DOSSIER THÉMATIQUE
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
après un délai variable. Optimiser de façon ciblée l’action de
l’hormonothérapie revient à étudier les mécanismes de résistance
à l’hormonothérapie. L’étude rétrospective GUN, qui avait com-
paré tamoxifène versus placebo chez 403 patientes opérées d’un
cancer du sein, avait montré que le tamoxifène était délétère chez
les patientes dont les tumeurs surexprimaient HER2 (46). En
revanche, la phase S, la ploïdie, l’expression de l’EGFR et la den-
sité en microvaisseaux n’étaient pas prédictives. M. Dowsett et
al. ont aussi montré que l’expression de HER2 était inversement
proportionnelle à l’expression des RO (47). De la même manière,
G. Arpino et al. ont montré de façon rétrospective que les tumeurs
RO+/RP- exprimaient plus HER2 et l’EGFR et étaient de moins
bon pronostic que les tumeurs RO+/RP+ (20). D’autres mar-
queurs d’efficacité des hormonothérapies ont été recherchés.
AIB1 est un coactivateur des RO qui est surexprimé dans 65 %
des tumeurs de sein et amplifié dans 5 à 10 % des cas. AIB1 aug-
mente l’activité agoniste du tamoxifène. C.K. Osborne et al. ont
montré que, chez les patientes qui ne recevaient pas de tamoxi-
fène en situation adjuvante, une forte expression de AIB1 était
associée à une meilleure SSP (48). En revanche, chez les patientes
qui recevaient du tamoxifène en situation adjuvante, une forte
expression de AIB1 était associée à une moins bonne SSP, témoin
d’une résistance au tamoxifène. Le pronostic était encore moins
bon lorsque AIB1 et HER2 étaient tous les deux surexprimés. Le
modèle néoadjuvant a naturellement été utilisé pour étudier la
résistance à l’hormonothérapie. M.J. Ellis et al. ont ainsi montré
que les patientes dont les tumeurs surexprimaient HER2 et
l’EGFR répondaient statistiquement mieux au létrozole qu’au
tamoxifène (88 % versus 21 %) (49). L’étude IMPACT, qui com-
paraît 3 mois d’hormonothérapie néoadjuvante par tamoxifène,
anastrozole ou l’association des deux a montré que, dans le sous-
groupe des patientes ayant une tumeur surexprimant HER2, le
taux de réponse à l’hormonothérapie était plus élevé avec l’anas-
trozole (58 %) qu’avec le tamoxifène (22 %) ou l’association
(31 %) (50). Finalement, les études précliniques et cliniques sug-
gèrent que les inhibiteurs de l’aromatase sont plus efficaces que
le tamoxifène pour les tumeurs HER2+ ou RO+/RP-. La signa-
lisation par les récepteurs aux estrogènes ne peut plus être consi-
dérée isolément. En effet, les facteurs de croissance peuvent
modifier la réponse ou être modifiés par les hormones.
L’association de l’hormonothérapie aux inhibiteurs des signaux
de transduction, comme les inhibiteurs de facteurs de croissance
anti-HER1/HER2, les inhibiteurs de farnesyltransférases, les inhi-
biteurs de MEK et les inhibiteurs de mTOR, ouvre de nouvelles
perspectives.
J. Shou et al. ont montré en préclinique que la surexpression de
l’EGFR et de HER2 était un facteur de résistance au tamoxifène
et que le trastuzumab et le gefitinib permettent de rétablir l’acti-
vité antitumorale du tamoxifène (51). Dans l’étude HERA, qui a
comparé une chimiothérapie adjuvante à une chimiothérapie adju-
vante suivie de un an de traitement par trastuzumab chez des
patientes opérées d’un cancer du sein surexprimant HER2, la SSR
était améliorée de 50 % dans le bras avec trastuzumab, quel que
soit le sous-groupe de récepteurs hormonaux et quel que soit le
traitement hormonal (52). Or, les deux tiers des patientes ont reçu
une hormonothérapie adjuvante par tamoxifène. L’hypothèse,
déjà émise en préclinique par A. Argiris et al. (53), est que le tras-
tuzumab réverse la résistance au tamoxifène. Des essais étudiant
l’association du tratuzumab à un inhibiteur de l’aromatase sont
en cours. Le lapatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase anti-
HER1/HER2 d’administration orale. En préclinique, il a été mon-
tré qu’il restaurait la sensibilité au tamoxifène et entraînait une
régression tumorale (54). Actuellement, un essai de phase III éva-
lue le létrozole avec ou sans lapatinib chez 760 patientes ayant
un cancer du sein métastatique.
Les études précliniques ont montré que les inhibiteurs de farne-
syltransférases avaient une activité cytostatique sur les lignées
tumorales mammaires (55). Par ailleurs, il existe une synergie
avec le tamoxifène et les inhibiteurs de l’aromatase (56). Les
essais cliniques en monothérapie et en association avec les hor-
monothérapies sont en cours.
Enfin, la voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR joue aussi mani-
festement un rôle important dans la croissance tumorale. En effet,
l’AKT sérine-thréonine-kinase est activée en réponse à de nom-
breux facteurs de croissance. Le mammalian target of rapamycin
(mTOR) est un effecteur de la voie de signalisation
PI3K/AKT/mTOR. Les approches thérapeutiques reposent sur le
développement d’inhibiteurs de PI3K (LY294002) et d’inhibiteurs
de mTOR comme les analogues de la rapamycine (temserolimus
CCI 779 et everolimus RAD-001). A.S. Clark et al. ont montré en
préclinique que l’activation d’AKT induisait une résistance au
tamoxifène (57). Par ailleurs, l’everolimus a une activité antitu-
morale, et il existe une synergie du létrozole et de l’everolimus.
Les modèles précliniques montrent aussi que le temsirolimus res-
taure la sensibilité au tamoxifène. Les essais cliniques en mono-
thérapie et en association avec les hormonothérapies sont en cours.
Le problème principal des essais cliniques en situation métasta-
tique ou adjuvante est l’hétérogénéité des patientes. Le meilleur
modèle pour évaluer ces nouvelles thérapeutiques est la situation
néoadjuvante. Pour optimiser l’hormonothérapie, il est impéra-
tif de bien comprendre les mécanismes biologiques, de réaliser
des essais précliniques et enfin de sélectionner les patientes pour
les essais cliniques, afin d’établir la preuve du concept.
HORMONOTHÉRAPIE DES CANCERS DU SEIN
ET EFFETS OSSEUX
Presque toutes les études montrent que le risque de fracture est
plus important chez les femmes traitées pour un cancer du sein
(58-60). Selon la définition de la conférence de consensus de 1993,
l’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette caractérisée par
une diminution de la masse osseuse et des altérations microar-
chitecturales du tissu osseux, ayant pour conséquence une aug-
mentation de la fragilité osseuse et du risque fracturaire. Le dia-
gnostic d’ostéoporose est fait par ostéodensitométrie. La densité
osseuse est estimée par le T-score, qui correspond en réalité à un
ratio de densité osseuse par rapport à une population du même âge
qui n’a pas d’ostéoporose. Un T-score inférieur à – 1 correspond
à une ostéopénie, tandis qu’un T-score inférieur à – 2,5 signe une
ostéoporose (définition de l’OMS 1997). Les facteurs reconnus
protecteurs vis-à-vis de l’ostéoporose chez les patientes atteintes
d’un cancer du sein sont le surpoids et un traitement par tamoxi-