La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 4 - avril 2014 | 111
MISE AU POINT
Séquelles psychologiques
Sur le plan psychologique, les patients atteints
de MM présentent fréquemment des symptômes
anxiodépressifs, et les séquelles physiques de la
maladie et du traitement sont responsables d’im-
portants troubles de l’image de soi. Cette obser-
vation concerne tous les patients survivant à un
cancer, mais le MM est plus particulièrement pour-
voyeur de troubles psychologiques par rapport aux
autres cancers (14). Ainsi, l’étude hollandaise citée
ci-dessus a montré que 37 % des patients étaient
inquiets pour leur santé future, 34 % avaient pensé
à leur maladie dans la semaine précédant le rem-
plissage du questionnaire, et 21 % étaient anxieux
à l’idée de leur propre mort (12). L’étude anglaise
a retrouvé des signes d’anxiété et des signes de
dépression chez respectivement 27,4 % et 25,2 %
des patients, et 40,8 % des patients signalaient des
préoccupations concernant l’avenir (13). À noter
également des signes anxieux et dépressifs chez
les partenaires des patients atteints de MM, dans
48,8 % et 13,6 % des cas respectivement. Cela
souligne la souffrance de l’entourage, qui se sent
souvent démuni et impuissant face au cancer. Ces
études, réalisées jusqu’à 11 ans après le diagnostic
du MM, mettent en évidence la persistance de ces
perturbations psychologiques à long terme.
De nombreuses études ont été réalisées sur le
groupe plus particulier des patients ayant reçu une
autogreffe de cellules souches périphériques. Une
étude portant sur 213 patients issus du centre de
l’Arkansas a retrouvé comme facteurs de risque de
troubles anxiodépressifs dans cette population un
faible niveau d’éducation, un âge avancé, le sexe
féminin, une origine caucasienne, le chômage,
le statut de célibataire et, également, sans grande
surprise, les complications physiques de la maladie
ou du traitement (15). Concernant l’âge, d’autres
études ont retrouvé au contraire que les patients
les plus jeunes semblaient être le groupe le plus à
risque de développer des troubles psychologiques
dans le MM comme dans la population générale des
survivants à un cancer (14).
Dans le cadre du MM, le fait de poursuivre un trai-
tement d’entretien semble être un facteur protec-
teur sur le plan anxiodépressif, probablement par le
biais de consultations plus régulières et donc d’un
contact plus régulier avec l’équipe soignante, et ce,
malgré les complications qui peuvent résulter de
la poursuite d’un traitement par chimiothérapie et
malgré le report du sentiment de clôture que peut
représenter la fin du traitement (13). Les hospitali-
sations fréquentes, en revanche, sont connues pour
être néfastes sur le plan psychologique et également
associées à certains symptômes somatiques tels que
l’anorexie ou les nausées (8).
Séquelles relationnelles
Un autre aspect de la prise en charge des patients
en rémission est celui de la réinsertion sociale et
professionnelle, chez des personnes qui peuvent se
retrouver en situation d’isolement. Se pose alors
la question du handicap, dont l’impact sur le plan
psychologique, professionnel, social et financier
n’est pas négligeable. Le MM fait partie des affec-
tions de longue durée qui donnent droit à une prise
en charge dite à 100 % avec exonération du ticket
modérateur, et, en cas d’invalidité, les patients
peuvent bénéficier d’allocations spécifiques, telles
que l’Allocation adulte handicapé. Cette aide est
souhaitée et recherchée par de nombreux patients
dans la phase aiguë de la prise en charge du MM.
Elle peut cependant être la source de problèmes à
distance si le patient souhaite reprendre une vie
sans “l’étiquette” handicapé. Le plan Cancer III, qui
devrait être mis en application dès 2014, mentionne
le “droit à l’oubli” pour les patients en rémission d’un
cancer et qui souhaitent reprendre une vie normale
– permettant que la déclaration du cancer ne soit
plus obligatoire au-delà d’un certain délai, notam-
ment lors de demandes de prêts ou de dossiers
d’assurance. Par ailleurs, certains patients peuvent
avoir des difficultés à comprendre ou à accepter
qu’ils ne sont plus handicapés.
Conclusion
Bien que le MM reste à ce jour une pathologie
incurable, les progrès thérapeutiques des dernières
années ont permis d’augmenter considérablement
la probabilité d’obtenir une rémission. La gestion des
patients en rémission d’un MM devient en consé-
quence une question centrale dans la prise en charge
de cette pathologie, tant sur le plan de la maladie
en elle-même que sur le plan des complications
ou des séquelles somatiques, psychologiques ou
socio-professionnelles. Un patient en rémission d’un
MM est un “survivant du cancer”, mais avec encore
l’épée de Damoclès que représente la possibilité de
rechute et de mort. ■
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Références
bibliographiques
(suite)
X. Leleu reçoit des honoraires
deJanssen, Celgene, LeoPharma,
Onyx/Amgen, Millenium/Takeda
et Novartis.
G. Fouquet déclare nepas avoir
de liens d’intérêts.