R É T R O S P E C T I V E 2 0 0 4 Cancer bronchique Lung cancer ● D. Moro-Sibilot* Paradigme, n.m. (angl. paradigm) Dans la littérature anglosaxonne récente, le terme paradigme est utilisé dans le sens donné par Kuhn : école de pensée, philosophie, Weltanschauung. Il s’agit des règles admises et intériorisées comme “normes” par la communauté scientifique, à un moment donné de son histoire, pour délimiter et problématiser les “faits” qu’elle juge dignes d’étude. La période 2003-2004 désignée par D. Johnson lors de l’ASCO 2004 aura été celle de deux changements de paradigme. Cette année est en effet marquée par deux événements majeurs, en contraste l’un par rapport à l’autre : tout d’abord, la découverte de mutations sur le site “kinase de l’EGFR” qui sont prédictrices de la réponse aux inhibiteurs de kinases (erlotinib et gefitinib) ; ensuite, la confirmation par plusieurs travaux successifs de l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante chez les malades opérés, le poumon rejoignant, après de nombreuses années, les autres tumeurs fréquentes (du sein et colorectales) pour ce qui est des traitements postopératoires. ÉPIDÉMIOLOGIE L’impact de la nocivité du tabagisme ainsi que l’effet bénéfique de l’arrêt du tabac restent très étudiés. Une large enquête épidémiologique prospective a comparé le risque de cancer bronchique chez 25 397 hommes et 60 296 femmes, fumeurs et ancien fumeurs (1). Il semble que, à tabagisme égal, la susceptibilité au tabac soit identique chez les hommes et chez les femmes. En revanche, dans un éditorial commentant cette étude, W. Blot (2) n’exclut pas que certaines différences existent dans la manière d’être exposé au tabac et de réagir à l’action des carcinogènes. Cela pourrait rendre compte, à risque égal, de la différence de répartition des diverses histologies du cancer bronchopulmonaire chez les hommes et les femmes. Une autre enquête (3) s’est interessée à la nocivité de l’usage de la pipe, cette mauvaise habitude restant très exclusivement masculine. Une étude antérieure (4) avait démontré que l’utilisation du cigare était loin d’être aussi inoffensive qu’il était convenu de l’admettre. Cette étude sur l’usage exclusif de la pipe a comparé 123 044 hommes n’ayant jamais fumé à 15 253 fumeurs ou anciens fumeurs de pipe. Le risque relatif de cancer bronchique * DMAS UF oncologie thoracique, CHU Grenoble, INSERM U578, BP 217X, Grenoble. La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004 augmente avec le nombre de pipes fumées par jour, l’importance de l’inhalation de la fumée et le nombre d’années d’utilisation. Le risque décroît progressivement dans les années qui suivent l’arrêt du tabac. Proportionnellement, le risque induit par l’usage de la pipe est très comparable à celui lié à l’usage du cigare, mais moindre que celui de la cigarette. L’idéal reste donc de ne pas commencer à fumer, ou d’arrêter le tabac. L’effet bénéfique de cet arrêt a été revisité par R. Peto (5) dans une étude concernant l’effet de l’arrêt du tabac sur la mortalité l’effet de la cohorte des médecins anglais suivie depuis l’année 1951. Cette très longue période de suivi (50 ans) ainsi que le nombre de sujets observés (34 439 médecins hommes) donnent toute sa valeur à cette étude. Plus il est précoce, plus l’arrêt du tabac a un effet positif sur la mortalité. Cette étude confirme des données déjà connues soulignant que le tabac est responsable du décès de la moitié des fumeurs persistants, dont un quart ont entre 35 et 69 ans. D’autres données sont nouvelles, comme le fait qu’arrêter le tabac vers 30 ans annule quasiment tous les risques, et qu’arrêter vers 50 ans les divise encore par deux (figure 1). Les fumeurs vivent en moyenne dix ans de moins que les nonfumeurs, et arrêter à 60 ans, 50, 40 ou 30 ans fait gagner respectivement trois, six, neuf ou dix ans