L L’endoscopie dans l’évaluation préthérapeutique du cancer du rectum

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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancer du rectum
L’endoscopie dans l’évaluation
préthérapeutique du cancer
du rectum
Endoscopy in rectal cancer staging
Alain Attar*
L
e bilan endoscopique préthérapeutique du
cancer du rectum est constitué par la coloscopie
préopératoire et l’échoendoscopie (EE) rectale.
La coloscopie est bien entendu l’acte qui permet le
diagnostic positif, avec la visualisation directe de
la tumeur et la réalisation de biopsies, mais également celui qui précise l’existence d’autres polypes
ou cancers sur le reste du cadre colique et donne
les mesures de la tumeur par rapport au canal anal
et au sigmoïde. L’échoendoscopie sert également à
la cartographie, mais son rôle principal réside dans
le bilan d’extension “T” et la détection d’adénopathies d’allure métastatique péritumorales “N”
de la classification TNM.
Technique
* Service de gastroentérologie-MICIassistance nutritive, hôpital Beaujon,
Clichy.
Les sondes d’EE rigides sont employées surtout dans
la pathologie du canal anal. Elles peuvent aussi être
utilisées pour le staging des tumeurs rectales, mais
sont inconfortables et ne permettent pas la vision
endoscopique. Surtout en cas de sténose partielle
ne pouvant être franchie que par un coloscope,
ces sondes rigides sans contrôle endoscopique ne
permettent pas facilement, ou dans l’inconfort pour
le patient, l’exploration de part et d’autre de la
sténose. Pour ces raisons, les vidéo-échoendoscopes
souples utilisés pour l’échoendoscopie digestive
haute ou biliopancréatique servent fréquemment
pour le rectum, avec des performances comparables
mais des durées d’apprentissage différentes (1). Ces
échoendoscopes sont équipés de sondes d’échographie radiales (images circulaires utilisées pour
le diagnostic) ou linéaires. Les sondes radiales
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permettent de balayer la tumeur rectale de haut
en bas et de droite à gauche avec des coupes à 360
ou 270°. Les sondes linéaires sont celles qui sont
utilisées pour ponctionner sous contrôle endoscopique puisque le faisceau ultrason est dans l’axe de
sortie de l’aiguille à ponction. Il n’est pas fréquent
d’avoir à ponctionner en cas de cancer du rectum,
sauf pour les tumeurs superficielles avec adénopathie
qui posent le problème du choix entre résection
endoscopique et chirurgicale. La ponction d’adénopathie périlésionnelle n’est pas aisée pour des
ganglions de moins de 5 mm.
Les minisondes à haute fréquence peuvent être utilisées pour préciser l’extension sous-muqueuse avant
de décider de la technique de résection, endoscopique
ou chirurgicale.
La distance d’exploration et la précision de l’image
dépendent de la fréquence de la sonde d’échographie. Les sondes habituellement utilisées ont
des fréquences de 7,5 et 12 MHz. Leurs profondeurs
de champ sont respectivement de 50 et de 20 mm
environ et la précision de l’image augmente avec
la fréquence. Le principe de l’EE est la réflexion des
ultrasons selon les tissus. Les variations d’échogénicité des différentes couches de la paroi révèlent
7 interfaces et couches successives dans le rectum
(figure 1), contrairement aux autres étages du tube
digestif où l’on ne visualise habituellement que
5 couches (absence de couche hyperéchogène au
milieu de la musculeuse, interface entre circulaire
interne et longitudinale externe). Avec les minisondes, dont la fréquence va jusqu’à 20-30 MHz,
le nombre d’interfaces, et donc de couches, s’accroît.
Ces sondes, onéreuses, ne sont utilisées que lorsqu’il
faut préciser l’extension des tumeurs superficielles T1.
Points forts
» L’échoendoscopie par vidéoendoscope souple permet, en association avec l’IRM rectale, le bilan
préthérapeutique des cancers du rectum.
» L’échoendoscopie évalue bien l’extension T1-T2-T3 débutante, moins bien celle des T3 et T4 évolués.
» Le caractère métastatique des ganglions péritumoraux est évoqué si leur plus petit diamètre est supérieur à 6 mm et s’ils sont hypoéchogènes. Des progrès doivent être faits dans leur détection.
» La cartographie dans le rectum, par rapport au sphincter anal, aux releveurs et aux organes de voisinage
doit être précisée.
L’apprentissage et le volume d’examens pratiqués
semblent jouer dans la précision diagnostique. Un
article récent a repris les cas de 7 096 patients opérés
de cancer rectal et ayant eu une EE préopératoire
avant un éventuel traitement néoadjuvant (2). Le
stade déterminé après chirurgie correspondait à celui
de l’EE dans respectivement 63,2 et 73,1 % des cas
dans les centres effectuant moins de 10 ou plus de
30 EE par an.
Résultats
Extension pariétale
L’EE permet de diagnostiquer les cancers superficiels T1 et T2 avec une précision diagnostique allant
de 69 à 97 % selon les études (3, 4). L’atteinte
est classée en uT1 (atteinte muqueuse, sousmuqueuse), uT2 (musculeuse), uT3 (séreuse, graisse
périrectale) ou uT4 (organe de voisinage) – avec
“u” pour ultrasonography (figure 1). L’atteinte T4
n’est pas toujours facile à déterminer quand la
tumeur est de grande taille, à cause des limites de
la profondeur de champ. Il peut y avoir des écarts
importants par rapport à la chirurgie : jusqu’à 18 %
de sous-estimation et 17,3 % de surestimation sur
près de 7 000 examens (2). Cette classification est
finalement assez grossière, très nettement affinée
en m1 à m3 et sm1 à sm3 (“m” pour muqueuse et
“sm” pour sous-muqueuse) par l’utilisation des
minisondes qui permettent de repérer la musculaire muqueuse dans plus de 90 % des cas. Cela
devient utile quand la tumeur n’atteint que très
superficiellement la sous-muqueuse (sm1), autorisant la résection endoscopique. Dans ce cas, l’IRM
n’aide pas à choisir entre traitement endoscopique
et chirurgical mais à guider vers une chirurgie endoluminale.
