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Onco l Vol 6 l N°6 l 2012
ON0366F
Adénocarcinome de
l’estomac: nouveautés
thérapeutiques
Thierry Delaunoit
Département de Gastroentérologie et d’Oncologie médicale, Hôpital de Jolimont, Haine-Saint-Paul
L’adénocarcinome de l’estomac est la forme de tumeur
gastrique le plus fréquemment rencontrée dans notre
pratique quotidienne. Approximativement un million
de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, la
positionnant parmi les quatre tumeurs les plus fré-
quemment rencontrées dans le monde. Son pronostic
est sombre puisque la survie globale, tous stades
confondus, est de 10 à 15% à 5 ans, ceci s’expliquant
par un diagnostic tardif de la maladie. En effet, moins de
50% des adénocarcinomes gastriques sont considérés
comme résécables au moment du diagnostic, en raison
de la découverte de métastases, soit par imagerie
conventionnelle, soit lors d’une laparoscopie
exploratrice.
La résection tumorale, réalisée chirurgicalement ou par
mucosectomie endoscopique, constitue, jusqu’à ce jour,
le plus sûr moyen de guérir un patient porteur d’une
tumeur gastrique. L’endorésection, ou mucosectomie,
est réservée aux tumeurs respectant la muscularis mu-
cosae (T1). Elle impose une évaluation par écho-
endoscopie avec minisonde et une discussion multi-
disciplinaire pour évaluer le rapport bénéces/risques
de cette technique par rapport à une exérèse chirurgi-
cale. Si la résection s’avère incomplète sur le plan ana-
tomopathologique, la chirurgie d’exérèse reste possible
et indiquée.
La chimiothérapie, indiquée dans les situations métasta-
tiques, a sa place dans l’arsenal thérapeutique des mala-
dies résécables (Tableau 1). En effet, Cunningham et
al. ont démontré, en réalisant une étude randomisée de
phase III comparant la chirurgie seule à une chimio-
thérapie néoadjuvante et adjuvante (étude MAGIC),
un bénéce en survie globale et en survie sans pro-
gression chez les patients traités dans le bras chimio-
thérapie (1). La chimiothérapie utilisée est une combi-
naison de 3 molécules: le 5-uoro-uracile (5-FU) admi-
nistré en continu pendant 9 semaines, le cisplatine
(CDDP) et l’épirubicine administrés tout deux toutes
les 3 semaines (ECF). Des résultats similaires ont été
rapportés par la Fédération nationale de Lutte contre
le Cancer (étude ACCORD07-FFCD 9703) (2). Cette
étude a utilisé une bithérapie combinant le 5-FU admi-
nistré pendant 5 jours tous les 28 jours et le CDDP
administré tous les 28 jours, et ce pour une durée de
2 à 3 mois avant et après la chirurgie. Les résultats ob-
tenus en termes de survie globale sont excellents en
faveur du bras chimiothérapie.
Keywords: adenocarcinoma of the stomach –
gastric cancer – gastroesophageal adenocarcinoma
ONCOLOGIE GASTRO-INTESTINALE
L’adénocarcinome de l’estomac représente l’une des causes
principales de décès par cancer dans le monde. Son diagnos-
tic est souvent tardif, rendant la prise en charge curative dif-
cile. Actuellement, la chirurgie reste le traitement de choix
des maladies localement avancées, en combinaison avec un
traitement «sandwich» de chimiothérapie ou une radiochi-
miothérapie adjuvante. Dans les formes avancées, la chimio-
thérapie seule est utilisée. De nouvelles associations de mé-
dicaments ainsi que de nouvelles molécules ont vu le jour ces
dernières années, rendant l’arsenal thérapeutique plus étoffé.
Parmi ces nouvelles drogues, notons le trastuzumab, une thé-
rapie ciblée visant le récepteur HER2-Neu, utilisée depuis de
nombreuses années dans le cancer du sein. Le but de cet
article est donc de revoir la prise en charge thérapeutique du
cancer de l’estomac, en insistant sur les nouveautés théra-
peutiques disponibles ces dernières années. Une revue de la
littérature basée sur MEDLINE Search a été réalisée sur une
période de 6 ans (2005-2011), en se focalisant sur les études
randomisées de phase III, les plus pertinentes en termes de
résultats.