d’espérance de vie. Malheureusement, il n’est pas toujours simple d’arrêter de fumer et, du fait de cette difficulté ou de raisons commerciales moins avouables, des stratégies de réduction de la consommation ou d’utilisation de produits “moins toxiques” sont proposées. Cela a été évalué lors d’une étude récente (6) concernant l’impact des stratégies de réduction du tabagisme sur les taux de carcinogènes présents dans l’organisme. Ce travail est assez décevant, car il ne montre pas de réduction significative des carcinogènes, laissant envisager que la diminution du nombre de cigarettes est compensée par une combustion plus efficace de celles qui continuent à être fumées. Un éditorial commentant cet article (7) conclut malheureusement, pour ces stratégies, que “plus les choses changent, plus elles restent identiques...”. CHIMIOTHÉRAPIE DES CANCERS NON À PETITES CELLULES La méta-analyse de 1995 (8) a laissé penser, sans pouvoir toutefois le démontrer, que les traitements adjuvants administrés en situation postopératoire étaient à même d’augmenter la survie des patients opérés. La majorité des études randomisées antérieures ou contemporaines à cette méta-analyse n’ont pas pu répondre 263 R É T R O S P E Arr t du tabac entre 35 et 44 ans Pourcentage de survie partirde 60 ans 100 Anciens fumeurs 80 Non-fumeurs 60 Fumeurs 40 20 0 40 50 60 70 80 90 C T I V E 0 0 4 de façon définitive à cette question, et il a été nécessaire d’attendre ces deux dernières années pour avoir des études apportant le niveau de preuve suffisant. L’étude ALPI, présentée à l’ASCO 2002 et publiée en 2003 (9), était négative mais n’avait sûrement pas la puissance nécessaire pour répondre à la question. Il a donc fallu attendre la présentation de T. Le Chevalier à l’ASCO 2003, puis sa publication cette année (10), pour démontrer l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante (figure 2). Deux nouvelles études présentées à l’ASCO 2004 ont analysé l’intérêt et la tolérance de la chimiothérapie adjuvante administrée pendant douze à seize semaines chez des patients de stades I et II. Dans l’étude intergroupe JBR.10, qui a inclus des patients de stades IB et II (11), 243 patients ont été traités par quatre cycles de vinorelbine et cisplatine ; ils ont été comparés à 239 patients simplement surveillés après l’opération. 100 Arr t du tabac entre 45 et 54 ans 100 Anciens fumeurs 80 Fumeurs 60 Non-fumeurs Survie globale (%) 100 Pourcentage de survie partirde 60 ans 2 Chimiothérapie (469 décès) 80 60 40 Contrôle (504 décès) 20 p < 0,03 0 0 40 Patients à risque 20 Chimiothérapie 932 935 Contrôle 1 2 775 774 624 602 Années 3 4 5 450 432 308 286 181 164 Figure 2. Courbe de survie de l’étude IALT. 0 40 50 60 70 80 90 100 Pourcentage de survie partirde 60 ans Arr t du tabac entre 55 et 64 ans 100 Anciens fumeurs 80 Fumeurs 60 Non-fumeurs 40 20 0 40 50 60 70 80 90 100 ge (ann es) Fumeurs N on-fumeurs Anciens fumeurs Figure 1. Courbes de survie à partir de l’âge de 60 ans en fonction de l’âge auquel on arrête ou non le tabac. Dans l’étude 9633 du CALGB, qui n’a étudié que des patients de stade IB (12), 173 patients ont été randomisés dans un groupe devant recevoir quatre cycles de l’association carboplatine-paclitaxel et 171 patients ont été simplement surveillés. Les résultats de ces deux études sont comparables, avec une survie globale de 61 % à cinq ans pour l’étude JBR.10 et de 71 % à quatre ans pour l’étude CALGB 9633, et une amélioration de la survie sans progression en faveur du traitement adjuvant (30 % pour le JBR.10 et 31 % pour le CALGB 9633). L’amélioration de la survie globale dans ces deux études a été de 12 à 15 %. La réduction du risque de décès a été de 38 % pour l’étude JBR.10 et de 49 % pour l’étude CALGB 9633. À la différence des autres études sur ce sujet (tableau), ces deux études ont concerné des stades