176 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 3 - mars 2012
SOINS ONCOLOGIQUES
DE SUPPORT
sur plusieurs éléments : un examen clinique attentif,
l’interprétation de marqueurs biologiques et le
dialogue avec le patient.
Parmi les marqueurs, certains sont utilisés de
longue date mais n’ont rien perdu de leur intérêt,
comme la numération plaquettaire (l’hyperthrom-
bocytose étant un indicateur de risque), la protéine
C réactive (CRP) ou le dosage des D-dimères. Le
score de Khorana peut être utilisé en routine (24)
[tableau IV]. D’autres éléments, plus modernes, ne
sont pas forcément utilisés en routine mais doivent
être connus par les cliniciens : P-sélectine (25),
facteur tissulaire, anticorps antiphospholipides et
microparticules (26).
Éduquer les soignants
De nombreuses actions sont mises en place dans
les hôpitaux pour améliorer la prescription d’une
prophylaxie antithrombotique et favoriser le respect
des recommandations. On sait que, comme dans
d’autres domaines, la simple diffusion passive des
recommandations ne modifi e pas les comporte-
ments et que des stratégies actives doivent être
imaginées (27). Par exemple, les rappels de pres-
cription d’une prophylaxie par des alertes, transmises
directement par voie électronique sur les dossiers
informatisés des patients, améliorent signifi cati-
vement la thromboprophylaxie, au niveau quan-
titatif et qualitatif, surtout lorsque ces alertes se
produisent de façon répétée (28). Ainsi, une étude
récente a montré que les médecins qui recevaient
2 nouvelles alertes électroniques lorsqu’ils décli-
naient la première proposition prescrivaient fi na-
lement une thromboprophylaxie chez 58 % des
patients, alors que ceux qui ne recevaient qu’une
seule alerte ne prescrivaient que dans 51 % des
cas (28). Dans une autre étude, la mise en place
d’alertes électroniques régulières a fait passer le
pourcentage de patients recevant une prophylaxie
appropriée de 44 % à 76 % (29). Un programme
mis en place par des pharmaciens hospitaliers et
destiné aux médecins et aux infi rmières, compor-
tant des lettres d’information, des présentations
dans les services et des formations sur la qualité
des soins, a permis d’augmenter la prescription de
la prophylaxie antithrombotique de 43 % avant
l’intervention à 58 % après (30). Ce programme
a également amélioré la qualité de la prescrip-
tion, qui était appropriée dans 38 % des cas avant
intervention et 49 % après (p = 0,006) et optimale
dans 11 % des cas avant intervention et 44 % après
(p < 0,001). Le résultat de chacune de ces actions
pédagogiques est parfois modeste, mais chaque
progrès est important, et, surtout, c’est la combi-
naison de plusieurs interventions actives qui donne
les meilleurs résultats et peut assurer l’optimisa-
tion de la mise en œuvre d’une thromboprophylaxie
adéquate (fi gure 3) [31]. De même, la multiplicité
des intervenants est importante, et, à cet égard,
infi rmières et pharmaciens peuvent être des acteurs
de premier plan. Les infi rmières peuvent procéder
à l’estimation du niveau de risque de thrombose à
l’aide d’outils adaptés (grilles d’évaluation), elles sont
en première ligne lors de la réalisation des injections
pour délivrer des messages sur les complications
possibles des thromboses veineuses profondes et
l’importance du traitement. Enfi n, elles doivent être
alertées sur les risques hémorragiques des patients
sous anticoagulants et doivent savoir dépister ce
type de complications. Les pharmaciens ont un rôle
clé pour l’information des patients ambulatoires et
pour la surveillance des prescriptions à l’hôpital.
Il faut enfi n profi ter de l’existence des réseaux en
oncologie qui font le lien entre la ville et l’hôpital et
entre les différents soignants. On peut regretter à cet
égard que les médecins vasculaires ne soient pas plus
intégrés dans ces réseaux, car ils jouent un rôle majeur
dans la prévention, le diagnostic et le traitement
des complications thromboemboliques (3). Quant
aux réseaux régionaux et territoriaux, ils devraient
veiller à l’implémentation du référentiel thrombose
proposé par l’Association francophone pour les soins
oncologiques de support (Afsos) lors des journées de
mise en commun des référentiels interrégionaux des
soins de support qui se sont tenues en décembre 2011
à Reims, disponible sur le site de l’Afsos (afsos.org).
Tableau IV. Modèle prédictif de Khorana.
Critères Score
Site du cancer primitif :
– estomac, pancréas
– poumon, lymphome, gynécologique, vessie, testicule
2
1
Taux de plaquettes ≥ 350 000/mm3 avant chimiothérapie 1
Hémoglobine < 10 g/dl
ou utilisation d’agent stimulant del’érythropoïèse (ASE) 1
Taux de leucocytes > 11 000/mm31
Indice de masse corporelle ≥ 35 kg/m21
Incidence (sur une durée médiane de 2,5 mois)
Risque Score Incidence des ETE (%)
Bas 0 0,3
Intermédiaire 1-2 2,0
Élevé ≥ 3 6,7