La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 4 - juillet-août 2006
Cas clinique
Cas clinique
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[1] © La Lettre du Cancérologue 2006;3(XV):134-6.
* CLCC Oscar-Lambret, département de cancérologie générale, Lille.
** Centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer.
*** Centre hospitalier Rang-du-Fliers.
**** Centre hospitalier régional universitaire de Lille.
Franchir la ligne !... À propos d’une évolution
favorable sous erlotinib (Tarceva®)[1]
# E. Dansin*, G. Cardot**, S. Ribadeau***, H. Porte****
Mme N.D., âgée de 62 ans, ancienne secrétaire, sans
antécédent particulier, consultait en décembre 2004
pour douleur hémithoracique droite. Elle avait fumé
de l’âge de 14 à 60 ans, avec une consommation globale estimée
à 35 paquets-années. Le scanner révélait à droite une masse
lobaire inférieure de 4 cm associée à de volumineuses adéno-
pathies hilaires et médiastinales et une pleurésie de faible abon-
dance. La cytologie pleurale était négative. Le diagnostic d’adé-
nocarcinome était obtenu par ponction transthoracique sous
scanner. L’immunohistochimie était clairement en faveur d’un
carcinome d’origine bronchique. Le bilan d’extension (scanner
cérébral, scintigraphie osseuse, coupes scanner hépatiques et
surrénaliennes) étant négatif, la lésion était classée cT2N2M0 ;
la patiente recevait deux cures de chimiothérapie d’induction
(cisplatine/docétaxel). Cette induction n’entraînait aucune ré-
ponse objective. La thoracotomie découvrant une carcinose
pleurale patente, il n’était réalisé qu’une pleurectomie partielle
pour symphyse. Les analyses histologiques confirmaient l’at-
teinte métastatique pleurale d’un adénocarcinome. À compter
du 25 février 2005, la patiente recevait une deuxième ligne de
chimiothérapie par pemetrexed (Alimta®). Après six cures, le
bilan montrait une progression de la lésion lobaire inférieure
droite et des nodules intraparenchymateux (figures1et2) ainsi
qu’une lésion cérébrale frontale antérieure gauche très suspecte
(figure 3). Un traitement par erlotinib à la posologie de 150 mg/
jour était commencé à partir du 1er juillet 2005. La patiente pré-
sentait une réaction acnéiforme de faible intensité au niveau pé-
ribuccal et sur le décolleté. Il n’y avait pas de toxicité digestive.
Après 2 mois d’erlotinib, on constatait une réponse objective
thoracique et cérébrale. La poursuite du traitement entraînait
des infections péri-unguéales évoluant favorablement sous an-
tiseptiques locaux. Après 10 mois de prise continue d’erlotinib,
le bilan confirmait la régression majeure de l’opacité lobaire
inférieure droite (23 mm) et de l’épaississement pleural ainsi
que la disparition complète des nodules intraparenchymateux
et des adénopathies médiastinales (figures4et5). Le scanner
cérébral ne retrouvait plus la lésion antérieure gauche initiale-
ment décrite (figure 6). L’amélioration fonctionnelle manifeste
permettait à la patiente de reprendre des activités physiques
régulières. Notre observation souligne :
– la valeur des facteurs cliniques prédictifs d’une réponse objec-
tive sous inhibiteur du récepteur de l’EGF (ITK-EGFR) ;
– l’efficacité potentielle des ITK-EGFR sur les métastases cérébrales ;
– l’apport de l’erlotinib.
Des facteurs cliniques et biologiques prédictifs d’une réponse
sous ITK-EGFR ont été décrits. Les éléments cliniques sont fia-
bles et facilement identifiables : le sexe féminin, l’histologie adé-
nocarcinomateuse, l’absence de tabagisme et l’ethnie asiatique
(1). La valeur prédictive des facteurs biologiques (expression
de l’EGFR en immunohistochimie, nombre de copies du gène
en FISH, mutations du gène de l’EGFR) est plus discutée, car
toutes les études ne sont pas concordantes (2, 3). À ce jour, il
n’est pas demandé de réaliser ces tests biologiques pour sélec-
tionner les candidats à un traitement par ITK-EGFR. Des ré-
ponses objectives sous ITK-EGFR ayant déjà été rapportées sur
des métastases cérébrales, cette situation clinique ne doit pas
représenter une contre-indication à la prescription (4). Dans
l’essai BR 21 de F.A. Sherpherd et al. comparant l’erlotinib au
placebo chez des patients atteints de cancer bronchique non
à petites cellules (CBNPC) en deuxième et troisième ligne de
chimiothérapie, le taux de réponse objective était de 9 % dans
le bras erlotinib (5). Ce résultat modeste était toutefois associé
à une différence significative en termes de survie, avec une mé-
diane de 6,7 mois dans le bras erlotinib versus 4,7 mois dans le
bras placebo. Ce bénéfice sur la survie n’était pas confirmé par
l’essai ISEL, utilisant, dans des circonstances cliniques a priori
comparables, du géfitinib (Iressa®) [6]. Des différences pharma-
cologiques pourraient expliquer au moins partiellement cette
supériorité de l’erlotinib.
Même si le recul est faible, notre observation illustre le bénéfice
que peut apporter l’erlotinib tant sur le plan fonctionnel qu’en
termes de réponse objective chez des patients en situation
d’échec après une deuxième ou troisième ligne de chimiothé-
rapie. De nombreuses questions persistent sur les ITK-EGFR,
mais il semble indéniable qu’ils peuvent aider certains patients
à… franchir les lignes. N
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Janne PA, Gurubhagavatula S, Yeap BY et al. Outcomes of patients
with advanced non-small-cell lung cancer treated with gefitinib (ZD1839,
Iressa®) on an expanded access study. Lung Cancer 2004;44(2):221-30.
2. Lynch TJ, Bell DW, Sordella R et al. Activating mutations in the epi-
dermal growth factor receptor underlying responsiveness of non-small-cell
lung cancer to gefitinib. N Engl J Med 2004;350(21):2129-39.
3. Tsao MS, Sakurada A, Cutz JC et al. Erlotinib in lung cancer - molecu-
lar and clinical predictors of outcome. N Engl J Med 2005;353(2):133-44.
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