très précoces de cancer bronchique et ont, par ailleurs, inclus plus de femmes que les essais antérieurs. La chimiothérapie utilisée a été dans tous les cas un doublet moderne associant un sel de platine à un médicament de chimiothérapie de troisième génération. La compliance au traitement a été, probablement de ce fait, meilleure (85 % avec paclitaxel-carboplatine). Enfin, aucun patient n’a été irradié en postopératoire, ce qui supprime la possibilité d’un biais d’interprétation lié à l’utilisation de ce type de traitement. Le bénéfice des traitements adjuvants dans les cancers bronchiques est comparable à ce que l’on observe pour les cancers mammaires ou colorectaux, où cette approche est un standard thérapeutique. Le .../... 264 La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004 R É T R O S P E C T I V E 2 0 0 4 .../... Tableau. Les études récentes de chimiothérapie adjuvante. P : cisplatine, Vd : vindésine, Vnr : vinorelbine, Tx : paclitaxel, Cb : carboplatine (10-14). Étude Méta-analyse 1995 ALPI Big Lung Trial IALT NCIC JBR.10 CALGB 9633 Lung cancer 04 n CT 1 394 1 209 381 1 867 482 344 119 M Vd P Avec P Avec P Vnr P Tx Cb Vd P Stade IA (%) Stade IB (%) Stade II (%) Stade IIIA (%) 27 45 100 - 33 38 24 55 - 28 34 39 - 39 27 10 - bénéfice important observé dans les deux études nord-américaines les plus récentes dépasse même les bénéfices rapportés dans les cancers du sein. Cela fait relativiser la notion communément admise de chimiorésistance des cancers bronchiques. On peut donc considérer actuellement qu’il est conseillé d’administrer trois ou quatre cycles d’un doublet comportant un sel de platine pour les tumeurs de stade IB à IIIA en résection complète. Des questions importantes restent sans réponse, notamment celles concernant la place de la radiothérapie dans les stades IIIA (15) et l’attitude thérapeutique dans les stades IA. La stratégie adjuvante avec une chimiothérapie orale par l’UFT a été proposée par l’équipe de Kato (16). L’étude a comparé un groupe chirurgie seule et un groupe chirurgie suivie d’un traitement par l’UFT à la dose de 250 mg/m2 par jour par voie orale pendant deux ans. Cette étude démontre un bénéfice de la chimiothérapie essentiellement pour les tumeurs de stade IB. L’absence de bénéfice pour les stades IA est probablement expliquée par la présence d’un nombre non négligeable de carcinomes bronchiolo-alvéolaires authentiques et d’évolution toujours favorable après chirurgie. L’étude de Kato est confortée par une métaanalyse présentée cette année à l’ASCO (17). Cette méta-analyse a porté sur les essais randomisés étudiant la chimiothérapie adjuvante par de l’UFT administré par voie orale. Les études sélectionnées dans cette analyse ont surtout concerné des stades I, des adénocarcinomes dans 84 % des cas, et le sex-ratio est plus féminin que ce que l’on observe habituellement (45 %). Cette métaanalyse confirme un avantage en termes de survie globale. Le traitement par UFT est efficace en situation adjuvante pour les adénocarcinomes de stade I de plus de 2 cm. La transposition de cette étude dans nos habitudes est, en revanche, plus difficile à faire. Les études concernant l’UFT n’ont jamais été reproduites en dehors du Japon. On peut légitimement s’interroger sur des différences pharmacogénomiques entre les populations japonaises et caucasiennes. Pour les stades plus avancés, le standard thérapeutique reconnu est, depuis plusieurs années, une chimiothérapie à deux médicaments comportant un sel de platine et un second médicament de chimiothérapie de génération récente. La controverse existe sur le choix du sel de platine, hésitant entre le cisplatine, dont l’administration est complexe, et le carboplatine, plus simple d’administration, plus onéreux aussi, et dont le spectre de toxicité est principalement hématologique. Aucune étude n’a