1 REMERCIEMENTS d’ANDRE VACHERON Madame la Ministre de la Santé et des Sports, Messieurs les Ministres, Monsieur le premier Président de la Cour de cassation , Monsieur le Chancelier de l’Institut de France, Madame le Secrétaire Perpétuel de l’Académie Française, Monsieur le Président de l’Académie des Sciences morales et politiques, Monsieur le Président de l’Académie nationale de Médecine, Messieurs les Secrétaires Perpétuels de l’Académie des Sciences morales et politiques, de l’Académie des Sciences, de l’Académie Nationale de Médecine, Monsieur le Président du Conseil d’administration de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, représentant Monsieur le Maire de Paris, Monseigneur l’Archevêque métropolitain de Montpellier, Chapelain général de l’Ordre souverain de Malte, Mes Chères Consœurs, Mes Chers Confrères, Mesdames et Messieurs, Chers Amis, Permettez-moi d’abord de vous remercier vivement de m’avoir fait l’honneur et l’amitié de venir ce soir assister à cette cérémonie. Son éminence, le Cardinal Roger Etchegaray devait la présider. Victime d’un grave accident dans la nuit de Noël à Saint Pierre de Rome, encore convalescent, il n’a pu venir à Paris aujourd’hui. J’avais eu le privilège de lui rendre visite pour la première fois au Palais San Calisto au cœur du vieux quartier de Trastevere à Rome le 29 Octobre 2004. Il m’avait accueilli avec beaucoup de bienveillance. En dégustant un excellent café romain, nous avions évoqué l’évolution de la médecine et nous avions terminé notre entretien dans sa chapelle privée où j’avais admiré ses belles icones de Russie. Nous nous sommes revus régulièrement depuis : il m’avait confié sa santé. Ma respectueuse affection pour lui n’a fait que se développer. Créé Cardinal à 57 ans par sa sainteté le Pape Jean Paul II, le Cardinal Etchegaray a présidé pendant plus de 10 ans deux des principaux dicastères de l’Eglise : le conseil pontifical « Justice et Paix » et le conseil pontifical « Cor Unum ». L’Académie des Sciences morales et politiques l’a élu en 1994 dans sa section générale au fauteuil de l’ambassadeur René Brouillet. Il est devenu Vice-Doyen du Sacré Collège en 2005. Ambassadeur itinérant du Saint Siège, il a accompli plus de 150 voyages dans le monde et a été le premier Cardinal reçu en Chine communiste où il s’est rendu à 4 reprises. Homme de foi, de contact, de dialogue et d’unité, homme de justice, le Cardinal Etchegaray a été le Saint Paul du 20ème siècle comme le révèle son dernier livre magnifique : « J’ai senti battre le cœur du monde ». Je rappellerai ses deux réflexions faites lors d’une intervention sur Antenne 2 le 26 Juillet 2009 : « le drame de notre époque, c’est l’égoïsme, le repli sur soi, la clé de l’Eglise c’est la pauvreté et la véritable pauvreté c’est d’accepter sa vie quotidienne en lui donnant tout son sens d’offrande et de sacrifice». 2 Je ne saurais jamais assez remercier le Cardinal Etchegaray pour tout ce qu’il m’a personnellement apporté et pour son soutien sans faille lors de mon élection à l’Académie des Sciences morales et politiques. Monsieur le Secrétaire Perpétuel de l’Académie Nationale de Médecine, mon cher Jacques Louis BINET, En acceptant de faire partie du Comité d’honneur de cette cérémonie, en m’offrant l’hémicycle de l’Académie de Médecine restauré sous ta direction par Antoine Stinco, pour la remise de mon épée et en introduisant cette réception, tu as exaucé mon vœu : rappeler ma vocation et mon métier de médecin, un métier qui me donne toujours autant de joie. Tu es certainement l’un des membres les plus brillants de notre Compagnie. Nommé à 24 ans Interne des Hôpitaux de Paris, alors que le concours était terriblement sélectif, reçu 10 ans plus tard, à 34 ans, à l’Agrégation, tu es devenu l’un des meilleurs hématologues français, formé par notre maître Jean Bernard, avec un passage par l’Université Rockefeller à NewYork. Elu en 1996 membre titulaire de notre Académie dans sa division de médecine, tu en es devenu le Secrétaire Perpétuel en 2003. Tu as consacré alors ton ardeur et tout ton dynamisme à notre compagnie qui s’était quelque peu assoupie dans la première moitié du 20ème siècle. Vice-Président de la Compagnie en 2004 et Président en 