Le fascia recti est difficile à voir en EE, et beaucoup mieux visualisé en IRM. C’est important
pour évaluer la marge latérale de résection. Une
technique d’EE en 3 dimensions, pas encore très
répandue, permettrait de faire passer la détection de l’envahissement du mésorectum de 50 %
environ en technique en 2 dimensions standard à
près de 100 % des cas (5). Une méta-analyse de
2004, a recensé près de 90 articles publiés entre
1985 et 2002. Elle a montré que l’EE était légèrement (87 versus 82 %) mais significativement
supérieure à l’IRM pour le staging T (6). Mais les
progrès techniques de l’IRM permettent maintenant
de rapprocher les 2 techniques. Par exemple, dans
une étude récente comparant également EE et IRM,
la précision diagnostique était non significativement
différente pour les 2 techniques concernant les
tumeurs T2 (respectivement 76 % [IC 95 : 65-84]
et 77 % [IC95 : 67-85]) et T3 (respectivement 76 %
[IC95 : 65-84] et 83 % [IC95 : 73-90]) [7]. L’IRM ne
visualisait pas les tumeurs T1, tandis que l’EE sousestimait toutes les tumeurs T4. C’est la conclusion
de l’apport des 2 techniques ; l’EE décrit bien les
T1-T2 et l’IRM les T4, et les performances sont
probablement proches pour les T3 “faibles” où il y
a du festonnement au-delà de la 5e couche hyperéchogène.
L’échoendoscopie permet de diagnostiquer les
cancers superficiels T1 et T2 avec une précision
Extension
uTis
uT1
uT2
uT3
1re couche hyperéchogène
2e couche hypoéchogène
Mots-clés
Échoendoscopie
Coloscopie
Cancer du rectum
Highlights
» Rectal ultrasonography associated and MRI are both useful
for pretherapeutic management.
» Ultrasonography evaluates
tumoral extention correctly
up to T3, less easily for more
extended lesions.
» The adenopathy detection is
done considering their shape
and size.
Keywords
Ultrasonography
Colonoscopy
Rectal cancer
uT4
Épithélium
Muqueuse
Chorion
Musculaire muqueuse
3e couche hyperéchogène
Sous-muqueuse :
sm 1, 2, 3
4e
tcouche hypoéchogène
tcouche hyperéchogène
Musculeuse
tcouche hypoéchogène
5e couche hyperéchogène
Séreuse
Sous-séreuse
Organe de voisinage
Figure 1. Correspondance entre les couches anatomiques et l’extension échoendoscopique en uTn.
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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancer du rectum
L’endoscopie dans l’évaluation préthérapeutique du cancer du rectum
Tumeur
Tumeur
Ganglion
Musculeuse
Extension de la tumeur au-delà de la séreuse (T3)
Figure 2. Adénocarcinome rectal T3N+ vu sur 2 plans de coupe.
diagnostique allant de 69 à 97 %. Cette classification peut être affinée en sm1 à sm3 par l’utilisation
des minisondes quand il y a doute sur la possibilité
de résection endoscopique. L’échoendoscopie est
supérieure à l’IRM pour classer en T1-T2, l’IRM est
supérieure pour les tumeurs évoluées et larges T3-T4
(figure 2).
Extension ganglionnaire
Les petits ganglions de moins de 5 mm sont facilement repérables et sont habituellement non
métastatiques. Les 4 critères suivants, s’ils sont tous
présents, sont fortement évocateurs du caractère
métastatique du ganglion : taille > 10 mm, forme
ronde, hypoéchogénicité et contours réguliers. Une
étude a montré que la mesure des plus petits et
plus grands diamètres d’un ganglion, respectivement supérieurs à 6 et 9 mm et l’hypoéchogénicité
étaient 2 critères indépendants de malignité, même
présents de manière isolée (8). La comparaison entre
EE et IRM a montré qu’il y a encore des progrès
diagnostiques à faire dans la reconnaissance des
ganglions métastatiques pour les 2 techniques avec
des chiffres très variables, allant de 40 à 90 % (9, 10).
Une méta-analyse a en effet montré que la performance diagnostique du caractère métastatique
des adénopathies à l’EE devait être améliorée avec
une sensibilité de 73,2 % et une aire sous la courbe
ROC à 0,79, établies à partir d’une méta-analyse
de 35 études (11).
Cartographie
Parallèlement à la vision endoscopique de la
limite supérieure du canal anal, l’EE doit donner
les distances de la tumeur par rapport au pôle supérieur du sphincter anal. La localisation rectale exacte
antérieure, latérale ou postérieure et la hauteur
de la tumeur elle-même doivent également être
consignées, ainsi que la distance par rapport aux
muscles releveurs pour la distinction entre haut et
bas rectum. Si la rectosigmoïdoscopie ne l’avait
pas établie avec certitude, l’atteinte de la charnière
rectosigmoïdienne ou la catégorisation en tumeur
du haut rectum est une précision importante pour la
prise en charge chirurgicale, avec ou sans traitement
néoadjuvant.
■
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