vraiment comparé ces deux médicaments, et des points de vue tranchés concluent à l’équivalence ou à la moindre efficacité du carboplatine par rapport au cisplatine. Une méta-analyse publiée récemLa Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004 100 Odds-ratio p 0,87 0,96 1 0,86 0,69 0,62 0,74 0,08 NS NS 0,03 0,011 0,028 0,01 ment (18) a revu toutes les études randomisées comportant un groupe de patients traités par cisplatine et un groupe traité par carboplatine. Elle conforte le sentiment de ceux qui considéraient le cisplatine comme plus efficace que le carboplatine (figure 3) (19-23). Il semble en fait que les associations comportant un médicament de chimiothérapie de génération récente et le cisplatine soient plus efficaces que la même association avec le carboplatine. Cette méta-analyse clôt probablement ce débat de façon définitive, car il est douteux qu’une étude compare à nouveaux ces médicaments, les temps ayant changé et les thématiques évoluant vers les thérapies ciblées. Rosell et al. (2002) Schiller et al. (2002) Zatloukal et al. (2003) Fossella et al. (2003) Mazzanti et al. (2003) Carbined 0,75 1,0 1,25 Hazard-ratio Carboplatine plus efficace Cisplatine plus efficace 1,5 Figure 3. Méta-analyse des études comparant deux groupes de patients traités par cisplatine ou carboplatine associés à un nouveau médicament de chimiothérapie (19-23). THÉRAPIES CIBLÉES Les inhibiteurs de kinase (TKI) de l’EGFR font maintenant partie de l’arsenal thérapeutique ; le gefitinib est prescrit par l’intermédiaire d’une ATU nominative, et l’erlotinib sera bientôt à notre disposition. Enfin, d’autres inhibiteurs de kinase bloquant non seulement EGFR mais aussi d’autres cibles sont à venir (par exemple, lapatinib ciblant EGFR et HER2). Les études de phase II IDEAL1 (Iressa Dose Evaluation in Advanced Lung cancer, centres européens et japonais) (24) et IDEAL2 (États-Unis) (25) ont démontré l’efficacité du gefitinib. Les objectifs de ces deux études étaient de déterminer l’efficacité et la tolérance du gefitinib chez des patients porteurs de cancers, localement avancés ou métastatiques, prétraités par chimiothérapie et en rechute après une ou deux lignes de chimiothérapie (IDEAL1 : 209 patients) ou bien après deux lignes ou plus de chimiothérapie (IDEAL2 : 216 patients). Dans les deux études, les doses de 250 mg/j et 265 R É T R O S P E 500 mg/j étaient comparées. Aucune n’a montré de différence d’efficacité entre ces deux posologies. En revanche, la dose de 250 mg/j était bien mieux supportée cliniquement. Le traitement à la dose de 250 mg/j a été efficace dans les deux études, avec des taux de réponse respectivement de 18,4 % et 11,8 % dans IDEAL1 et IDEAL2. Le nombre de cycles de chimiothérapie antérieure n’a pas influencé la réponse au gefitinib. Dans IDEAL1, 40,3 % des patients ont présenté une amélioration de leurs symptômes et de leur qualité de vie. Un chiffre comparable de 43,1 % est observé dans IDEAL2, avec une amélioration relativement rapide des symptômes. Le profil de toxicité est comparable à ce qui a été observé dans les études de phase I, avec des diarrhées, une éruption acnéiforme, un prurit et une sécheresse cutanée. La majorité de ces événements indésirables étaient mineurs, de grades 1 et 2. Dans la même indication, chez des malades prétraités par chimiothérapie, l’erlotinib à été comparé au placebo (26) dans une étude de phase III. Cette étude multicentrique et internationale a concerné des patients en progression après une ou deux lignes de chimiothérapie et dont l’état des performances OMS était compris entre 0 et 3. Cette étude offre la première démonstration de l’augmentation de la survie par un inhibiteur de tyrosine kinase. Le traitement par erlotinib améliore la survie globale (figure 4), la survie sans progression, la qualité de vie et les symptômes, et ce au