extrémités et des muscles axiaux, atteinte plurisystémique, anté-
cédents familiaux. La myotonie, non corrélée à l’intensité du
déficit musculaire, peut manquer, et sera alors, si nécessaire,
recherchée à l’électromyogramme. Un test génétique sanguin
avec mise en évidence d’une expansion du triplet CTG dans le
gène de la myotonine kinase est toujours indispensable pour
confirmer le diagnostic. Il permettra de dépister un sujet peu ou
non symptomatique et d’éliminer, si le patient présente une
symptomatologie myotonique, une autre affection (6) :myoto-
nies congénitales (dominante = Thomsen, récessive = Becker),
paramyotonie de Von Eulenburg, qui est une chanellopathie du
canal sodium de transmission dominante, myopathie proximale
avec myotonie (PROMM). Les deux premières affections débu-
tent tôt dans l’enfance et ne s’accompagnent pas de déficit,
d’atrophie ou d’atteinte plurisystémique. Dans la paramyotonie,
le phénomène myotonique s’aggrave à la répétition du mouve-
ment, alors qu’il s’améliore après échauffement dans la maladie
de Steinert. Ce phénomène est particulièrement net aux pau-
pières, et le froid est très aggravant. La détection d’une mutation
du canal sodium confirmera le diagnostic. La PROMM pose un
problème diagnostique plus difficile, car elle partage avec la
maladie de Steinert la transmission dominante, la survenue à
l’âge adulte, la présence d’un déficit musculaire, l’atteinte plu-
risystémique avec cataracte et atteinte cardiaque (7). Le dia-
gnostic repose sur l’absence de la mutation Steinert. Le gène a
été caractérisé récemment : présence d’une expansion d’un qua-
druplet CCTG, situé en 3q21 (8).
Comme on l’a vu plus haut, la maladie est méconnue par la plu-
part des médecins généralistes ou spécialistes. Le neurologue a
un rôle pédagogique auprès de ses collègues, en particulier les
ophtalmologistes et les gynécologues-obstétriciens, pour les
aider à reconnaître la maladie.
Organiser la prise en charge est le second impératif. Par l’inter-
rogatoire, des symptômes cardiologiques seront recherchés :
palpitations, syncopes, lipothymies, douleurs précordiales.
L’absence de signes fonctionnels cardiaques n’élimine aucune-
ment la possibilité d’une cardiopathie. Le patient sera systéma-
tiquement adressé à un cardiologue pour un ECG (bi-annuel), un
holter ECG annuel, une échographie cardiaque. En présence de
symptômes cardiologiques ou d’anomalies franches de la
conduction ou du rythme, ou en cas d’intervention chirurgicale
lourde nécessitant une anesthésie prolongée, une exploration du
faisceau de His est habituellement effectuée, au terme de
laquelle un pacemaker et/ou un traitement arythmique seront
indiqués.
L’atteinte respiratoire sera dépistée dès l’interrogatoire : dys-
pnée, dont la majoration en position couchée signera une défi-
cience diaphragmatique, signes d’hypercapnie (céphalées mati-
nales, cauchemars, sueurs nocturnes et matinales). Les
épreuves fonctionnelles respiratoires seront toujours deman-
dées, même en l’absence de tout symptôme, et comporteront,
en plus de l’étude de la capacité vitale, des gaz du sang. Une
hypercapnie franche (PCO2> 45 mmHg) est fréquente.
Lorsqu’elle est disproportionnée par rapport à la réduction de la
capacité vitale, une participation centrale affectant la com-
mande respiratoire est en cause. Si le bilan respiratoire est anor-
mal, un enregistrement nocturne sera pratiqué, mesurant la
saturation d’oxygène, si possible complété par une polysomno-
graphie permettant de détecter des apnées du sommeil.
L’hypersomnie, très fréquente, sera grossièrement appréciée
par un score d’Epworth. Si celui-ci est perturbé, une polysom-
nographie et un test d’endormissement seront demandés. Chez
l’enfant ou l’adolescent, les difficultés scolaires seront dépis-
tées et conduiront à des tests d’efficience.
En cas d’anesthésie générale, des complications sévères peuvent
survenir (9), qui justifient des mesures préventives : bilan car-
dio-respiratoire (voir supra),contre-indication des opiacés, du
suxaméthonium, suivi postopératoire suffisamment prolongé en
unité de réveil.
CONCLUSION
La maladie de Steinert est une affection musculaire fréquente
que tout praticien, quelle que soit sa spécialité, rencontrera, du
fait de sa richesse symptomatique, bien au-delà du champ neu-
romusculaire. Non formé à reconnaître cette maladie, le méde-
cin (généraliste et spécialiste) ne pose pas le diagnostic et prive
le patient d’un dépistage de complications très sérieuses (en par-
ticulier, troubles cardiaques) et d’un conseil génétique qui peut
déboucher sur un diagnostic prénatal. Il y a là un vrai problème
de santé publique. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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La Lettre du Neurologue - Hors-série - avril 2002 15