfice du traitement intensif n’est pas démontré,
tandis que l’hypoglycémie semble responsable d’une augmentation
de la morbi-mortalité cardio-vasculaire.
»»L’objectif doit donc être modulé en fonction du risque cardio-
vasculaire et du risque d’hypoglycémie. On doit viser une HbA1c
inférieure à 7 %, et même si possible inférieure à 6,5 %, lorsque le risque
cardio-vasculaire est faible ou s’il n’y a pas de risque hypoglycémique.
»»En cas de risque hypoglycémique (sulfamides et insuline) et de risque
cardio-vasculaire élevé, il faut relever la barre et viser une HbA1c à 7,5 %.
Mots-clés : Diabète de type 2 – Hyperglycémie – Hypoglycémie –
Hémoglobine A1c – Mortalité cardio-vasculaire.
Keywords: Type 2 diabetes – Hyperglycemia – Hypoglycemia – Hemoglobin
A1c – Cardiovascular mortality.
P
* Service de diabétologiemétabolisme,
groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, Paris.
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lusieurs études ont bien démontré que le diabète est un facteur de risque cardio-vasculaire
indépendant, avec un risque d’infarctus du
myocarde multiplié par 2 à 3 chez l’homme et par 3 à
5 chez la femme diabétique, avec un risque relatif (RR)
encore plus élevé pour l’artériopathie des membres
inférieurs (RR de 4 chez l’homme et de 6 chez la femme).
Globalement, la mortalité cardio-vasculaire est multipliée par 1,5 à 2 chez l’homme et par 2,5 à 3 chez la
femme diabétique, et ce quel que soit le risque vasculaire absolu de la population non diabétique. Le diabète
apparaît donc essentiellement comme un potentiali-
sateur du risque cardio-vasculaire induit par les autres
facteurs de risque classiques que sont l’hypertension
artérielle, l’hypercholestérolémie et le tabagisme. De
plus, il fait perdre aux femmes, avant l’âge de la ménopause, une partie de leur protection naturelle vis-à-vis
du risque cardio-vasculaire. Si le diabète est donc un
facteur de risque bien établi, le véritable responsable
fait encore l’objet de débats…
La responsable est-elle l’hyperglycémie
elle-même ?
La réponse est évidemment oui, lorsque l’hyperglycémie
est responsable d’une glomérulopathie diabétique.
Plusieurs études menées dans le diabète de type 1
comme dans le diabète de type 2 ont bien démontré
que la néphropathie diabétique était un facteur d’athérosclérose évolutive, véritable angiopathie maligne, et
ce depuis le stade de microalbuminurie jusqu’à celui
de l’insuffisance rénale.
En l’absence de glomérulopathie diabétique, l’hyperglycémie est-elle un facteur de risque cardio-vasculaire indépendant ? Plusieurs études ont montré qu’à
1 point d’HbA1c en plus (soit environ 0,30 g/l de glycémie moyenne pendant 2 mois) correspond une augmentation du risque d’infarctus du myocarde de 10 à
15 % sur 5 à 10 ans. Concernant la microangiopathie et
l’artérite distale, 1 point d’HbA1c en plus correspond à
30 % d’apparition de complications supplémentaires.
Plusieurs études ont également montré de manière
convergente que la diminution d’1 point d’HbA1c permettait de réduire de 30 % ces complications. Qu’en
est-il pour l’insuffisance coronaire ? Le fait d’abaisser
l’HbA1c diminue-t-il la survenue d’infarctus du myocarde ? Les études épidémiologiques apportent un
argument indirect, en montrant une corrélation entre
la rétinopathie sévère et l’insuffisance coronaire, si bien
que l’existence d’une rétinopathie sévère doit être considérée comme un marqueur de risque d’insuffisance
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 3 - mars 2010
Hyperglycémie et risque cardio-vasculaire : les données de l’evidence-based medicine
coronaire chez les patients diabétiques. Mais la preuve
directe n’a pas été apportée. Dans l’étude UKPDS (1), sur
une durée moyenne de 8 ans, une baisse d’HbA1c de
0,9 point a entraîné une diminution d’infarctus du myocarde de 16 %, à la limite de la significativité (p = 0,052).
