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plexus hypogastrique inférieur a été disséqué jusqu’à
ses rameaux terminaux prostatiques. L’espace pelvien
antérieur avec ses différents éléments vasculo-nerveux
et la face antérieure de la vessie et de la prostate sont
ainsi exposés.
Après dissection de la face latérale de la vessie puis du
rectum, le fascia pelvien a été incisé au point de
réflexion avec le fascia vésico-prostatique, ce qui a per-
mis de disséquer l’espace latéro-prostatique et de visua-
liser en arrière le fascia recto-vésical. Ensuite la dissec-
tion a été prolongée en arrière de ce fascia, le long de la
face antérieure du rectum, pour mettre en évidence la
face postérieure du fascia recto-vésical qui recouvre la
prostate. De même, on a séparé la face antérieure du
fascia recto-vésical de la vessie et des uretères, mais
seule la dissection dans l’épaisseur du fascia permet de
libérer les faces antérieure et postérieure des vésicules
séminales.
On a ainsi isolé prostate et vésicules séminales, enve-
loppées dans le fascia recto-vésical.
Etude histologique
Sur des pièces opératoires de prostatectomie radicale,
le fascia de Denonvilliers a été disséqué et prélevé pour
être étudié histologiquement. Après fixation au formol
et inclusion en paraffine, des coupes verticales de 4 µm
d’épaisseur ont été réalisées, puis colorées à l’HPS
(Hematéine Phloxine Safran) et au Luxol fast blue qui
colore la myéline en bleu, les nerfs en rose.
Une étude immunohistochimique a utilisé la méthode
ABP (Avidine Biotine Peroxydase).Deux anticorps ont
été utilisés à la Protéine S100, polyclonale, marquant
les cellules de Schwann et anticorps aux
Neurofilaments, monoclonaux, marquant les axones.
Le révélateur utilisé est la DiAmino Benzidine.
RESULTATS
Données anatomiques
Les filets du plexus hypogastrique inférieur ont été iso-
lés sur la face latérale du rectum suivis à la face inter-
ne du fascia péri-viscéral (lame sacro-recto-génito-
pubienne de Farabeuf). Ils se dirigeaient obliquement
en bas, en avant et en dehors, pour longer à distance le
bord externe des vésicules séminales, entre la face
postéro-latérale de la vessie en avant et la face antéro-
latérale du rectum en arrière. Au niveau de la jonction
vésico-prostatique, s’isolent le nerf caverneux à desti-
née pénienne, et plusieurs filets nerveux à destinée
prostatique.
• Le nerf caverneux descend en arrière et en dehors du
bord externe du fascia recto-vésical, au sein du pédicu-
le vasculo-nerveux latéro-prostatique, bandelette neu-
rovasculaire redécrite par WALSH [6, 12]. Il existe un
plan de clivage entre le pédicule et le fascia, et donc le
bloc vésiculo-prostatique, ce qui doit permettre de pré-
server ce pédicule dans les prostatectomies radicales,
limitant ainsi les risques d’impuissance, principale
complication de cette chirurgie, avec l’incontinence
urinaire.
• Les nerfs prostatiques, après s’être séparés du nerf
caverneux, se portent obliquement vers le bas, en avant
et en dedans, traversent le fascia recto-vésical en direc-
tion du col vésical, et pénètrent dans la prostate au
niveau de ses faces latérales.
Données histologiques
Les colorations standard type HPS (Figure 1), ou plus
spécifiques au luxol fast blue, ont mis en évidence des
structures nerveuses au sein du tissu cellulofibreux qui
constitue le fascia rectovésical de Denonvilliers.
Les études immunohistochimiques permettent de préci-
ser qu’il s’agit de nerfs myélinisés. En effet, l’immu-
nomarquage à la Protéine S100 (Figures 2A et 2B)
individualise de façon sélective la gaine de Schwann,
tandis que l’immunomarquage aux Neurofilaments
(Figures 3A et 3B) montre les axones.
DISCUSSION
En 1836, après dissection de la région périnéale de 12
cadavres d’hommes, D
ENONVILLIERS
décrit «entre le
rectum et les vésicules séminales... une couche mem-
braneuse dont la texture ressemble à celle du Dartos...
cette couche enferme les vésicules séminales et l’extré-
mité inférieure des uretères et des conduits déférents,
dans une poche complète; car elle se confond sur les
côtés avec le tissu cellulaire serré qui entoure les plexus
veineux du bas-fond de la vessie; par son bord anté-
rieur, elle se perd sur l’extrémité la plus reculée de la
prostate, et par son bord postérieur, adhère intimement
à cette portion du péritoine qui descend entre la vessie
et le rectum, pour former un cul-de-sac dont la forme en
demi-lune est constante» [5].Ainsi débutaient plus de
160 années de controverse [9] tant sur l’existence même
de ce fascia recto-vésical, que sur sa constitution par un
ou deux feuillets mais aussi sur son origine embryolo-
gique péritonéale, mésothéliale ou mésenchymateuse.
Notre dissection retrouve le fascia de Denonvilliers tel
qu’il a été décrit par BENOÎT et al. [1].
Alors que cette «aponévrose» a le plus souvent été
décrite comme membraneuse et musculaire lisse, il faut
ajouter, d’après nos constatations anatomiques et histo-
logiques, qu’elle est traversée par des nerfs, rameaux
du plexus hypogastrique inférieur.
O.Dumonceau et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 53-57