Qu`attend le chirurgien de l`imagerie dans le bilan préopératoire d

Quattend le chirurgien
de limagerie
dans le bilan préopératoire
dun cancer du rectum ?
What does the surgeon may expect
from the preoperative radiological
staging of rectal cancer?
Léon Maggiori
(1)
,Magaly Zappa
(2)
,
Frédéric Bretagnol
(1)
,Yves Panis
(1)
1
Service de chirurgie colorectale,
Pôle des maladies de lappareil
digestif (PMAD),
Hôpital Beaujon (AP-HP),
100, boulevard du Général Leclerc,
92118 Clichy, France
2
Service de radiologie,
Hôpital Beaujon (AP-HP),
100, boulevard du Général Leclerc,
92118 Clichy, France
Résumé
La prise est charge du cancer du rectum est complexe, de nombreuses
options thérapeutiques étant disponibles, tant sur le plan médical que
chirurgical. Le bilan dimagerie préopératoire est constitué de deux
examens dimagerie : léchoendoscopie rectale (EER) et lIRM pelvienne.
Ces deux examens, complémentaires lun de lautre, sont fondamentaux
pour le chirurgien, car ils vont permettre de recueillir les informations
nécessaires à lélaboration de lensemble de la stratégie thérapeutique.
LEER est lexamen de première ligne dans tout cancer du rectum et va
permettre de préciser la taille, le siège, le stade T et le stade N de la tumeur.
Elle sera complétée par lIRM pelvienne, particulièrement utile en cas de
doute sur la localisation de la tumeur, de tumeur sténosante ou datteinte
dun organe de voisinage, et qui permettra, de plus, de préciser la marge
prévisible de résection circonférentielle. Lensemble de ces informations
va guider lindication dune radiochimiothérapie néoadjuvante et dune
exérèse transanale, en alternative à la proctectomie avec exérèse totale
du mésorectum. De plus, ces examens vont permettre de prévoir au mieux
les possibilis de préservation sphinctérienne. Enfin, après traitement
néoadjuvant, la réalisation dune deuxième IRM pelvienne permettra
dévaluer la réponse tumorale à la radiochimiothérapie.
nMots clés : cancer du rectum, écho-endoscopie rectale, IRM pelvienne,
radio-chimiothérapie néoadjuvante, résection transanale, réponse tumorale
Abstract
Therapeutic choices for rectal cancer are complex with many available
medical and surgical options. Endoluminal ultrasonography and pelvic
MRI are the key components of preoperative radiological local staging.
Both are useful to surgeons, leading to essential information to
elaborate therapeutic strategies. Endoluminal ultrasonography is the
first step of local screening of all rectal cancers. It will allow a precise
evaluation of the size, localization and TNM staging of the tumor. Pelvic
MRI will complete this screening with the measurement of circumferen-
tial resection margin. Indication for neoadjuvant radiochemotherapy,
possibilities of transanal excision (as an alternative for proctectomy
with complete mesorectal excision), and possibilities of sphincter-saving
HEPATO
n
GASTRO
et Oncologie digestive
Tirés à part : Y. Panis
383
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
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5, septembre-octobre 2010
.Séminaire SNFGE 2010
doi: 10.1684/hpg.2010.0477
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procedure will be assessed by this complete local screening. Further-
more, after neoadjuvant radiochemotherapy, a second pelvic MRI will
allow to evaluate tumoral response.
nKey words: rectal cancer, endoluminal ultrasonography, pelvic MRI, neoadjuvant
radiochemotherapy, transanal excision, tumoral response
La prise en charge du cancer du rectum est complexe
et repose sur léquilibre de deux impératifs : la qualité
du traitement oncologique et la préservation du résultat
fonctionnel. De nombreuses options thérapeutiques sont
disponibles, tant sur le plan médical (traitement néoadju-
vant ou chirurgie demblée, traitement adjuvant ou simple
surveillance) que chirurgical (proctectomie avec exérèse du
mésorectum ou résection locale transanale, conservation
sphinctérienne ou amputation abdominopérinéale). Cette
prise en charge a fait lobjet de recommandations pour la
pratique clinique (RPC) en 2005, qui mettent largement
laccent sur limportance du bilan dimagerie dans lévalua-
tion préopératoire de lextension locorégionale du cancer du
rectum, afin de guider au mieux le choix des traitements
médicaux et des techniques chirurgicales [1]. Deux examens
performants sont disponibles : léchoendoscopie rectale
(EER) et lIRM pelvienne, qui vont toutes deux permettre de
recueillir un grand nombre dinformations : siège de la
tumeur, taille de la tumeur, stade TNM (Tumor Nodes
Metastasis) marges prévisibles de résection circonférentielle
et distale, et, le cas échéant, réponse au traitement néo-
adjuvant. Ces informations fondamentales vont répondre
à une série de questions pratiques, guidant ainsi lensemble
de la prise en charge : faut-il réaliser un traitement néoadju-
vant ? Peut-on réaliser une exérèse transanale ? Lexérèse
complète est-elle possible ? Peut-on réaliser une conserva-
tion sphinctérienne ?