Dans l’étude DCCT (2), menée chez des diabétiques de
type 1, une baisse d’HbA1c de – 1,8 % pendant 6,5 ans a
entraîné une réduction des événements cardio-vasculaires de 41 %, sans atteindre la significativité en raison
du très faible nombre d’événements. Ce n’est que dans
les études de suivi post-UKPDS (3) et post-DCCT (4),
alors même que l’HbA1c était devenue identique entre
le groupe contrôle et le groupe traitement intensif, que
la réduction des événements est devenue significative :
moins 15 % d’infarctus du myocarde dans l’étude postUKPDS, et moins 42 % d’événements cardio-vasculaires
dans l’étude post-DCCT. Bien sûr, ces résultats de suivi
après étude peuvent être entachés de biais, notamment
en raison des patients perdus de vue. Notons cependant que ces deux grandes études menées chez des
diabétiques de type 1 et 2 ont montré un bénéfice de
l’amélioration de l’HbA1c chez des patients en prévention primaire, avec un bénéfice rémanent 10 ans après
la fin de l’étude, ou plutôt une persistance prolongée
des effets délétères d’un mauvais équilibre.
Les résultats des trois études ACCORD (5), ADVANCE (6)
et VADT (7), visant à comparer un traitement hypoglycémiant standard et un traitement intensif, étaient donc
particulièrement attendus. Les patients inclus étaient
des diabétiques de type 2 âgés de 65 ans, en prévention primaire (deux tiers des patients) ou secondaire
(un tiers des patients), et diabétiques depuis environ
10 ans. La différence d’HbA1c entre le groupe intensif et le groupe contrôle a été respectivement de 6,4
versus 7,5 dans l’étude ACCORD, 6,5 versus 7,3 dans
l’étude ADVANCE, et 6,9 versus 8,4 dans l’étude VADT. La
réduction des événements cardio-vasculaires majeurs
n’a été significative dans aucun des groupes. Dans
l’étude ACCORD, les infarctus non fatals ont certes été
réduits significativement de 24 % (p = 0,004), mais les
décès ont augmenté significativement de 22 %, avec un
accroissement de 35 % de la mortalité cardio-vasculaire
(p = 0,02), si bien que l’étude a été arrêtée au bout de
3 ans et demi. L’étude VADT a également montré une
augmentation de 23 % de la mortalité cardio-vasculaire sur 6 ans dans le groupe traitement intensif, sans
atteindre la significativité ; dans l’étude ADVANCE, on
observait sur une durée de 5 ans une diminution de 7 %
(non significative) des décès et une baisse de 13 % de la
mortalité cardio-vasculaire. Donc, loin de démontrer un
bénéfice de la réduction de l’HbA1c, deux de ces trois
études (ACCORD et VADT) qui cherchaient à obtenir la
normalisation de l’HbA1c (HbA1c inférieure à 6 %) ont
mis en évidence une surmortalité.