2005, j’ai pu apprécier lors de notre collaboration au bureau ton brio, ton intelligence et le soutien que tu apportes à tous les Présidents de l’Académie, même s’il y a parfois entre eux et toi des divergences de conception et d’opinion. Volontaire et pugnace, tu connais cependant les bienfaits de l’autocritique mais ton objectif essentiel reste la progression et la promotion au plus haut niveau de l’Académie Nationale de Médecine. Ta réélection au perpétualat en 2007 témoigne de la confiance et de l’estime de nos confrères pour ton action. Je m’en voudrais de ne pas rappeler l’étendue de ta culture littéraire et artistique. Professeur à l’Ecole du Louvre, tu appartiens aussi à l’Académie des Beaux Arts. Tu as créé la journée du livre médical et le prix Jean Bernard en 2003 pour donner une autre dimension à la Médecine, parce que la santé que nous voulons défendre, c’est celle des grands humanistes qui marquent de leur empreinte la vie de notre Compagnie. La 7ème journée du livre médical le 19 Septembre 2009 avait pour thèmes 3 handicaps : l’autisme, la maladie d’Alzheimer et la stérilité féminine traitée par la gestation pour autrui. Comme les précédentes, elle eut un grand succès. Homme très complet, tu sais être tout à la fois charmeur et irritant. Mais tu auras été incontestablement l’un des secrétaires perpétuels les plus brillants de notre Académie. Monsieur le Président Yvon Gattaz, Il y a un peu plus de 20 ans, le 29 mai 1989, vous étiez élu à l'Académie des Sciences Morales et Politiques dès votre 1ère candidature, et au premier tour de scrutin. Ce succès couronnait une carrière de créateur, tout d'abord à 27 ans de la dynamique société RADIALL, fabricant de connecteurs électroniques, puis en 1976 de l'Association ETHIC dont le sigle même était un programme, puis en 1987 de la Fondation Jeunesse et Entreprises pour aider les jeunes à se former et à s'insérer dans la vie professionnelle et enfin du Syndicat ASMEP-ETI des 4.700 entreprises françaises de taille intermédiaire de 250 à 5.000 salariés. Vous avez demandé à vos adhérents de pratiquer le "décitemps", c'est-à-dire d'accorder à la vie publique extérieure à l'entreprise le dixième de leur temps de travail pour le bénéfice de la communauté. Rapidité et performance sont, pour vous, les critères de la réussite que l'on retrouve dans la devise "vite et bien" gravée sur la lame de votre épée d'Académicien. 3 En 1999, vous présidiez notre Académie, j’étais alors correspondant et j'eus la joie de vous entendre présenter à la Compagnie la troisième édition de mon traité de Cardiologie. Les mots solidarité et fraternité ont dirigé votre existence. Dans votre livre « la fin des patrons » vous soulignez la nécessité de promouvoir les hommes en rappelant qu’économie et humanité sont complémentaires. Tout au long de votre vie, vous n’avez cessé de défendre les entreprises à dimension humaine qui constituent le véritable tissu économique de la France. Vous êtes un homme de conviction et de courage, et vous l'avez démontré à la tête du CNPF de 1981 à 1986, confirmant cette réflexion de Jaurès en 1890 : "est un chef celui qui procure aux autres la sécurité en prenant pour soi les dangers". L'appel à vos troupes n'était pas "En avant" mais "Suivez-moi". Vous êtes aussi, Cher Président, un homme de fidélité, fidèle à vos engagements, fidèle à vos amis. Le soutien que vous m'avez apporté dans mon cheminement vers l'Institut, reportant d'une semaine la date d'une intervention chirurgicale pour être présent le jour de mon élection, en est un témoignage. Je vous en suis infiniment reconnaissant. J’adresserai aussi mes remerciements chaleureux à ma famille, aux membres de mon Comité de l’Epée, à ses organisateurs notamment au Docteur François Charles Mignon, Président d’honneur du syndicat national de la presse médicale mais aussi à Madame Viviane Plaise et à mon épouse ainsi qu’à tous les amis, certains venus de loin, qui se sont réunis pour m’offrir cette épée qui les rappellera toujours à mon souvenir, une épée simple mais glorieuse, vieille de 2 siècles, symbole depuis le consulat de Bonaparte de l’entrée à l’Institut de France. Je la dédie à mon épouse Françoise qui n’a jamais cessé de m’épauler depuis 49 ans