166 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre
(hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand
(hôpital Saint-Antoine, Paris)
// Cancer Research
// Oncogene
Traitement des cancers
colorectaux métastatiques
avec mutation de KRAS :
un espoir du côté des inhibiteurs
de MEK et de Src ?
> Yoon J, Koo KH, Choi KY. MEK1/2 inhibitors AS703026 and
AZD6244 may be potential therapies for KRAS mutated colorectal
cancer that is resistant to EGFR monoclonal antibody therapy.
Cancer Res 2011;71(2):445-53.
> Dunn EF, Iida M, Myers RA et al. Dasatinib sensitizes KRAS mutant
colorectal tumors to cetuximab. Oncogene 2011;30(5): 561-74.
L
es mutations du gène KRAS constituent désor-
mais un facteur bien démontré de résistance
aux anticorps anti-EGFR
(Epidermal Growth Factor
Receptor)
dans les cancers colorectaux métasta-
tiques. Les tumeurs colorectales mutées pour KRAS
étant, pour cette raison, privées de cétuximab et
de panitumumab, de nouvelles thérapies effi caces
dans ce sous-groupe de tumeurs sont donc forte-
ment attendues. Deux récentes études précliniques
nous offrent des pistes thérapeutiques intéres-
santes.
Dans la première étude, publiée dans
Cancer
Research
, J. Yoon et al. ont évalué in vitro et sur
xénogreffes tumorales l’impact thérapeutique
potentiel de 2 inhibiteurs spécifiques de MEK,
AS703026 et AZD6244, actuellement étudiés dans
des essais cliniques de phases I-II, en présence d’une
mutation de KRAS. En effet, le mécanisme molé-
culaire qui sous-tend la résistance aux anticorps
anti-EGFR des tumeurs colorectales avec KRAS muté
est une activation acquise de la voie Ras/MAPK en
aval de la protéine Ras, elle-même activée par la
présence d’une mutation au niveau des codons 12
ou 13. L’idée était donc, dans cette étude, d’inhiber
directement la voie Ras/MAPK en aval de Ras en
ciblant spécifi quement MEK qui est un effecteur
de cette voie située juste en aval de BRAF (fi gure).
Pour cela, les auteurs ont utilisé les lignées isogé-
niques de cancer colorectal DLD-1 sans mutation
de KRAS (D-WT) et avec une mutation de KRAS au
niveau du codon 13 (D-MUT).
Après avoir vérifi é que la lignée D-WT était sensible
au cétuximab et que la lignée D-MUT était bien
résistante à cet anticorps anti-EGFR par l’inter-
médiaire d’une activation de la voie des MAPK
(surexpression de phospho-ERK), J. Yoon et al.
ont montré que les 2 inhibiteurs de MEK ont
un effet thérapeutique in vitro et sur le modèle
murin xénogreffé par la lignée mutée pour KRAS.
En effet, alors qu’ils n’avaient aucun effet sur la
lignée non mutée, AS703026 et AZD6244 étaient,
chacun, capables d’inhiber de plus de 60 % la proli-
fération de la lignée cellulaire D-MUT ainsi que
l’activité de phospho-ERK (refl et de l’activation
de la voie des MAPK) au sein de cette lignée, sans
modifi er l’activité de AKT (refl et de l’activation de
la voie PI3K/AKT). Ces 2 inhibiteurs de MEK étaient
également capables de réduire le volume et le poids
tumoral dans des proportions identiques (réduction
supérieure à 60 %) chez les souris xénogreffées par
la lignée KRAS muté avec, là aussi, une réduction
signifi cative de l’expression immunohistochimique
de phospho-ERK traduisant l’inhibition de la voie
des MAPK induite par ces thérapies ciblées.
Après des premiers résultats décevants obtenus
avec des inhibiteurs de MEK peu spécifi ques, cette
étude apporte enfi n un rationnel préclinique à
l’évaluation de ces nouveaux inhibiteurs de MEK
beaucoup plus spécifiques dans le traitement
des cancers colorectaux avec mutation de KRAS.
Cependant, compte tenu du possible échappement
thérapeutique aux inhibiteurs de MEK lié à une
activation parallèle de la voie de signalisation PI3K/
AKT dans ces tumeurs mutées pour KRAS (acti-
vation directe de PI3K par Ras muté) [fi gure], il
semble logique, pour plus d’effi cacité, d’évaluer à
l’avenir l’association d’un inhibiteur de MEK et d’un
inhibiteur de PI3K plutôt qu’un inhibiteur de MEK
uniquement. Un récent travail a, en effet, montré
que la combinaison d’inhibiteurs de MEK et de
PI3K avait un effet synergique dans des cellules de
cancer pulmonaire mutées pour KRAS
(1).
L’autre étude, publiée par E.F. Dunn et al. dans
Oncogene
a, quant à elle, évalué in vitro, dans
des lignées de cancer colorectal KRAS muté, le
dasatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase ciblant
notamment les kinases de la famille Src (SFK pour
Src Family Kinases
), déjà utilisé dans le traitement
de la leucémie myéloïde chronique. En effet, en
plus des voies majeures Ras/MAPK et PI3K/AKT, la
voie Src, tout comme la voie STAT et la voie de la
phospholipase C-γ/protéine kinase C, est une voie
de signalisation stimulée à la suite de l’activation de
l’EGFR au cours de la carcinogenèse de différents
types de tumeurs solides, dont la carcinogenèse
colorectale (fi gure).
Les auteurs ont sélectionné 3 lignées cellulaires de
cancer colorectal mutées pour KRAS (LS180 mutée
au niveau du codon 12, LoVo et HCT116 mutées
au niveau du codon 13) et 2 lignées KRAS sauvage
(SW48 et CaCo2), toutes exprimant les SFK. Après
avoir vérifi é que les lignées KRAS sauvage étaient
sensibles au cétuximab et que les lignées KRAS