16 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 28 - n° 1 - janvier-février-mars 2014
Points forts
et ces composés sont principalement éliminés par
voie urinaire sous forme inchangée (ténofovir, emtri-
citabine et lamivudine), même si certains sont méta-
bolisés au niveau hépatique sans implication des
CYP450 (l’abacavir et la zidovudine sont éliminés
par glucuronoconjugaison par les UDP-glucuronosyl-
transférases, et la moitié de la dose de didanosine
est éliminée par la voie des xanthines) [5].
Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase
inverse (INNTI) [névirapine, éfavirenz, étravirine
et rilpivirine] ont une demi-vie longue permet-
tant théoriquement une administration en 1 prise
quotidienne (5), et un métabolisme hépatique par
les CYP : CYP2B6 pour la névirapine et l’éfavirenz,
CYP2C pour l’étravirine, et CYP3A pour la rilpivirine.
La névirapine, l’étravirine et l’éfavirenz présentent
un effet inducteur enzymatique modéré (5).
Les IP du VIH actuellement prescrits (lopinavir et,
surtout, atazanavir et darunavir associés au ritonavir)
sont tous métabolisés par le CYP3A4, dont ils sont
également inhibiteurs – en particulier le ritonavir,
inhibiteur très puissant –, particularité qui a conduit à
associer cette molécule à un autre IP afi n d’améliorer
ses propriétés pharmacocinétiques (5).
Parmi les inhibiteurs d’entrée, le maraviroc,
antagoniste du récepteur CCR5, est substrat du
CYP3A4, mais n’a pas d’effet inhibiteur ou inducteur
notable (5). La nature peptidique de l’enfuvirtide
explique que son métabolisme se fasse essentiel-
lement par hydrolyse, limitant ses interactions
potentielles. Parmi les inhibiteurs de l’intégrase, le
raltégravir et le dolutégravir (commercialisé prochai-
nement) sont principalement éliminés par glucu-
ronoconjugaison par l’UGT1A1 ; peu d’interactions
médicamenteuses sont donc attendues et ont été
décrites, si ce n’est une inhibition par l’atazanavir et
une induction par la rifampicine (6, 7). L’elvitégravir
vient d’obtenir l’AMM européenne associé à un inhi-
biteur puissant du CYP3A, le cobicistat ; le potentiel
d’interaction avec les substrats du CYP3A est donc
important, comme pour les IP associés au ritonavir.
Immunosuppresseurs
Les immunosuppresseurs prescrits en prévention du
rejet du greffon présentent un index thérapeutique
étroit. Les inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus
et ciclosporine), les inhibiteurs de la mTOR (sirolimus
et évérolimus) et la prednisone sont substrats à la
fois de la P-gp et des CYP3A. En outre, la ciclosporine
a une activité inhibitrice sur la P-gp et l’OATP1B1.
Les autres immunosuppresseurs, acide mycophéno-
lique (MPA, forme active du mycophénolate mofétil
ou du mycophénolate sodique) et azathioprine, sont
métabolisés par des voies métaboliques autres que
les CYP. Le MPA est glucuronoconjugué par les UGT
hépatiques. L’azathioprine est une prodrogue méta-
bolisée en 6-mercaptopurine active par réaction non
enzymatique. L’élimination est rapide, essentielle-
ment par voie rénale.
Interactions
entre les médicaments
de l’hépatite C
et les antirétroviraux
Coadministrée avec certains inhibiteurs nucléosi-
diques de la transcriptase inverse (INTI) [didanosine
et zidovudine], la ribavirine augmente le risque de
toxicité mitochondriale et donc de pancréatite et
d’acidose lactique (8). Une augmentation du risque
d’anémie a été décrite en cas de coadministration de
ribavirine et de zidovudine, risque accru en présence
d’IP du VHC (9). L’association est donc déconseillée.
En revanche, la coadministration avec l’abacavir,
l’emtricitabine, la lamivudine et le ténofovir est
possible (10).
Les interactions du bocéprévir ou du télaprévir avec
les principaux médicaments antirétroviraux sont
résumées dans la fi gure 1, p. 19. Les concentrations
du télaprévir et du bocéprévir sont diminuées par
l’éfavirenz : lors de la coadministration de bocéprévir
et d’éfavirenz, la diminution de l’aire sous la courbe
(ASC) du bocéprévir s’accompagne d’une augmen-
tation de l’ASC de l’éfavirenz ; cette association n’est
donc pas recommandée. La coadministration de
télaprévir et d’éfavirenz se traduit par une baisse
de l’exposition aux 2 molécules. Un essai clinique a
montré la possibilité de compenser la diminution de
l’exposition au télaprévir en présence d’éfavirenz par
une augmentation de posologie (passage de 800 mg
à 1 125 mg toutes les 8 heures) [9].
»Le télaprévir et le bocéprévir ont un métabolisme complexe et sont substrats et inhibiteurs du cyto-
chrome P450-3A (CYP3A), ce qui entraîne de nombreuses interactions médicamenteuses.
»
L’association avec la majorité des inhibiteurs de la protéase du VIH n’est pas recommandée. Mais l’asso-
ciation est possible avec l’atazanavir, renforcée par le ritonavir, ou avec le raltégravir, dont l’élimination
ne dépend pas des CYP, ce qui permet le traitement des patients co-infectés.
»
L’administration du télaprévir et du bocéprévir après une transplantation est possible, sous réserve
d’une diminution souvent importante de posologie des immunosuppresseurs métabolisés par le CYP3A
(ciclo sporine, tacrolimus, évérolimus et sirolimus) et sous réserve d’un suivi thérapeutique quotidien, du
début du traitement jusqu’à l’équilibre des concentrations sanguines.
Mots-clés
Immunosuppresseurs
Antirétroviraux
Médicaments
del’hépatiteC
Cytochrome
Interaction
médicamenteuse
Highlights
»
Direct Acting Antivi-
rals (DAA), telaprevir and
boceprevir have complex
metabolic pathways. They are
substrate and inhibitors of
CYP3A and a number of drug-
drug interactions have been
reported.
»
Treatment of HIV and HCV
coinfected patients is possible,
however antiretrovirals should
be selected cautiously. Coad-
ministration with ritonavir-
boosted atazanavir and
raltegravir is possible without
dose adjustment. A decrease
in concentrations of other
ritonavir-boosted HIV-protease
inhibitors has been reported
when combined with telaprevir
or boceprevir.
»
An important increase in
concentrations of calcineu-
rine inhibitors (tacrolimus and
ciclosporine) or mTOR inhibi-
tors (sirolimus and everolimus)
which are CYP3A substrates,
has been reported in healthy
volunteers when coadmin-
istered with telaprevir or
boceprevir. Treatment of HCV-
infected transplant recipients is
feasible, but daily therapeutic
drug monitoring of immuno-
suppressive therapy must be
performed to optimize dosing
regimen and avoid high
concentrations of immunosup-
pressive drugs.
Keywords
Immunosuppressive drugs
Antiretrovirals
Hepatitis C drugs
Cytochrome
Drug-drug interaction