Depuis les RPC de 2005, ces deux examens doivent, dans
lidéal, faire partie du bilan préthérapeutique de tout cancer
du rectum. Comme nous allons le voir, en cas de tumeur
non infiltrante (petite tumeur T1, voire T2), on peut se pas-
ser de réaliser une IRM, mais léchoendoscopie est alors
indispensable. En revanche, en cas de tumeur infiltrante
(T3 et/ou N +), la non-réalisation de ces deux examens en
préthérapeutique nous paraît être une perte de chance
pour le patient.
LIRM et léchoendoscopie rectale
sont les deux examens clés
du bilan dextension locorégional
Faut-il réaliser
un traitement néoadjuvant ?
La décision de la réalisation dun traitement néoadjuvant
repose sur la détermination du degré dinfiltration de la
paroi rectale (stade T de la classification TNM) et de latteinte
ganglionnaire (stade N). En effet, cette détermination va
permettre de classer les patients en deux groupes :
un groupe à faible risque de récidive locale, pour lequel
la réalisation dun traitement néoadjuvant naura pas
dintérêt sur le plan oncologique et exposera les malades
à une surmorbidité liée à la toxicité du traitement ;
un groupe à haut risque de récidive, pour lequel le
traitement adjuvant prendra tout son intérêt.
Lessai hollandais étudiant le bénéfice de la radiothérapie
néoadjuvante [2, 3] a identifié les patients à risque comme
étant ceux atteints dun cancer T3-T4 et/ou N + du bas et
du moyen rectum. Plus récemment, deux essais randomisés
ont démontré la supériorité du traitement par radiochimio-
thérapie par rapport à la radiothérapie seule, en montrant
une diminution significative du taux de récidives locales
[4, 5] (figure 1). Cette radiochimiothérapie nest pas
indiquée pour les tumeurs du haut rectum (en raison du
risque important dentérite radique), sauf en cas de tumeur
T4 avec extension aux organes de voisinage. En 2010, les
recommandations sont donc de réaliser un traitement par
radiochimiothérapie pour les cancers T3/T4 et/ou N + du
bas et du moyen rectum [1] (figure 2).
Ainsi, pour décider de lintérêt dun traitement néoadju-
vant, trois informations sont indispensables : le siège exact
de la tumeur (haut rectum versus bas et moyen rectum),
lexistence dune infiltration dans le mésorectum (stades
T1-T2 versus stades T3-T4) et lexistence dune atteinte
ganglionnaire (stade N +).
Le siège de la tumeur est précisé en premier lieu par le
toucher rectal qui permet davoir accès aux tumeurs du
bas et du moyen rectum. Si la tumeur nest pas accessible
au toucher, sa position va être précisée sur les coupes sagit-
tales de lIRM pelvienne, qui permettront de localiser la
tumeur au-dessus du cul-de-sac de Douglas (haut rectum)
ou en dessous (moyen et bas rectum). Sur ces mêmes
coupes, un autre repère est constitué par le sacrum, une
tumeur du haut rectum étant situé au niveau de S3 ou
plus haut (figure 3). Il nexiste cependant pas de consensus
formel sur ces repères. Il est également possible de mesurer
la distance entre le pôle inférieur de la tumeur et les
releveurs de lanus.
Les performances comparées de lEER et de lIRM pour la
stadification T du cancer du rectum ont fait lobjet de plu-
sieurs études et méta-analyses [6, 7], qui ont démontré que
LEER est supérieure à lIRM pour distinguer une tumeur non
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localement avancée dune tumeur avec extension dans le
mésorectum (T2 vs T3). LIRM est moins sensible et sous-
classe plus de T3 débutants en T2. À linverse, lIRM savère
extrêmement performante pour le diagnostic datteinte
dorgane de voisinage (T4), en particulier de la vésicule
séminale, avec une sensibilité proche de 100 % [8, 9].
De plus, lIRM reste le seul examen performant en cas de
tumeur sténosante, non accessible à lexamen par EER.
