déficit intellectuel dans les formes adultes de
la maladie ne l’est pas. Tout praticien amené à suivre
plusieurs de ces patients froncera pourtant les sourcils
en lisant ces lignes… La relation patient/thérapeute souvent
délicate, les oublis de rendez-vous, la non-compliance
aux traitements amènent le praticien à douter soit de la
clarté de son discours (peu probable), soit des capacités
de compréhension de son interlocuteur (hypothèse nette-
ment plus convaincante). Mais est-ce la réalité ou une
impression subjective ?
CE QUE DISENT LES NEUROPSYCHOLOGUES
L’intelligence globale est préservée. Les scores de QI selon
la WAIS sont dans les valeurs normales bien que discrète-
ment plus bas que des témoins appariés en âge/
niveau d’éducation. Il en est de même pour le MMSE [1].
Certains auteurs avancent toutefois des résultats
contradictoires, et notamment l’existence d’une corrélation
entre la taille de l’expansion, la sévérité de la maladie et
le niveau intellectuel [2, 3]. Mais l’inclusion de formes
congénitales dans ces études peut fausser ce résultat. Les
autres domaines préservés sont le langage et la mémoire.
Cette dernière peut toutefois faire défaut chez les sujets
plus âgés, ayant fait évoquer l’hypothèse d’un processus
dégénératif pouvant conduire vers la démence pour cer-
tains auteurs [2].
Certains domaines sont par contre nettement altérés. Les
capacités visuo-spatiales et visuo-constructives sont défici-
taires, entraînant des difficultés dans la vie quotidienne
(orientation sur une carte, recherche d’itinéraire, brico-
lage). Il existe une diminution des capacités d’attention
ainsi qu’une diminution de la vitesse de traitement de
l’information (nonobstant la lenteur propre à l’atteinte
musculaire). On note enfin un syndrome dysexécutif mar-
qué notamment une altération des capacités de planifica-
tion [1, 2]. Rentrant dans le cadre du dysfonctionnement
frontal, il existe une apathie très fréquente objectivée par
les échelles spécifiques [4].
CE QUE DISENT LES PSYCHIATRES
La prévalence de la dépression dans la DM1 semble plus
élevée que dans la population générale, mais sans diffé-
rence réelle avec des patients contrôles atteints d’autres
affections neuromusculaires [5]. L’apathie et la somnolence
se révèlent être des facteurs confondants. La prévalence de
l’anxiété paraît elle aussi être la même que celle de la
population générale [1].
UNE PERSONNALITÉ À PART
Sans avoir la finesse d’analyse ni les termes affûtés du
psychiatre, le neurologue ressent bien qu’il existe des traits
de personnalité propres aux patients DM1. Habitué pour-
tant aux mécanismes de défense et aux adaptations variées
de ses patients face à la maladie, le neurologue est souvent
déstabilisé face aux réactions des patients DM1. Le refus
des soins, le manque de compliance passif (« oublie » ses
rendez-vous), les difficultés de communication sont au
premier plan. Steinert dans sa description de la maladie [6]
parlait déjà de ces troubles du comportement social qu’il
jugeait liés à une hyperémotivité. L’analyse complexe de
Delaporte [7] a permis de révéler certains de ces traits :
difficultés de communication, hypersensibilité à la critique,
sensation d’inconfort lors de la présence d’autrui, sensation
d’injustice et méfiance à l’égard des autres. Le profil de
personnalité le plus souvent rempli est la personnalité
évitante (selon le DSMIV, cf. annexe 1). Ces éléments peu-
vent être à l’origine de difficultés sociales, relationnelles
et professionnelles (repli sur le noyau familial, emplois
solitaires ne correspondant pas à leur profil de qualifica-
tion …). Ils sont également un défi quant au maintien d’un
suivi médical régulier.
UNE TENDANCE À « PIQUER DU NEZ »
La somnolence diurne excessive est très fréquente chez les
patients DM1. Rapportée par les conjoints ou aidants de
façon presque systématique, elle est souvent minimisée
par les patients. Le score Epworth, standard de l’évaluation
de cette hypersomnie, est d’ailleurs un mauvais outil de
dépistage dans cette population. L’origine de cette hyper-
somnie est complexe car elle n’est pas directement corrélée
à la présence d’apnées ou d’hypopnées du sommeil, pour-
tant particulièrement présentes dans cette affection neuro-
musculaire. Lorsqu’un traitement correctif des apnées
est toutefois mis en place (pour une indication ventila-
toire comme une hypercapnie matinale prolongée par
exemple), la somnolence est peu souvent améliorée.
Certains de ces patients ont un taux d’hypocrétine bas dans
le liquide céphalo-rachidien avec des valeurs pouvant
rejoindre celles des patients narcoleptiques [8] suggérant
un mécanisme central en lien avec l’hypothalamus.
Bien que le Modiodal® soit fréquemment prescrit en prati-
que clinique, les essais thérapeutiques utilisant les psycho-
stimulants chez les DM1 ne sont pas concluants [9]. De façon
non surprenante, l’observance semble médiocre chez ces
patients difficiles.
UN DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE SEP ?
Les anomalies de l’imagerie cérébrale. Outre l’atrophie
cérébrale très variable mais décrite depuis les premiers
scanners (prédominance frontale et corps calleux), il existe
de nombreuses lésions de la substance blanche à l’IRM qui
n’ont pas encore révélé leurs secrets [10]. À l’ère de la multi-
plication des IRM cérébrales et du « syndrome radiologi-
quement isolé » dans la SEP, ces anomalies de découverte
fortuite peuvent être à l’origine d’inquiétudes et de consul-
tations spécialisées. Un neurologue qui n’est pas au fait de
ces descriptions pourrait lui aussi s’inquiéter… Ces ano-
malies présentées dans la figure 1 sont souvent difficiles à
classer dans la catégorie des « hypersignaux aspécifiques
de la substance blanche » !
L’origine de ces hypersignaux est très discutée et les obser-
vations sont parfois contradictoires. Dysplasie embryonnaire
ou processus démyélinisant ? L’analyse anatomo pathologique
de ces lésions montre une raréfaction myélinique mais
aussi la présence de neurones ectopiques notamment dans
les pôles temporaux. S’il semble exister une augmentation
de la charge lésionnelle avec l’âge, l’intensité de ces lésions,
contrairement à l’atrophie, n’est pas vraiment corrélée avec
l’âge ou la sévérité de la maladie. Elle n’est pas non plus