Peer-reviewed article
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Une autre attitude validée dans la littérature médicale dans les
pays occidentaux est l’utilisation d’une radiochimiothérapie
post-opératoire. L’étude Intergroup 0116 a en effet comparé la
chirurgie seule à l’utilisation d’une radiochimiothérapie asso-
ciée (3). Cette étude, bien que fort critiquée pour la qualité de
la chirurgie utilisée, a démontré un bénéce en survie globale
en faveur du bras radiochimiothérapie. Néanmoins, la toxicité
de cette attitude thérapeutique a été relativement importante
avec 3 décès, 41% de toxicité de grade 3 et 32% de toxicité de
grade 4. Par conséquent, les recommandations actuelles sont
d’utiliser la radiochimiothérapie adjuvante en cas de non-
utilisation du schéma de chimiothérapie néoadjuvante et adju-
vante. Deux études concernant l’utilisation d’une chimiothéra-
pie adjuvante à base de nouvelles molécules (S-1 et uracil-te-
gafur) ont été publiées récemment au Japon. Ces deux études
ont démontré un bénéce signicatif en survie globale en ce
qui concerne le bras chimiothérapie (4, 5). Ces médicaments
ne sont néanmoins pas facilement disponibles en Europe et ne
constituent donc pas actuellement un standard de traitement
pour ce type de maladie. La chimiothérapie néoadjuvante seule
n’a pas démontré d’intérêt dans la prise en charge des tumeurs
gastriques résécables.
La prise en charge de la maladie métastatique est essentielle-
ment médicale, par l’administration d’une chimiothérapie. Le
choix du traitement devra se faire en fonction de différents
paramètres, dont l’âge ou encore l’état général du patient.
Chau et al. ont réalisé une étude intéressante permettant de
déterminer des facteurs pronostiques réduisant la survie des
patients traités. Parmi ces facteurs, notons: un performance sta-
tus minimum de grade II, la présence de métastases hépatiques
et/ou péritonéales et un taux de phosphatases alcalines supé-
rieur à 100Ul (6). La présence de ces facteurs peut être une
aide à la décision thérapeutique. L’âge du patient doit aussi
Tableau 1: Traitement (néo)adjuvant du cancer de l’estomac localement avancé.
Tableau 2: Chimiothérapie et cancer gastrique métastatique.
N Situation Bras DFS (%) p OS (%) p
Cunningham et al. (1) 250/253 Péri-opératoire POC/S 30/18 < 0,001 36,3/29,5 = 0,009
Ychou et al. (2) 113/111 Péri-opératoire POC/S 34/19 = 0,003 38/24 = 0,021
Nakajima et al. (4) 95 / 95 Adjuvante S+UFT/S / / 86/73 0,017
Sakuramoto et al. (5) 529/530 Adjuvante S+S1/S / / 80,1/70,1 0,003
MacDonald et al. (3) 281/275 Adjuvante S+CR/S 48/31 < 0,001 50/41 0,005
DFS: Disease Free Survival; OS: Overall Survival; POC: Perioperative Chemotherapy; S: Surgery; CR: Chemoradiotherapy
N Régime RR (%) TTF p PFS (m) p OS (m) p
Bang et al. (8) 298/296 Tr-C-5FU/ C-5FU 47/35 6,7/5,5 0,0002 13,8/11,1 0,0046
Van Cutsem et
al. (9) 224/221 CF/DCF 25/37 / / 3,7/5,6 < 0,001 8,6/9,2 0,02
Waters et al.
(11) 130/126 FAMTX/ECF 21/46 / / / / 6,1/8,7 0,0005
Vanhoefer et
al. (12) 134/132/133 CF/ELF/FAMTX 20/9/12 / / 4,1/3,3/3,3 NS 7,2/7,2/6,9 NS
Cunningham et
al. (13) 263/245/250/244 ECF/EOF/ECX/EOX 41/42/46/48 / / 6,2/6,5/6,7/7 NS 9,9/9,3/9,9/11,2 0,02
Dank et al.
(14) 172/165 IF/CF 31,8/25,8 4/3,4 0,018 7,4/7,6 NS 9/8,7 NS
Guimbaud et
al. (15) 174/175 ECX/ FOLFIRI 4/5 0,078 5,3/5,75 / 9,5/9,7 NS
Boku et al. (16) 234/235/234 5-FU/CP/S1 9/38/28 / / / / 10,8/12,3/11,4 NS
Kang et al. (17) 160/156 XP/FP 46/32 / / 5,6/5 NS 10,5/9,3 NS
Koizumi et al.
