Actu Fascia : La médecine physique doit tenir compte de l

publicité
Actu Fascia : La médecine physique doit tenir compte de l'omniprésence du fascia
Comme nous le faisons régulièrement, nous avons sélectionné un article sur le fascia qui nous
parait fondamental pour tous les professionnels de la thérapie manuelle, de la rééducation et
de la réhabilitation qui s'interrogent sur la place du fascia dans leur pratique clinique.
L'article dont nous présentons un résumé traduit en français est paru en 2014 :
Auteurs : Kwong, E. H., Findley, T. W.
Titre : Fascia-Current knowledge and future directions in physiatry : Narrative review.
Publié dans : The Journal of Rehabilitation Research and Development. 2014. Volume 51. n°
6, 875-884.
L'article original en anglais est en accès libre ici, ou ici et ici

Introduction
Après avoir donné une définition récente du fascia (issue du 3ème Fascia Research Congress),
les auteurs rappellent que ce dernier est partie prenante de tous les grands systèmes corporels
(cardio-vasculaire, respiratoire, gastro-intestinal, musculo-squelettique et neurologique) et que
sa connaissance présente un intérêt certain pour tous les thérapeutes. Ils présentent ensuite les
différentes fonctions du fascia, leur implication dans la compréhension du fonctionnement du
système musculo-squelettique et suggèrent que ces données nouvelles pourraient constituer
les bases d'un nouveau paradigme. Une première partie présente les fonctions du fascia et leur
rôle dans le système musculo-squelettique, une deuxième partie explique l'implication du
fascia dans les mécanismes douloureux musculo-squelettiques et une troisième aborde les
mécanismes d’action de la thérapie manuelle et de l’acupuncture.

Fonctions du fascia
Les auteurs ont sélectionné, dans la littérature, 5 grandes fonctions qui apportent un regard
neuf sur le rôle du fascia dans le fonctionnement du système musculo-squelettique :
- Affirmation d'une continuité fasciale à travers tout le corps entourant et pénétrant les
muscles et les reliant les uns aux autres créant ainsi une connexion fonctionnelle myofasciale ;
- Découverte du rôle essentiel du fascia dans la transmission de la force musculaire
(myofascial force transmission) : 30% de la force déployée par la contraction musculaire est
transmise par le secteur extra-musculaire (épimysium) et non par le tendon. Grâce aux
connexions myofasciales, la force musculaire est répartie et dispersée dans les muscles
environnants (à distance, antagonistes). La force musculaire ainsi transmise localement et à
distance peut modifier la tension ou l'étirement de muscles éloignés (système de tension
réciproque) ;
- Implication du fascia dans la mécano-transduction : la force mécanique myofasciale étant
transmise au niveau tissulaire et cellulaire, elle affecte le fonctionnement biologique (mécanotransduction). Les fibroblastes qui composent le fascia et participent à la synthèse et au
remodelage de la matrice extra-cellulaire (MEC), changent ainsi de forme en fonction des
tensions et des forces transmises à travers le réseau fascial. La répétition des contraintes
mécaniques sur ces fibroblastes est susceptible d'induire des changements dans le remodelage
tissulaire (cicatrisation) et la sécrétion des médiateurs de l'inflammation.
- Capacité de glissement des tissus fasciaux : elle dépend de son hydratation et de la
production d'acide hyaluronique. Les fascias, organisés en couches, ménagent des interfaces
qui permettent le mouvement (le fascia sous cutané glisse sur le fascia profond et le muscle se
contracte grâce aux glissements entre le fascia profond et l'épimysium). Ces glissements entre
couches fasciales sont possibles grâce à un système connectif appelé "système microvacuolaire" retrouvé à tous les niveaux d'organisation du système musculo-squelettique
(tendon, crâne, cou, épaule,...). Ce système visco-élastique se comporte comme un gel
qui lubrifie et absorbe les forces de cisaillement et permet un mouvement sans friction
(système coulissant). L'acide hyaluronique produit par le fascia profond favorise plus
particulièrement le glissement entre le muscle et ses fascias et entre les différentes unités
motrices. Les modifications d'acide hyaluronique altèrent les propriétés de glissement du
muscle, créent des troubles de la sensibilité et des douleurs myofasciales.
- Existence d'une innervation fasciale : bien que traditionnellement le fascia soit impliqué
dans des douleurs telles que la fasciite plantaire, le syndrome des loges ou les trigger points
myofasciaux, il peut aussi l'être dans d'autres troubles musculo-squelettiques douloureux mais
aussi de la proprioception. Le fascia joue ainsi un rôle dans les douleurs lombaires
(changements dégénératifs du fascia thoraco-lombaire et présence de fibres nociceptives et
sympathiques). Des terminaisons nociceptives et sympathiques ont également été observées
dans d'autres parties du corps (principalement autour des vaisseaux ce qui pourrait expliquer
les douleurs ischémiques). Des récepteurs proprioceptifs (Ruffini et Pacini) ont été identifiés
dans diverses expansions fasciales ou localisés dans des zones de transmission de la force
myofasciale (fuseaux musculaires) suggérant une fonction proprioceptive statique et
dynamique. Il n'y a ainsi pas de division claire entre les terminaisons nerveuses "musculaires"
et "ligamentaires ou fasciales" et toute contraction musculaire entraîne un étirement simultané
du tissu fascial. Tout dysfonctionnement des structures fasciales peut alors potentiellement
jouer un rôle important dans la douleur ou influencer la proprioception.