Plusieurs analyses secondaires tentent d’expliquer ce
phénomène. Notons tout d’abord qu’il s’agit d’une augmentation relative importante de la mortalité (22 %),
mais que l’augmentation en valeur absolue est faible
(3 patients sur 1 000 par an). En effet, la mortalité du
groupe contrôle de l’étude ACCORD est particulièrement faible : 1,14 % par an versus 1,92 % dans l’étude
ADVANCE. Cette faible mortalité du groupe contrôle
peut s’expliquer par l’optimisation des traitements
cardio-vasculaires, avec 88 % de patients sous statines
dans ACCORD contre 48 % dans ADVANCE et 76 % de
patients sous aspirine dans ACCORD contre 55 % dans
ADVANCE. Surtout, l’étude ACCORD avait un objectif
de normalisation des glycémies, avec une HbA1c inférieure à 6 %, 50 % des glycémies à jeun inférieures à 1 g/l,
et 50 % des glycémies postprandiales 2 heures après
le repas inférieures à 1,40 g/l. Tant que ces objectifs
n’étaient pas atteints, il était impératif d’intensifier le
traitement, en augmentant si besoin les doses d’insuline, lesquelles ne devaient être réduites qu’en cas de
survenue d’hypoglycémie sévère. En conséquence,
les hypoglycémies sévères nécessitant une assistance
médicale ont été 3 fois plus fréquentes dans le groupe
intensif que dans le groupe contrôle (10,5 % versus
3,5 %). Or, les analyses ont montré une augmentation
de la mortalité chez les patients ayant fait une hypoglycémie sévère, avec un RR de 2 dans le groupe intensif
et un RR de 4 dans le groupe contrôle. Les hypoglycémies sévères comme marqueur ou comme facteur de
risque ont donc joué un rôle important dans l’explication de la surmortalité. Remarquons toutefois que,
dans ACCORD comme dans VADT, le risque de mortalité
lié à la survenue d’hypoglycémies sévères était plus
important dans le groupe contrôle que dans le groupe
intensif. Observation en partie inexpliquée, bien que
l’on sache que la répétition des hypoglycémies entraîne
une diminution de la contre-régulation hormonale et de
la réponse neurovégétative, et donc possiblement une
diminution des manifestations cardio-vasculaires secondaires à l’hypoglycémie. Quoi qu’il en soit, les auteurs
ont insisté sur le fait qu’il existait une surmortalité dans
le groupe traitement intensif, même en l’absence d’hypoglycémies. Les hypoglycémies répétées entraînant
un défaut de perception des hypoglycémies, en particulier durant la nuit, des hypoglycémies nocturnes
sévères asymptomatiques ont pu être responsables
de troubles du rythme, eux-mêmes responsables de
morts subites. En revanche, les analyses secondaires ont
réfuté l’hypothèse d’une baisse trop rapide de l’HbA1c
à l’origine de cette surmortalité cardio-vasculaire.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 3 - mars 2010
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Le diabète de type 2
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thématique
Cette hypothèse avait été soulevée par analogie avec
l’aggravation de la microangiopathie observée lorsqu’on
corrige rapidement un déséquilibre glycémique. En réalité, la surmortalité est apparue surtout après les deux
premières années de l’étude. A contrario, la mortalité
a été plus importante chez les patients dont l’HbA1c
n’avait pas baissé rapidement. Une dernière hypothèse
est encore à l’étude, selon laquelle la surmortalité pourrait être secondaire à la surcharge pondérale induite
par le traitement hypoglycémiant intensif, avec une
prise moyenne de 3,5 kg versus 0,4 kg et, surtout, une
augmentation de plus de 10 kg chez 28 % des patients
du groupe intensif contre 14 % des patients du groupe
contrôle, alors même que l’indice de masse corporelle à
l’inclusion était de 32. Il faut dire que 77 % des patients
du groupe intensif recevaient de l’insuline et que 92 %
d’entre eux recevaient une glitazone (essentiellement
rosiglitazone).
Les 7 leçons des études ACCORD,
VADT et ADVANCE
Leçon n° 1
Nous n’avons toujours pas la preuve absolue du bénéfice cardio-vasculaire du traitement de l’hyperglycémie,
en dehors de la prévention de la glomérulopathie diabétique. On peut, bien sûr, être convaincu de ce bénéfice
sur la base d’études observationnelles ayant montré un
bénéfice cardio-vasculaire chez les patients diabétiques
de type 2 greffés rein/pancréas versus les patients diabétiques ayant perdu le greffon pancréatique, mais ces
deux types de patients sont très différents puisque les
greffés rein/pancréas ont une HbA1c normale (inférieure
à 6 %) et ne font pas d’hypoglycémie, alors que les greffés du rein isolés ayant perdu le greffon pancréatique
ont une HbA1c élevée (9 %) et continuent à faire des
hypoglycémies.
