Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 3 - mars 2010
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Hyperglycémie et risque cardio-vasculaire : les données de l’evidence-based medicine
coronaire chez les patients diabétiques. Mais la preuve
directe n’a pas été apportée. Dans l’étude UKPDS (1), sur
une durée moyenne de 8 ans, une baisse d’HbA1c de
0,9 point a entraîné une diminution d’infarctus du myo-
carde de 16 %, à la limite de la signicativité (p = 0,052).
Dans l’étude DCCT (2), menée chez des diabétiques de
type 1, une baisse d’HbA1c de – 1,8 % pendant 6,5 ans a
entraîné une réduction des événements cardio-vascu-
laires de 41 %, sans atteindre la signicativité en raison
du très faible nombre d’événements. Ce n’est que dans
les études de suivi post-UKPDS (3) et post-DCCT (4),
alors même que l’HbA1c était devenue identique entre
le groupe contrôle et le groupe traitement intensif, que
la réduction des événements est devenue signicative :
moins 15 % d’infarctus du myocarde dans l’étude post-
UKPDS, et moins 42 % d’événements cardio-vasculaires
dans l’étude post-DCCT. Bien sûr, ces résultats de suivi
après étude peuvent être entachés de biais, notamment
en raison des patients perdus de vue. Notons cepen-
dant que ces deux grandes études menées chez des
diabétiques de type 1 et 2 ont montré un bénéce de
l’amélioration de l’HbA1c chez des patients en préven-
tion primaire, avec un bénéce rémanent 10 ans après
la n de l’étude, ou plutôt une persistance prolongée
des eets délétères d’un mauvais équilibre.
Les résultats des trois études ACCORD (5), ADVANCE (6)
et VADT (7), visant à comparer un traitement hypoglycé-
miant standard et un traitement intensif, étaient donc
particulièrement attendus. Les patients inclus étaient
des diabétiques de type 2 âgés de 65 ans, en préven-
tion primaire (deux tiers des patients) ou secondaire
(un tiers des patients), et diabétiques depuis environ
10 ans. La diérence d’HbA1c entre le groupe inten-
sif et le groupe contrôle a été respectivement de 6,4
versus 7,5 dans l’étude ACCORD, 6,5 versus 7,3 dans
l’étude ADVANCE, et 6,9 versus 8,4 dans l’étude VADT. La
réduction des événements cardio-vasculaires majeurs
n’a été significative dans aucun des groupes. Dans
l’étude ACCORD, les infarctus non fatals ont certes été
réduits signicativement de 24 % (p = 0,004), mais les
décès ont augmenté signicativement de 22 %, avec un
accroissement de 35 % de la mortalité cardio-vasculaire
(p = 0,02), si bien que l’étude a été arrêtée au bout de
3 ans et demi. L’étude VADT a également montré une
augmentation de 23 % de la mortalité cardio-vascu-
laire sur 6 ans dans le groupe traitement intensif, sans
atteindre la signicativité ; dans l’étude ADVANCE, on
observait sur une durée de 5 ans une diminution de 7 %
(non signicative) des décès et une baisse de 13 % de la
mortalité cardio-vasculaire. Donc, loin de démontrer un
bénéce de la réduction de l’HbA1c, deux de ces trois
études (ACCORD et VADT) qui cherchaient à obtenir la
normalisation de l’HbA1c (HbA1c inférieure à 6 %) ont
mis en évidence une surmortalité.
Plusieurs analyses secondaires tentent d’expliquer ce
phénomène. Notons tout d’abord qu’il s’agit d’une aug-
mentation relative importante de la mortalité (22 %),
mais que l’augmentation en valeur absolue est faible
(3 patients sur 1 000 par an). En eet, la mortalité du
groupe contrôle de l’étude ACCORD est particulière-
ment faible : 1,14 % par an versus 1,92 % dans l’étude
ADVANCE. Cette faible mortalité du groupe contrôle
peut s’expliquer par l’optimisation des traitements
cardio-vasculaires, avec 88 % de patients sous statines
dans ACCORD contre 48 % dans ADVANCE et 76 % de
patients sous aspirine dans ACCORD contre 55 % dans
ADVANCE. Surtout, l’étude ACCORD avait un objectif
de normalisation des glycémies, avec une HbA1c infé-
rieure à 6 %, 50 % des glycémies à jeun inférieures à 1 g/l,
et 50 % des glycémies postprandiales 2 heures après
le repas inférieures à 1,40 g/l. Tant que ces objectifs
n’étaient pas atteints, il était impératif d’intensier le
traitement, en augmentant si besoin les doses d’insu-
line, lesquelles ne devaient être réduites qu’en cas de
survenue d’hypoglycémie sévère. En conséquence,
les hypoglycémies sévères nécessitant une assistance
médicale ont été 3 fois plus fréquentes dans le groupe
intensif que dans le groupe contrôle (10,5 % versus
3,5 %). Or, les analyses ont montré une augmentation
de la mortalité chez les patients ayant fait une hypogly-
cémie sévère, avec un RR de 2 dans le groupe intensif
et un RR de 4 dans le groupe contrôle. Les hypoglycé-
mies sévères comme marqueur ou comme facteur de
risque ont donc joué un rôle important dans l’expli-
cation de la surmortalité. Remarquons toutefois que,
dans ACCORD comme dans VADT, le risque de mortalité
lié à la survenue d’hypoglycémies sévères était plus
important dans le groupe contrôle que dans le groupe
intensif. Observation en partie inexpliquée, bien que
l’on sache que la répétition des hypoglycémies entraîne
une diminution de la contre-régulation hormonale et de
la réponse neurovégétative, et donc possiblement une
diminution des manifestations cardio-vasculaires secon-
daires à l’hypoglycémie. Quoi qu’il en soit, les auteurs
ont insisté sur le fait qu’il existait une surmortalité dans
le groupe traitement intensif, même en l’absence d’hy-
poglycémies. Les hypoglycémies répétées entraînant
un défaut de perception des hypoglycémies, en par-
ticulier durant la nuit, des hypoglycémies nocturnes
sévères asymptomatiques ont pu être responsables
de troubles du rythme, eux-mêmes responsables de
morts subites. En revanche, les analyses secondaires ont
réfuté l’hypothèse d’une baisse trop rapide de l’HbA1c
à l’origine de cette surmortalité cardio-vasculaire.