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Le Courrier de l’Observance thérapeutique
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Vol. 1 - n
os
1-2 - janvier-juin 2001
Revue de presse - Multimédia
ans cette revue de la littérature, après avoir longue-
ment listé et décrit les différents facteurs intervenant
dans les comportements d’observance (facteurs liés au
médecin – ou au savoir médical en général – ainsi que
ceux liés aux patients), les auteurs proposent la mise en
évidence d’une nouvelle approche de ces comporte-
ments, incluant des notions plus larges que la stricte prise
en compte de la maladie concernée.
L’ intérêt de la première partie de l’article consiste en son
contenu historique et fondamental. En effet, par l’analyse
des études se rapportant à l’observance et, d’une façon
plus générale, aux comportements individuels vis-à-vis
des traitements depuis les années 50, les auteurs mettent
en évidence les éléments sur lesquels se fonde l’approche
médicale de l’observance.
En préambule, le rappel des termes utilisés (français et
anglais) n’est pas inutile : observance, compliance, adhé-
sion (adhérence). Nous pouvons relever la définition a
priori consensuelle de l’observance retenue par les
auteurs : “degré de coïncidence du comportement du
patient, en termes de prise de médicament, par rapport
aux prescriptions et aux recommandations médicales”. De
celle-ci découle implicitement la notion de “mesure” de
l’observance pouvant être faite par des méthodes directes
(interrogatoire du patient ou autoquestionnaire, comp-
tage des unités de prise, pilulier électronique, mesure des
concentrations plasmatiques...) ou indirectes (disparition
des signes cliniques, moindre recours aux soignants...).
Les difficultés de mise en œuvre et les limites de ces
méthodes sont clairement abordées, notamment celles se
rapportant aux dosages des médicaments (dont nous souli-
gnons ici l’importance croissante dans la prise en charge de
la maladie liée au VIH). Les auteurs émettent, cependant,
des réserves (information limitée à la dernière prise, absence
possible de corrélation entre concentration plasmatique et
efficacité) qui nous paraissent discutables, car une interpré-
tation pharmacocinétique intégrant les données cliniques
(notamment les troubles rénaux et hépatiques), les moda-
lités de prise et les interactions médicamenteuses peut
fournir de précieux renseignements aussi bien sur l’obser-
vance que sur la nécessité d’adapter le traitement.
Les autres facteurs détaillés concernent la nature de la
pathologie impliquée (chronique ou non, symptomatique
ou non, origine psychiatrique ou non), le profil des
malades (sexe, âge, niveau intellectuel), les caractéris-
tiques du traitement (nombre de médicaments prescrits,
posologie, durée). Ankri et al. soulignent utilement la
prise de conscience par les firmes pharmaceutiques de l’im-
portance de la mise au point de traitements simplifiés
(nombre de prises quotidiennes et nombre d’unités par
prise) ainsi que la démarche faite par nombreux médecins
en vue de sensibiliser leurs patients à l’aide d’“outils” (sup-
ports explicatifs simplifiés, aide-mémoire, calendriers…).
Néanmoins, notons qu’une faible place est accordée à
l’impact des effets secondaires sur l’observance (mais
notre perception est peut-être influencée par notre
expérience des traitements antirétroviraux ?).
Enfin, à juste titre, la dimension psychosociale est égale-
ment abordée.
L’originalité de cette revue de la littérature est liée au
long développement consacré par Ankri et al. à l’analyse
de l’interaction médecin/patient et de ses conséquences
sur les comportements d’adhésion. Certains dysfonction-
nements dans les échanges médecin/patient sont analy-
sés en termes de contenu, de processus, de négociation,
de niveau de satisfaction pouvant altérer l’observance :
référence aux travaux de Svarstad (1974) montrant que
l’observance est corrélée à la quantité d’informations et,
consignes données par le médecin, à ceux de Bales (fin
des années 60), qui a développé un système d’analyse des
comportements sociaux et émotionnels basé sur l’analyse
d’enregistrements de consultations (234 médicales dont
154 initiales et 80 de suivi, 285 de suivi pédiatrique). Cet
auteur montre, uniquement pour les consultations de
suivi, que l’observance est meilleure quand la relation
médecin/malade est d’ordre amical et que le médecin
émet des suggestions, alors que les désaccords et les
déséquilibres d’information entre les deux conduisent à
l’inobservance ; ainsi, le système d’analyse de Bales
permet d’évaluer l’impact de l’affectif dans la communi-
cation médecin/patient ; l’empathie du médecin est
souvent associée à la satisfaction du patient.
Les travaux de Katz (début des années 80) sont aussi rap-
portés, montrant l’impact positif sur l’observance de la
réciprocité des échanges (informations “bidirection-
nelles”), avec un rôle actif du patient au cours de la consul-
tation ; Lin et al. (1982) évaluent l’impact de la satisfaction
du patient vis-à-vis des soins médicaux, variable suivant
son âge et le moment du suivi pris en compte.
Ankri et al. se réfèrent ensuite aux travaux sur le rôle des
croyances des patients, notamment dans le cadre du modèle
HBM (health belief model) : modèle de croyances en matière
de santé développé par Rosenstock, dans lequel l’obser-
vance peut être liée à la motivation individuelle relative
aux questions de santé, à la volonté de consulter et d’ac-
cepter un avis médical, à la perception et à la représenta-
tion de la maladie ainsi que du pronostic, enfin aux réper-
cussions somatiques et sociales, et à la personnalité du
Ankri J, Le Disert D,
Henrard JC,
Comportements
individuels face
aux médicaments :
de l’observance
thérapeutique
à l’expérience
de la maladie,
analyse
de la littérature.
Santé publique
1995 ; 4 : 427-41
(83 références).
❷
Les comportements d’observance (ou de non-observance) thérapeutique
peuvent-ils être analysés exclusivement sous l’aspect des caractéristiques
relationnelles médecin/patient ?
D