Leçon n° 2
Les analyses des sous-groupes des études ACCORD (5)
et VADT (7) montrent un bénéfice du traitement intensif
chez les patients en prévention primaire ayant un diabète récent, comme cela avait été le cas dans l’étude
UKPDS (1). Dans l’étude VADT, le bénéfice cardio-vasculaire est inversement corrélé au score calcique coronaire (7).
Leçon n° 3
Il existe un bénéfice rémanent 10 ans après le bon équilibre glycémique initial. Il nous paraît plus exact de dire
qu’il existe une pénalité rémanente 10 ans après un
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mauvais équilibre glycémique initial. Cette héritabilité
de l’hyperglycémie est bien différente de ce qui est
observé avec l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie. Son explication complexe pourrait relever
d’une différence du rôle de l’hyperglycémie dans la
pathogénie de l’athérosclérose. Si l’hyperglycémie très
élevée avec un diabète très déséquilibré est un facteur
indiscutable de dyslipidémie et de thrombose, participant au processus athérogène, une hyperglycémie
modérée avec une HbA1c entre 6 et 8 % serait plutôt
un facteur d’artériosclérose, c’est-à-dire en quelque
sorte de vieillissement artériel, avec un processus de
hyalinosclérose et de calcifications de la média. On
comprend mieux alors que le processus de vieillissement accéléré soit irréversible.
Leçon n° 4
Les études ACCORD et VADT ont rappelé que l’hypoglycémie sévère chez les patients coronariens pouvait
comporter un risque mortel. Dans ces études, il est
difficile de savoir si l’hypoglycémie est un simple marqueur ou plutôt un facteur de risque. Plusieurs études
menées chez des diabétiques de type 1 ayant réalisé
de manière concomitante un holter glycémique et un
holter cardiaque ont montré que l’hypoglycémie était
responsable de troubles du rythme cardiaque et de
phénomènes ischémiques. Du coup, à la lumière de
ces données, il est indispensable de revoir les objectifs
d’HbA1c. Au début du diabète, en prévention primaire,
il paraît raisonnable de fixer un objectif inférieur à 6,5 %.
Chez un diabétique ancien à haut risque cardio-vasculaire, ce niveau d’HbA1c ne peut être maintenu que si
les médicaments utilisés ne comportent pas de risque
d’hypoglycémie. Si on a recours à des sulfamides hypoglycémiants, il semble raisonnable de fixer un objectif
d’HbA1c inférieur à 7 %. Avec l’insuline, l’objectif devrait
être inférieur à 7,5 %, voire à 8 %. Remarquons que dans
le groupe contrôle de l’étude ACCORD, qui était celui
ayant montré le plus faible taux de mortalité parmi
l’ensemble des études prospectives réalisées chez des
diabétiques de type 2, l’HbA1c était de 7,5 %.
Leçon n° 5
De façon presque étonnante, les trois études ACCORD,
ADVANCE et VADT ont montré la possibilité de stabiliser l’HbA1c sur plusieurs années, alors que les études
UKPDS (1) et ADOPT (8) avaient montré une aggravation spontanée de l’HbA1c d’environ 0,2 point par
an sous monothérapie. En effet, ACCORD et VADT
n’étaient pas des études comparant des monothérapies mais des études de stratégie utilisant une escalade
thérapeutique. Les glitazones, qui ont une propriété
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Hyperglycémie et risque cardio-vasculaire : les données de l’evidence-based medicine
de bêta-­protection actuellement bien documentée,
étaient utilisées dans 98 % des cas chez les patients de
l’étude ACCORD, dans 85 % des cas chez les patients de
l’étude VADT, mais seulement dans 17 % des cas chez
les patients de l’étude ADVANCE.