prix d’effets secondaires modérés, essentiellement cutanés, et de diarrhées comparables à ce que l’on observe avec le gefitinib. Au-delà du résultat brut de ce travail, il en résulte une avancée conceptuelle dans la prise en charge de ces patients, car il devient maintenant illogique de ne pas proposer de traitement en seconde ou troisième ligne chez des patients souffrant de cancer bronchique non à petites cellules. L’erlotinib a été étudié, comme le gefitinib, en association avec Taux de mutation 10 % % 100 80 Erlotinib Placebo *RR = 0,71 ; p < 0,0001 C T I V E 2 0 0 4 et chimiothérapie et ceux traités par chimiothérapie et placebo. Les études TALENT et TRIBUTE, réalisées respectivement en Europe et aux États-Unis, ont évalué l’erlotinib associé à un doublet standard de chimiothérapie, comparé au même doublet seul. Dans l’étude TALENT (29), un groupe de patients était traité par cisplatine-gemcitabine six cycles et erlotinib 150 mg/j, le groupe contrôle étant traité par cisplatine-gemcitabine et placebo pendant six cycles. L’erlotinib ou le placebo était poursuivi jusqu’à progression après la fin de la chimiothérapie. Mille cent soixantedouze patients ont été randomisés. Contrairement à ce qui a été noté en seconde ligne, il n’y a pas d’amélioration de la survie lorsqu’on associe la chimiothérapie à l’erlotinib. Il n’y a pas non plus d’amélioration de la survie dans l’étude américaine TRIBUTE (30), comparant carboplatine-paclitaxel et erlotinib 150 mg/j à carboplatine-paclitaxel et placebo. Ces quatre études sont donc malheureusement concordantes, et ne poussent pas à utiliser de façon concomitante et/ou séquentielle les inhibiteurs de la tyrosine kinase (TKI) et la chimiothérapie dans une population de malades non sélectionnée. LES MUTATIONS DE L’EGFR Jusqu’à présent, dans les cancers bronchiques, les thérapeutiques ciblées ont été testées sur des populations non ciblées. En effet, le niveau d’expression de l’EGFR n’est pas suffisant pour prédire une réponse thérapeutique aux inhibiteurs de kinases. La découverte, cette année, d’une mutation de l’EGFR prédictive de la réponse au gefitinib est un événement majeur (31-33). Il existe actuellement 56 mutations différentes, majoritairement regroupées sur les exons 19 et 21 dans deux zones situées dans le site kinase de l’EGFR (exons étudiés : 18 à 21) (figure 5). La majorité de ces mutations sont hétérozygotes. Les différentes mutations sont prédictives de la sensibilité à la fois au gefitinib et à l’erlotinib, sans spécificité de ces mutations pour l’un ou l’autre de ces deux médicaments. 60 31 % 40 20 22 % 0 0 Erlotinib 10 20 Site de fixation du ligand de l’EGFR Mois Autophosphorylation Site tyrosine kinase K TM DFG Y Y Y Y Placebo Bénéfice majeur de l'erlotinib Bénéfice mineur de l'erlotinib Aucun bénéfice GXGXXG Exons Figure 4. Explication de la différence de survie observée dans l'étude randomisée erlotinib contre placebo. 745 718 18 K 778 835 R 19 20 H 858881 889 DFGL L 21 984 Y 22 23 24 LREA Paez et al. le traitement de première ligne par chimiothérapie des cancers non à petites cellules avancés. Deux études internationales concernant le gefitinib ont été récemment publiées (Iressa NSCLC Trial Assessing Combination Treatment [INTACT] 1 et 2) (27, 28). L’objectif de ces deux études était d’évaluer l’efficacité et la tolérance du ZD1839 (250 mg et 500 mg en une prise quotidienne) contre placebo en association avec soit cisplatine-gemcitabine (INTACT 1), soit carboplatine-paclitaxel (INTACT 2). Ces deux études n’ont malheureusement pas pu démontrer de bénéfice en matière de survie entre les patients traités par gefitinib 266 Lynch et al. Pao et al. Figure 5. Représentation de l'EGFR et agrandissement de la zone kinase où sont situées les mutations entre les exons 18 et 24. Les étoiles et triangles représentent une mutation (1 