et a contribué pour une grande part à tous les succès de ma carrière. Le 15 Juin 2009, l’Académie des Sciences morales et politiques a donc choisi un médecin pour succéder au Chancelier Edouard Bonnefous, au fauteuil n° 2 de la section générale dont les 2 premiers titulaires avaient été le duc Victor de Broglie, ministre de Louis Philippe et président du conseil, puis Auguste Casimir Perier, ministre de l’Intérieur de Thiers. J’avais rencontré et soigné le Chancelier en 1979 et il m’a honoré de sa confiance et de son affection pendant 28 ans. Il avait été élu à l’Académie Nationale de Médecine en 1981 dans la section des membres libres non médecins à laquelle ont appartenu Louis Pasteur et Marie Curie et c’est Monsieur Renaud Denoix de Saint Marc qui vient de lui succéder. Participant activement à nos séances, le chancelier Bonnefous fut très apprécié par ses positions sur l’environnement et sur la nature en péril. J’évoquerai, selon la tradition, sa personnalité puissante hors du commun, au cours de cette année académique. Ma vocation médicale est née précocement durant mes études secondaires au Lycée Voltaire de Paris. J’étais émerveillé par les progrès de la médecine qui maitrisait les grandes maladies infectieuses des siècles précédents et améliorait d’année en année l’espérance de vie de nos concitoyens : elle atteint aujourd’hui 80 ans. J’étais fasciné par un métier qui apporte la guérison à l’homme malade et peut le rendre à la vie. Externe, puis Interne dans le service du Professeur Jean Bernard à l’hôpital Saint Louis, j’appris au contact d’un maître prestigieux la rigueur du raisonnement et la hiérarchisation des problèmes mais aussi l’attention à l’autre, le geste, les mots qui réconfortent et qui donnent l’espoir. Jean Bernard avait coutume de dire que si la mort des adultes était triste, celle des enfants était intolérable. Il m’apprit à visiter régulièrement mes malades, tous mes malades, même quand je devins le chef d’un service de 71 lits à l’hôpital Necker. Il m’apprit à assurer ponctuellement mes consultations, il avait le gène de l’exactitude. Il m’apprit à recevoir les familles, à dialoguer avec mes patients, à leur donner confiance, à recevoir leurs confidences, à leur redonner l’espoir. Dans l’un de ses derniers messages, il rappelait cette citation de Spinoza : « les âmes ne sont pas vaincues par les armes mais par l’amour et par la générosité ». Il disait aussi que le grand malheur pour un 4 malade c’est d’être soigné par un médecin ignorant. La conscience sans la science est inutile. L’honneur de la médecine et sa difficulté sont dans cette alliance du devoir de science et du devoir d’humanité. C’est à Jean Di Matteo que je dois ma carrière de cardiologue. Formé par Charles Laubry qui présida l’Académie de Médecine en 1956 et par Pierre Soulié dont il fut l’assistant pendant 13 ans, travailleur infatigable et passionné, toujours soucieux de la perfection, Jean Di Matteo a réalisé une œuvre scientifique considérable qui couvre l’ensemble de la pathologie cardiaque. Il fut élu membre de l’Académie Nationale de Médecine en 1978. J’ai participé avec lui à l’avènement et au développement de la cardiologie nucléaire dans notre pays. Il m’apprit la clarté, la précision, la concision qui permettent la transmission de la connaissance, fruit de l’étude et de l’expérience. J’eus le privilège d’obtenir la chaire de cardiologie de l’Université René Descartes et de succéder à Jean Di Matteo à la tête du service de cardiologie de l’hôpital Necker en 1981. En 18 ans, ce service devint l’un des services les plus modernes et les plus actifs de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris. Mes travaux cardiologiques et mes actions de prévention des maladies cardiovasculaires durant ma présidence pendant 4 ans de la Fédération Française de Cardiologie me permirent d’être élu membre de l’Académie de Médecine en 1990. En créant notre Compagnie le 20 Décembre 1820, Louis XVIII avait précisé ses missions : perfectionner l’art de guérir, faire cesser les abus qui ont pu s’introduire dans l’exercice de ses différentes branches, répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique et les remèdes nouveaux. Presque bicentenaire aujourd’hui, l’Académie