Leçon n° 6
Les études en sous-groupes n’ont montré ni risque ni
bénéfice particulier d’une classe thérapeutique, en
particulier pas de rôle délétère des glitazones, ni des
sulfonylurées, ni de l’insuline, en dehors des hypoglycémies.
Leçon n° 7
Les grandes études n’échappent pas aux biais d’interprétation. Lorsqu’on compare des stratégies, on ne compare
pas des médicaments, même si on donne le nom d’un
médicament au groupe traitement intensif. De même,
lorsqu’on retient comme critère de jugement un critère
combiné associant macro- et microangiopathie, qui n’est
significativement amélioré que grâce à la réduction de
la néphropathie, il n’est pas permis d’écrire que telle
stratégie (ou pis tel médicament) améliore l’ensemble
des paramètres du critère combiné.
À la recherche d’autres coupables…
La responsabilité de l’hyperglycémie chronique comme
facteur de risque cardio-vasculaire majeur reste donc
débattue, même si personne ne doute que le diabète
de type 2 est un facteur de risque cardio-vasculaire
majeur. Il est donc légitime de se demander si d’autres
paramètres métaboliques observés au cours du diabète
ne sont pas en cause, notamment l’hyperglycémie postprandiale et l’insulinorésistance.
L’hyperglycémie post-prandiale
L’hyperglycémie post-prandiale est un marqueur de
risque vasculaire reconnu chez le non-diabétique et
chez le prédiabétique, mais elle n’est pas un marqueur
démontré chez le patient diabétique. Bien sûr, des arguments physiopathologiques montrent que l’hyperglycémie post-prandiale est corrélée au stress oxydant. À
notre connaissance, seules trois études d’intervention
randomisées ont permis de comparer une différence
de glycémie post-prandiale, et plus exactement de
delta glycémique, entre les glycémies préprandiales et
post-prandiales, avec une HbA1c identique.
La première est l’étude STOP-NIDDM (9), qui a comparé
acarbose versus placebo chez des patients prédiabétiques, avec une réduction importante du nombre
d’infarctus du myocarde, mais ce n’était pas l’objectif
principal de l’étude, qui était celui de la prévention du
diabète de type 2. Les glycémies post-prandiales n’ont
pas été mesurées ; surtout, le nombre d’événements
a été très réduit (19 versus 1), si bien qu’il n’est pas
possible de conclure. Une étude est en cours en Chine.
Une deuxième étude a comparé le glibenclamide
(Daonil®) et le repaglinide (Novonorm®), avec une
HbA1c identique et une différence de glycémie postprandiale. Sous Novonorm®, l’épaisseur intima-média
a significativement moins augmenté que sous Daonil®.
Cependant, il ne s’agit que d’un critère de substitution
qui ne saurait en aucune façon remplacer une étude
de morbi-mortalité cardio-vasculaire (10).
Enfin, l’étude Heart 2D (11), réalisée chez 1 116 patients
diabétiques de type 2 ayant fait un infarctus du myocarde dans les 3 semaines, n’a pas montré de différence d’événement cardio-vasculaire majeur chez les
patients traités par insuline basale, comparativement
aux patients traités par 3 injections d’insuline analogue
rapide, alors que l’HbA1c était identique dans les deux
groupes (7,8 %) et que seule la glycémie post-prandiale
différait.
À ce jour, donc, la glycémie post-prandiale n’est pas
un facteur de risque cardio-vasculaire chez le patient
diabétique, mais seulement un marqueur chez les
non-diabétiques et chez les prédiabétiques, reflétant
sûrement l’insulinorésistance.
L’insulinorésistance
L’insulinorésistance est-elle coupable ? On sait qu’elle
s’accompagne d’une hyperinsulinémie d’une part,
et d’une augmentation des acides gras libres d’autre
part, toutes deux responsables d’une dyslipidémie
avec augmentation des triglycérides, diminution du
HDL-cholestérol et augmentation des LDL petites et
denses, d’une dysfonction endothéliale, d’une rétention
hydrosodée et d’une augmentation du tonus sympathique participant à la pathogénie d’une hypertension
artérielle, d’un état prothrombotique avec augmentation de l’agrégation plaquettaire et augmentation du
PAI1, et, enfin, d’un syndrome inflammatoire et d’une
diminution de l’adiponectine corrélée à la répartition
androïde des graisses. C’est pourquoi le diabétique de
type 2 est un malade vasculaire avant d’être un patient
hyperglycémique.