Enfin, concernant le stade N (atteinte ganglionnaire), les
deux examens ont des résultats décevants et aucun nest
supérieur à lautre, avec des sensibilités de 67 % pour
lEER et de 66 % pour lIRM [7, 10]. Cependant, lIRM
permet de chercher les adénopathies hors du mésorectum
(iliaques internes en particulier) beaucoup mieux que
léchoendoscopie (figure 4).
À la lumière de ces données, lEER apparaît comme
lexamen de première intention dans lexploration de tout
cancer du rectum. Pour la décision de réalisation dun
traitement néoadjuvant, elle sera complétée par lIRM en
cas de doute sur la localisation de la tumeur, de tumeur
sténosante ou datteinte dun organe de voisinage.
Léchoendoscopie est lexamen
de première ligne dans toute
lésion du rectum
Peut-on réaliser une exérèse locale ?
Lexérèse locale a été proposée comme une alternative
au traitement radical par proctectomie avec exérèse du
mésorectum dans le but de diminuer la morbimortalité
postopératoire et les séquelles fonctionnelles liées à cette
intervention. Cependant, ce type de traitement ne
sadresse quà la tumeur primitive et ne permet pas de
réaliser de curage ganglionnaire. Toute la difficulté de la
sélection des patients pouvant avoir une exérèse locale
réside dans lévaluation du risque datteinte ganglionnaire.
Les travaux de Nascimbeni et al. en 2002 [11], confirmés
par de nombreuses autres études, ont montré que ce risque
était étroitement corrélé au degré dextension pariétale.
En divisant la sous-muqueuse rectale en trois tiers tiers
superficiel : T1sm1 ; tiers moyen : T1sm2 ; tiers profond :
T1sm3 , le risque datteinte ganglionnaire apparaît
comme trop important (23 %) à partir dun envahissement
du tiers profond (T1sm3). La distinction entre T1sm2 et
T1sm3 nétant fiable que sur lanalyse histologique de la
pièce opératoire, les RPC de 2005 proposent la réalisation
dune exérèse locale pour les tumeurs jugées Tis et T1N0 de
moins de 3 centimètres de diamètre, avec réalisation dans
un second temps dune proctectomie complémentaire en
cas de facteurs de mauvais pronostic à lexamen histo-
logique de la pièce opératoire [12] : tumeur T1sm3 ou T2,
marges envahies, embols vasculaires, atteinte ganglion-
naire, contingent colloïde et engainement nerveux.
En divisant la sous-muqueuse rectale
en trois tiers, le risque datteinte
ganglionnaire apparaît comme trop important
(23 %) à partir dun envahissement du tiers
profond (T1sm3)
La décision de la réalisation dune exérèse transanale en
alternative au traitement radical va donc nécessiter
plusieurs informations capitales sur le bilan dimagerie
préopératoire : la taille de la tumeur, son siège exact
(en particulier si la tumeur nest pas sentie au toucher rectal)
et son caractère Tis-T1/N0.
Dans cette situation, lEER apparaît comme lexamen le
plus informatif, puisque le plus performant pour distinguer
les tumeurs T1 des tumeurs T2 (sensibilité 94 % et
A
0,00 0,05 0,10 0,15 0,20
0246
0,25
0,20
0,15
0,10
0,05
0
Pas de Tt
Radiothérapie
Radiothérapie
Radiochimiothérapie
Durée (années)
Durée (années)
810
123456789101112
B
Figure 1. Probilité de récidive locale après exérèse totale du
mésorectum avec ou sans traitement néoadjuvant.
A : Probabilité de récidive locale après radiothérapie seule ou
absence de traitement néoadjuvant pour cancer du rectum.
(daprès [3]). Tt : traitement ; B : Probabilité de récidive locale
après radiothérapie seule ou radiochimiothérapie pour cancer
du rectum (daprès [4]).
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Bilan préopératoire dun cancer du rectum
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Cancer du rectum
Écho-endoscopie rectale et IRM pelvienne
Haut rectumBas ou moyen rectum
T1-T2 NO
Chirurgie Chirurgie
Chirurgie
Radiochimiothérapie
IRM post-thérapeutique
T3-T4 et/ou N+ T4 Toute tumeur sauf T4
Figure 2. Stratégie devant un cancer du rectum.
Figure 3. IRM pelvienne, coupe sagittale en pondération T2.
Cancer circonférentiel du moyen rectum (flèche rouge),
avec visualisation du cul de sac péritonéal. Figure 4. IRM pelvienne, coupe axiale en pondération T2.
Adénopathie tumorale hypogastrique droite (flèche rouge).
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spécificité 86 %), lIRM napportant pas dinformation
supplémentaire [7].
Lexérèse complète est-elle possible ?