patient). La couleur indique : pour le jaune, une sensibilité au gefitinib ; pour le rouge, une sensibilité à l'erlotinib ; pour le noir, un prélèvement venant d'une banque de tumeurs. LREA : séquence d'acides aminés perdue lors de la mutation. La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004 R É T R O S P E C Ces mutations sont retrouvées dans environ 12 % des carcinomes non à petites cellules, mais on les observe préférentiellement dans les adénocarcinomes, chez les non-fumeurs, chez les femmes, et davantage chez les Japonais que dans les populations vivant aux États-Unis. Ce taux de 12 % de tumeurs avec la mutation explique en grande partie le taux de réponse observé dans les études utilisant le gefitinib ou l’erlotinib en monothérapie. Cette mutation n’explique cependant pas toutes les réponses aux TKI ; d’autre part, les patients stables ou en progression ne sont pas porteurs de mutations sur l’EGFR. Cela laisse envisager d’autres voies de signalisation affectées par les TKI. On pourrait ainsi expliquer le bénéfice observé dans les études en monothérapie par l’existence de trois populations ; une, très sensible aux TKI, composée de patients porteur d’une mutation sur l’EGFR, une moins sensible et une insensible (figure 4). La découverte de ces mutations représente un changement important dans notre pratique. Pour l’instant, aucun test simple ne permet de les détecter, et il faut un séquençage du gène de l’EGFR, ce qui est trop lourd pour une utilisation clinique. La mise à disposition de tests simples transformera notre pratique, car il sera plus important de savoir qu’une tumeur est mutée plutôt que de savoir s’il s’agit de telle ou telle histologie. Il faudra alors faire des essais spécifiques de TKI avec ou sans chimiothérapie chez des patients dont la tumeur porte telle mutation ou telle autre. Il faudra réévaluer la posologie des TKI chez les patients dont la tumeur ne porte pas la mutation. Enfin, sur le plan biologique, il faudra comprendre le rôle de la mutation et ses interactions avec les voies de signalisation intracellulaires, comprendre les mécanismes de résistance secondaire et évaluer les interactions entre les TKI. D’autres mutations ayant un impact thérapeutique seront sûrement retrouvées. Ainsi, un article récent fait état de mutations de HER2 retrouvées dans environ 9 % des adénocarcinomes étudiés (34). En contraste avec ce qui est noté pour EGFR, cette mutation de HER2 est observée essentiellement chez les fumeurs ou anciens fumeurs. Cette découverte relance l’idée de cibler HER2 dans les cancers bronchiques en sélectionnant les malades à traiter en fonction d’une cible biologique précise et non plus en l’utilisant chez des patients ciblés uniquement sur l’amplification de HER2, situation dans laquelle l’utilisation s’est avérée décevante (35). CONCLUSION La découverte des mutations dans les carcinomes bronchiques installe la médecine moléculaire dans la pratique clinique de cette maladie et est source d’un espoir de progrès thérapeutiques tangibles. Une réflexion est nécessaire sur les méthodes de diagnostic des cancers bronchiques afin de les adapter aux contraintes de la biologie moléculaire et de l’anatomopathologie. Cela est vrai à la fois en termes de taille et de type de prélèvement, mais aussi sur le plan logistique, en termes à la fois de temps de transport et de stockage de ces prélèvements. Cela débouche notamment sur le concept de plates-formes de diagnostic permettant le regroupement de moyens lourds d’aide au diagnostic. Nous allons peut-être enfin entrer dans la cancérologie du XXI e siècle... ■ La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004 T R I V É F É R E N C E S E 2 0 0 4 B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Bain C, Feskanich D, Speizer FE et al. 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