Blessure et fascia
L'inflammation après lésion pourrait avoir un rôle dans la modification du fascia. La
production de substances inflammatoires combinée à un environnement tendu peuvent
entraîner l'activation de fibroblastes en myofibroblastes créant des modifications de
l'expression des gènes et entraînant des changements dans la matrice extracellulaire (altération
de la production d'acide hyaluronique). Cela peut entraîner une restriction dans le fascia,
conduisant à une modification des lignes de la force et de la contraction musculaire. Ces
processus peuvent également contribuer à la diminution du mouvement entre les couches
fasciales. Avec le temps, ces changements biomécaniques pourraient conduire à une
diminution de la force et de la coordination, et finalement à la douleur et au
dysfonctionnement.
Ces mécanismes physiopathologiques peuvent expliquer certaines pathologies telles que la
fibromyalgie ou les lésions musculo-squelettiques avec altération de la proprioception.

Traitement
Les mécanismes d'action des thérapies manuelles sur le fascia sont encore assez mal
connus. Toutefois, si comme cela est suggéré dans l'article, des altérations du fascia peuvent
causer douleur et dysfonctionnement, les auteurs émettent l'hypothèse que l'effet de la
thérapie manuelle pourrait être expliquée par la restauration de l'état physiologique du
fascia : rétablissement de la mobilité en ré-optimisant la distribution des lignes de force dans
le fascia, normalisation de la morphologie des fibroblastes et atténuation des réponses
inflammatoires, action sur la production d'acide hyaluronique et les propriétés de glissement,
changements immédiats et retardés au niveau cellulaire.
Les auteurs abordent aussi les liens entre tissu conjonctif et méridiens d'acupuncture : les
stimuli mécaniques par acupuncture pourraient induire un remodelage de la matrice
extracellulaire et contrecarrer tout dysfonctionnement du fascia.
Ils évoquent également l'importance de conduire d'autres recherches sur la façon dont le fascia
peut être traité par d'autres approches telles que l'exercice physique, les médicaments ou la
chirurgie.

Discussion, conclusion
Les auteurs rappellent que la médecine physique relève du modèle biomédical axé sur la
pratique fondée sur les preuves. De nouvelles recherches sont ainsi nécessaires pour
compléter les expériences des thérapeutes qui traitent les troubles musculo-squelettiques.
Ils rappellent aussi que le traitement des troubles affectant le système musculo-squelettique
peut nécessiter de se centrer sur le réseau fascial et que les connaissances fondamentales et
cliniques du fascia fourniront bientôt des informations importantes qui pourront changer la
pratique clinique : lorsque la structure et les fonctions du fascia seront élucidées, la physiopathologie de nombreux troubles musculo-squelettiques et leurs conséquences pourront être
mieux expliqués et les stratégies de traitement optimisées.
Pour conclure, les auteurs considèrent que le fascia n'est pas seulement une structure
anatomique mais un concept qui peut amener un changement de perspective sur la façon dont
fonctionne le système musculo-squelettique. Ils rappellent également qu'il y a plus de 100 ans,
A. T. Still, fondateur de la médecine ostéopathique avait attribué un rôle essentiel au système
fascial dans sa pratique clinique.
Publié par C. Courraud, Phd, PT
Téléchargement