Les RPC de 2005 considèrent comme incomplète (résection
R1) une proctectomie avec exérèse du mésorectum avec
une marge de sécurité circonférentielle inférieure ou égale
à 1 mm [13]. Toute la difficulté pour obtenir cette marge de
sécurité circonférentielle réside dans le fait que le plan de
dissection du mésorectum est un plan fixe (dissection dite
« extrafasciale », en dehors du fascia recti) qui laisse très
peu de place à lextension latérale de la résection. Ces
résections au-delà du mésorectum, si elles sont possibles
sur le plan technique, doivent cependant être prévues lors
du bilan dimagerie préopératoire, afin de guider au mieux
le geste chirurgical.
Lévaluation de la marge prévisible de sécurité circonféren-
tielle nest pas possible avec lEER, car cet examen ne permet
pas de visualiser le fascia recti. En revanche, lIRM est un excel-
lent examen pour la prédiction de cette marge de sécurité,
avec une efficacité supérieure à 90 % [14, 15] (figure 5).
Les tumeurs jugées initialement non résécables ou avec un
risque élevé de résection R1 sont, par définition, une
indication à un traitement néoadjuvant par radiochimiothé-
rapie. Dans les RPC de 2005, la radiochimiothérapie
préopératoire était indiquée pour toute tumeur du bas ou
moyen rectum avec marge circonférentielle mésorectale infé-
rieure à 1 millimètre. En effet, ce traitement peut permettre
dobserver une réponse histologique (« downstaging ») [4, 5]
permettant dobtenir une résection complète de tumeurs
jues initialement inextirpables. Néanmoins, le bénéfice
cemment prouvé de la radiochimiothérapie préopératoire
sur la radiothérapie seule a largement diminué lintérêt de ce
débat, puisque toute tumeur infiltrante (T3 ou T4) doit avoir
une radiochimiothérapie, que la marge soit inférieure à 1 mm
ou pas. Ainsi, le plus intéressant aujourdhui est dévaluer
lextension locale après traitement par radiochimiothérapie,
et ce principalement pour les tumeurs jugées initialement dif-
ficilement résécables. Cest ici que la réalisation dune IRM
avant et après traitement néoadjuvant prend tout son sens
(figure 2). En effet, après traitement, elle évalue correctement
lextension pariétale dans 75 % des cas [16], avec toutefois
25 % de tumeurs dont lextension est sous-estimée (évaluées
T3 sur lIRM mais jugées T4 après examen histologique) (figu-
res 6A et 6B). De plus, sur des critères morphologiques, elle
permet daffirmer la présence dunemargedesécuritésuffi-
sante avec une sensibilité proche de 100 %, au détriment
cependant dune spécificité de 35 %, le facteur limitant prin-
cipal étant la persistance dans la fibrose dîlots résiduels de
cellules tumorales dont la taille est inférieure à la résolution
spatiale de lIRM.
Dans 10 à 25 % des cas [5, 17], la réponse tumorale peut
être complète. De plus, il a été montré quil existait une
corrélation entre la réponse tumorale et la réponse
ganglionnaire et que le risque datteinte ganglionnaire en
cas de réponse tumorale complète était très faible, de
lordre de 6 % [18]. Ces deux notions ont amené certains
auteurs à ne plus proposer chez ces patients de traitement
radical mais une simple surveillance, avec des résultats
oncologiques encourageants [17]. Cependant, la limite
majeure de cette politique est laptitude à affirmer, devant
une réponse clinique complète, le caractère complet de la
réponse histologique. En effet, dans cette situation, lEER et
lIRM sont mises en défaut avec une valeur prédictive
positive de respectivement 50 et 54 % seulement. Le PET-
scan pourrait ici trouver sa place, mais est encore en cours
dévaluation. Pour ces raisons, certains auteurs proposent
une exérèse locale de la cicatrice tumorale [19], afin dobte-
nir une analyse histologique et de proposer un traitement
chirurgical complémentaire en cas de persistance tumorale.
LIRM pelvienne doit être réalisée
dans lidéal avant et après traitement
néoadjuvant par radiochimiothérapie,
surtout en cas de tumeur jugée difficilement
résécable
Peut-on conserver le sphincter ?
Il est maintenant largement démontré quune marge diges-
tive distale de 1 centimètre est nécessaire et suffisante sur le
plan carcinologique. Cette notion a permis de faire réserver
les indications de lamputation abdominopérinéale (AAP)
pour les tumeurs du très bas rectum au profit de la résection
intersphinctérienne. Léquipe de Bordeaux a rapporté les
12,10 mm
Figure 5. IRM pelvienne, coupe axiale en pondération T2.
Tumeur latérale droite avec mesure de la marge de résection
circonférentielle à 12 mm.
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