Pour réduire le risque cardio-vasculaire du diabète de
type 2, il faut donc :
✓✓ Traiter l’insulinorésistance grâce à l’activité physique
et aux mesures diététiques. L’étude BARI 2 (12) a comparé de façon randomisée le traitement de première
intention par insulinosensibilisateurs (metformine et
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Le diabète de type 2
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glitazones) et le traitement par insulinoproducteurs
(sulfonylurées et insuline). Il n’y a pas eu de différence
en termes de mortalité. En revanche, chez les patients
diabétiques à très haut risque ayant bénéficié d’un
pontage coronarien, le traitement par insulinosensibilisateurs s’est montré supérieur au traitement par
insulinoprotecteur en matière d’événements cardio-­
vasculaires majeurs. Cependant, l’HbA1c était inférieure
de 0,5 point dans le traitement par insulinosensibilisateurs.
✓✓ Traiter les conséquences de l’insulinorésistance,
deuxième voie, qui a d’ores et déjà fait preuve de son
efficacité. Le traitement de la dyslipidémie fait appel
en premier lieu aux statines. On attend les résultats
du bras lipidique de l’étude ACCORD pour savoir si
l’association statines + fibrate permettra de réduire
le surrisque des diabétiques de type 2. Le traitement
de la pression artérielle privilégie en première ligne
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion associés si
nécessaire aux diurétiques thiazidiques ou aux dihydropyridines, sachant qu’il faut souvent recourir à une
multithérapie antihypertensive.
✓✓ Enfin, le traitement antithrombotique par aspirine
a démontré son efficacité en prévention secondaire. Il
reste discuté en prévention primaire. La posologie de
l’aspirine est également discutée chez les diabétiques
de type 2.
Pour conclure, rappelons que l’étude Steno 2 (13),
réalisée chez 160 diabétiques de type 2 microalbuminuriques âgés de 55 ans et diabétiques depuis
8 ans, a montré une réduction du risque de 50 % de la
morbi-mortalité cardio-vasculaire, grâce à un traitement
intensif de l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire. Cependant, dans cette étude, l’objectif d’une
HbA1c inférieure à 6,5 % n’a été atteint que chez 10 %
des patients du groupe intensif dont l’HbA1c moyenne
était de 7,7 %.
Conclusion
L’hyperglycémie est le facteur causal de la microangiopathie. La pression artérielle joue ici un rôle aggravant.
Le rapport entre l’HbA1c et la microangiopathie est
exponentiel. Une valeur d’HbA1c inférieure à 6,5 % peut
être considérée comme un équilibre parfait, une valeur
inférieure à 7 % comme un bon équilibre, une valeur
inférieure à 7,5 % comme un équilibre acceptable, et une
HbA1c supérieure à 8 % comme un mauvais équilibre
nécessitant une révision du traitement. L’hyperglycémie
apparaît comme un facteur aggravant du risque
cardio-vasculaire. Le bénéfice de son traitement est
quasi démontré en prévention primaire. Chez les
patients ayant un risque cardio-vasculaire faible, l’objectif d’HbA1c est voisin de celui défini pour la microangioapthie. Lorsque le patient diabétique présente un
risque cardio-vasculaire élevé ou est en prévention
secondaire, il faut éviter l’hypoglycémie, en particulier
lors du recours à l’insulinothérapie. Un objectif d’HbA1c
inférieur à 7,5 % paraît alors raisonnable.
■
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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 3 - mars 2010
3811 - www.pro-g.eu - 02/2010
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