Nationale de Médecine possède des atouts considérables : la pérennité, l’indépendance, la liberté d’expression, la multidisciplinarité, la possibilité de faire appel à tous les experts extérieurs français et étrangers de son choix. Prestigieuse institution, l’Académie de Médecine doit garder son rôle de vigie et répondre aux grandes interrogations du moment en santé publique. Ses rapports et ses communiqués préparés avec rigueur et en toute liberté de réflexion et d’expression ont un impact indéniable sur la politique sanitaire de notre pays. A la lumière d’une expérience de plus de 40 ans, je voudrais vous livrer quelques réflexions sur ce métier de médecin qui a été ma passion et que j’exerce toujours. La seconde moitié du 20ème siècle a été marquée par l’évolution vertigineuse de la médecine, et spécialement de ma discipline la cardiologie. Les progrès de l’imagerie, des explorations ultrasonores et isotopiques, des traitements électriques avec les pace-makers, les défibrillateurs et la radio-fréquence, les progrès de la thrombolyse capable de dissoudre le caillot dans les artères coronaires et d’éviter ou de limiter l’infarctus myocardique, les progrès des pontages et de l’angioplastie coronaire complétée par l’implantation des endoprothèses que nous appelons stents, les progrès de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert puis maintenant par voie percutanée pour certaines pathologies, ont transformé le diagnostic et le pronostic des maladies cardiovasculaires devenues aujourd’hui la seconde cause de mortalité dans notre pays avec 29 % des décès derrière le cancer (30 % des décès) après avoir occupé la première place durant des décennies. En France, plus des trois quarts des hommes et les deux tiers des femmes de 35 à 55 ans présentent au moins un facteur de risque cardiovasculaire corrigeable (tabac, hypercholestérolémie, hypertension artérielle, obésité, sédentarité) mais beaucoup l’ignorent, c’est dire l’importance de l’information et de la prévention. Comme je n’ai cessé de le rappeler à mes élèves, la technologie ne doit pas faire oublier les apports fondamentaux de l’interrogatoire et du dialogue avec le patient. Elle ne doit pas faire oublier non plus l’importance de l’examen clinique. Croire que l’acte médical se résume à étiqueter le diagnostic et à en déduire un schéma thérapeutique méconnaitrait deux réalités fondamentales : l’acte médical n’est pas une réponse d’ordinateur donnant 5 automatiquement des prescriptions à partir d’un arbre décisionnel inscrit dans son logiciel ; pour une même pathologie, la maladie varie d’un individu à l’autre. La médecine est et doit rester un artisanat créateur, semblable au métier du tailleur de pierre où chaque acte doit rassembler tout ce qui a été appris techniquement mais aussi humainement. Un technicien pur n’est plus habité par la médecine. Ce peut être une excellente mécanique intellectuelle, respectant tous les règlements d’une société qui pourra l’estimer mais il a perdu sa motivation intime qui justifiait la confiance absolue de ses patients. Médecin prestigieux qui m’accorda son amitié pendant plus de dix ans, Jean Hamburger a écrit dans le Dieu foudroyé : « l’homme est ainsi fait que le meilleur de son effort doit moins à un sentiment du devoir qu’à une passion pour la tâche qu’il accomplit ». Ce que le malade attend de nous, c’est trouver dans nos conseils les éléments de sa décision, ce qu’il veut aussi c’est que nous tenions compte de ses faiblesses, de ses volontés, de ses idées sur la douleur, sur la vie, sur la mort. La partie se joue à deux et le médecin ne doit pas être seulement un donneur d’ordres mais doit être aussi un soutien. La décision médicale, surtout dans les maladies graves, implique l’information aussi complète que possible du patient ou à défaut de sa famille. Il faut prendre le temps suffisant pour expliquer la nature des problèmes, les choix possibles, leurs conséquences éventuelles, les évènements humainement contrôlables et les évènements aléatoires. Il faut laisser au patient un temps de réflexion pour prendre certaines décisions, tenir compte de ses préférences et savoir les respecter. Dans les cas désespérés, il ne faut dévoiler de la vérité que l’infime partie qui ne ferme aucune porte, combattre l’angoisse et toujours laisser l’espérance. Comme l’a écrit encore Jean Hamburger, « la difficulté d’être à la fois ce conseiller si personnel et ce technicien si averti nécessite un effort d’invention, de création, presque de découverte qui doit se renouveler d’un malade à l’autre ». Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, l’acte médical réclame une totale liberté d’esprit, de la patience et de la persévérance : le médecin ne doit jamais baisser les bras devant la maladie. Durant mes quatre décennies d’activité hospitalière à Necker, je me suis efforcé de conjuguer l’humanité et la qualité des soins et d’insuffler un esprit de service et de partage à l’équipe de médecins et d’infirmières que j’ai dirigée personnellement pendant 18 ans. Si le médecin est responsable de ses actes envers les individus qui se confient à lui ou qui lui sont confiés, il a aussi une responsabilité envers la société et l’Etat qui gère la santé du pays. A l’heure actuelle, la santé des Français est bonne et ne cesse pas de s’améliorer. Mais les progrès de l’imagerie, des biotechnologies, de l’immunologie, de la biologie moléculaire créent une demande croissante de soins de plus en plus onéreux. Les dépenses de santé dépassent 200 milliards d’euros. Comme le rappelait le Président Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée le 25 janvier, elles ont encore augmenté de plus de 3 % l’an dernier. La maladie et le vieillissement ne sont plus tolérés. Comme l’écrivait Jules Romain en 1926, chaque citoyen est un patient potentiel. Pour rester en bonne santé, il revendique tous les progrès médicaux quel qu’en soit le prix. La médecine est devenue un bien de consommation gratuit, pris en charge sans limite, au titre d’un droit définitivement acquis. Les citoyens mais aussi malheureusement beaucoup de médecins qui multiplient des examens complémentaires souvent redondants pour se protéger de l’erreur de diagnostic, n’ont pas conscience de leur responsabilité. Ainsi s’opposent deux notions qui paraissent séparer l’éthique et l’économie de la santé : l’individuel et le collectif. « Ce qui n’est pas utile à la ruche, n’est pas utile à l’abeille » disait Marc Aurèle. Ce qui est bon pour l’abeille est bon pour la ruche répliquent les défenseurs de l’éthique. Axée sur le colloque singulier, sur la primauté de l’individu sur la société, sur le rapport intime entre le médecin et son patient, l’éthique individuelle s’accorde difficilement 6 avec des mesures comptables et technocratiques. Reposant sur des données de santé publique, sur des techniques de soins en filières ou en réseaux, sur le travail d’équipe, sur l’évaluation médico-écononomique, l’éthique collective répond à une culture moins latine et plus anglosaxonne : elle donne la préférence à l’efficacité plutôt qu’au vécu. En fait, elle devient une éthique sociale. Son objectif est d’apporter la sécurité sanitaire la plus grande au plus grand nombre et c’est ainsi, Madame la Ministre, que vous avez organisé la stratégie de vaccination contre la grippe A (H1N1). Cette éthique sociale implique le développement de l’expertise et la validation des procédures d’exploration et des nouveaux traitements. Mais elle ne saurait dispenser le médecin de la plus grande compétence possible entretenue par une formation post-universitaire continue, complétée par l’évaluation des pratiques professionnelles permettant de répondre à la question : que puis-je offrir de mieux à mon malade ? C’est à ces conditions que la France pourra conserver une médecine de qualité accessible à tous ses citoyens dans l’égalité et dans l’équité. Dans son encyclique : Caritas in veritate publiée en août 2009, sa sainteté Benoit XVI élu à l’Académie des Sciences morales et politiques en 1992 alors qu’il était Cardinal Joseph Ratzinger, évoquait le cauchemar d’une humanité enivrée par la prétention prométhéenne de se récréer, en s’appuyant sur les prodiges de la technologie tels le clonage et les manipulations génétiques. Benoit XVI rappelait la nécessité primordiale de l’accueil du prochain et de la justice. Cette exigence s’applique toujours à l’exercice de la médecine en ce début du 21ème siècle.