(18) 148/150 CS1/S1 54/31 / / 6/4 < 0,0001 13/11 0,04
Ajani et al. (19) 527/526 CS1/CF 29,1/31,9 / / 4,8/5,5 NS 8,6/7,9 NS
PFS: Progression Free Survival; OS: Overall Survival; NS: non significatif; CF: cisplatine + 5FU; ELF: etoposide, leucovorine, 5-FU; FAMTX: 5-FU, doxorubi-
cine, methotrexate; ECF: epirubicine, cisplatine, 5-FU; DCF: docetaxel, cisplatine, 5-FU; EOF: epirubicine, oxaliplatine, 5-FU; ECX: epirubicine, cisplatine,
capecitabine; EOX: epirubicine, oxaliplatine, capecitabine; FOLFIRI: irinotecan, 5-FU, leucovorine; CP: irinotecan + cisplatine; XP: capecitabine + cispla-
tine; FP: 5-FU + cisplatine; S1: tegafur, 5-chloro-2,4-dihydroxypyridine, oxonate de potassium
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rentrer en ligne de compte, de même que sa motivation à af-
fronter un tel traitement. Il est néanmoins clair, au vu de la litté-
rature médicale, que lorsque l’on compare les résultats en sur-
vie, mais aussi en qualité de vie, entre le «best supportive care»
et une chimiothérapie, cette dernière remporte sans problème
la comparaison, tel que montré dans une méta-analyse publiée
en 2006 (7).
Le choix de la chimiothérapie de première ligne dépendra de
la présence ou non de la surexpression de HER2-neu par im-
munohistochimie. L’étude TOGA (Tableau 2) publiée ré-
cemment et utilisant une combinaison de 5-FU, CDDP et tras-
tuzumab a en effet démontré une survie globale dépassant
pour la première fois les 12 mois par rapport à la bithérapie
classique. Il en va de même pour la survie sans progression (8).
Cette combinaison est donc devenue depuis peu le standard
de traitement des adénocarcinomes gastriques. Lorsque la sur-
expression de HER2-neu n’est pas présente, une trithérapie
combinant docétaxel, CDDP et 5-FU (DCF) est indiquée. En
effet, Van Cutsem et al. ont clairement montré, dans une étude
randomisée de phase III comparant la bithérapie classique au
DCF, un bénéce en survie globale et en survie sans progres-
sion en faveur du DCF (9). La trithérapie est donc considérée
actuellement comme un standard de traitement de l’adénocar-
cinome gastrique métastatique. D’autres combinaisons ont vu
le jour ces dernières années, majoritairement des trithérapies
associant des molécules notamment utilisées dans le cancer
colique. Il s’agit de l’oxaliplatine, de l’irinotécan et de la capéci-
tabine. Parmi ces combinaisons, relevons l’ECF (épirubicine,
CDDP, 5-FU), l’ECX (épirubicine, CDDP, capécitabine), l’EOX
(épirubicine, oxaliplatine, capécitabine) ou encore le FOLFIRI
(irinotécan, 5-FU et acide lévofolinique). Globalement, la survie
globale des malades dans ces études se situe entre 8 et
11 mois, tandis que la survie sans progression avoisine les
6 à 7 mois.
Ces combinaisons ne sont pas toutes disponibles en Belgique
puisque certaines des molécules utilisées ne sont pas rem-
boursées dans cette indication.
Aucun consensus ne se dégage quant à l’utilité d’une seconde
ligne de chimiothérapie. Notons cependant des résultats très
encourageants obtenus sur 42 patients traités par sunitinib, un
inhibiteur multi-cible de tyrosine kinase, avec une survie mé-
diane de 11 mois et un prol de tolérance supportable (10).
En conclusion, l’adénocarcinome de l’estomac reste une mala-
die dont le pronostic est sombre, et ce malgré les multiples
avancées thérapeutiques de ces dernières années. La recherche
translationnelle, permettant actuellement de sélectionner les
malades pouvant bénécier de certains traitements (HER2-
neu positif), et une meilleure compréhension des mécanismes
conduisant à la genèse de ce cancer permettront dans le futur
d’en améliorer la prise en charge.
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Reçu: 05/12/2011 – Accepté: 07/02/2012
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